Eglises d'Asie

Le Bureau des Affaires religieuses dans le collimateur de la Commission de discipline du Parti

Publié le 20/06/2016




L’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses (AEAR), ex-Bureau des Affaires religieuses, manque d’autorité, ne surveille pas assez étroitement les groupes religieux et n’applique pas correctement la politique religieuse du Parti communiste, estime la Commission centrale pour …

… l’inspection de la discipline du Parti (CCIDP).

L’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses est la dernière à subir le douloureux examen de l’organe interne au Parti chargé de l’application des règles et de la lutte contre la corruption. Peu après son arrivée au pouvoir en 2012, le président chinois Xi Jinping a lancé une vaste campagne « anti-corruption », perçue à la fois comme un moyen de restaurer la réputation du Parti communiste, entachée par des scandales, et comme un moyen pour le président d’éliminer des factions rivales.

D’autres départements et ministères chinois ont été critiqués pour des dépenses injustifiées ou leur manque d’enthousiasme à appliquer la politique du Parti. Le Département central de la propagande, qui régule et censure le web chinois, a lui aussi été critiqué début juin. Malgré un contrôle de plus en plus étroit sur les contenus diffusés en ligne, la Commission a estimé que l’administration « ne faisait pas assez pour appliquer le principe du contrôle des médias par le Parti ».

L’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses est en charge des cinq religions reconnues en Chine : bouddhisme, taoïsme, catholicisme, protestantisme et islam. La Commission de discipline a remis son rapport à l’AEAR le 6 juin dernier, l’enjoignant à résoudre les problèmes listés dans le document. Elle a aussi présenté ses conclusions au Comité permanent du Bureau politique du Parti, le cœur du pouvoir.

Le directeur des Affaires religieuses Wang Zuoan a indiqué que son administration acceptait sincèrement les remarques formulées par cet « examen politique » et allait mettre en place un bureau chargé spécifiquement de remédier aux problèmes cités.

Le rapport est le résultat de deux mois d’enquête, d’analyse de documents et d’interrogatoires au sein de l’administration. Il reproche à l’AEAR une série de « problèmes marquants ». En premier lieu, son manque d’autorité : à cause d’une direction « trop faible », la politique religieuse du Parti n’est pas appliquée correctement. Ensuite, le manque d’attention portée aux groupes religieux du pays, pas assez contrôlés, selon le rapport. Enfin, la violation des règles en matière d’emploi, avec le recrutement de proches de cadres de l’Administration, et des abus de biens sociaux. Les cas individuels ont été transférés à d’autres entités disciplinaires, une indication que certains cadres seront probablement poursuivis et condamnés pour corruption.

En septembre 2015 déjà, Zhang Lebin, directeur adjoint de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses, avait été accusé de « graves violations de la discipline [du Parti communiste chinois] », par la Commission centrale pour l’inspection de la discipline. Il avait été exclu du Parti communiste en janvier 2016. C’était le premier responsable de haut niveau des Affaires religieuses à être touché par la campagne anti-corruption lancée en 2013. Début 2015, trente-deux responsables des Affaires religieuses avaient été exclus pour avoir accepté des pots-de-vin de la part de musulmans pour une place au pèlerinage à La Mecque (les départs pour le pèlerinage sont en effet contingentés).

« Il n’est pas vraiment question de lutte contre la corruption. Il est dit explicitement que le contrôle des groupes religieux est insuffisant, analyse un prêtre qui se fait appeler « Père Joseph », cité par l’agence Ucanews. On peut donc s’attendre à un resserrement du contrôle des religions, puisque ce sera un moyen pour les cadres d’obtenir des promotions. »

La politique religieuse officielle a été réaffirmée en avril dernier, lors d’une grande conférence sur les religions. Outre Xi Jinping et le Premier ministre Li Keqiang, la quasi-totalité des membres du Comité permanent du Bureau politique du Parti avait pris la parole devant les membres du Comité permanent du Comité central du Parti et les responsables du Front uni, l’instance qui chapeaute la mise en œuvre de la politique religieuse du Parti. La dernière réunion de ce type remontait à 2001.

« Nous devons guider et éduquer les cercles religieux et leurs adeptes aux valeurs socialistes fondamentales », avait déclaré le président chinois, a rapporté l’agence Chine Nouvelle (Xinhua). Les groupes religieux doivent « interpréter leurs doctrines religieuses d’une manière qui soit propice au progrès de la Chine moderne et cohérente avec l’excellence de notre culture traditionnelle », avait poursuivi Xi Jinping, non sans développer un couplet familier : « Nous devons résolument nous garder contre toute infiltration étrangère menée au nom de la religion et nous prémunir contre toute incursion idéologique par des extrémistes. »

(eda/sp)