Eglises d'Asie

La famille d’un prêtre déclaré « mort par suicide » demande une nouvelle enquête

Publié le 01/02/2016




La famille du P. Pedro Yu Heping ne croit pas au suicide. Après la clôture de l’enquête de police sur la mort du prêtre catholique chinois dont le corps a été retrouvé le 8 novembre dernier dans une rivière du Shanxi, ses proches ont demandé la poursuite des recherches.

Le P. Yu Heping était prêtre de l’Eglise catholique ; il exerçait son ministère au sein de la partie « clandestine » de l’Eglise et était notamment le co-fondateur du site Internet Tianzhujiao Zaixian (‘Catholique en ligne’), un site d’information catholique fondé au début des années 2000 qui était devenu l’un des plus consultés par les catholiques chinois. Son corps avait été retrouvé le 8 novembre 2015 dans la rivière Fen, un affluent du fleuve Jaune, dans la province du Shanxi, à l’ouest de Pékin. Yu Heping était en voyage, et devait arriver au Liaoning (nord) le lendemain.

D’après le rapport d’autopsie, qu’a pu consulter la famille le 15 janvier, une large zone de saignement a été détectée sur la partie droite du cerveau du P. Yu Heping, mais aucune trace de blessure n’a été détectée sur la peau et le crâne. La police n’a pas laissé la famille faire de copie du rapport, rapporte une source au sein de l’Eglise de Chine citée par l’agence d’information catholique Ucanews.

D’après cette source, la famille ne croit pas au suicide et estime que le rapport d’autopsie suggère que la mort aurait une autre cause. Surtout, ils trouvent très improbable le suicide de la part d’un prêtre catholique fervent. Ils s’inquiètent enfin de la disparition de l’ordinateur que le prêtre avait avec lui, un ordinateur qui permet de retracer toutes les activités de ce prêtre en lien avec beaucoup de monde au sein des communautés « clandestines » de Chine.

La police a refusé de rouvrir l’enquête, précise encore la même source. « Cela va à l’encontre des droits de la famille, et constitue un obstacle à la découverte de la vérité », estime cet ecclésiastique chinois.

Né au Shanxi, le P. Yu Heping avait étudié au séminaire catholique de Baoding, un bastion de la partie « clandestine » de l’Eglise catholique dans le Hebei, au sud de Pékin, de 1993 à 1996. Ordonné prêtre dans le Ningxia en 2004, il était parti approfondir ses études de théologie dans des universités pontificales en Colombie (Medellin) et en Espagne (Salamanque), avant de revenir enseigner dans différents séminaires chinois.

Dans les années 2000, le P. Yu Heping avait participé à la création du site Tianzhujiao Zaixian, dont il était le webmaster jusqu’à la fermeture du site en 2003 par les autorités. Relancé sans lui et depuis Hongkong, le site continue d’informer les catholiques de Chine. Ses administrateurs mettent aussi en doute la thèse du suicide. « La police a déclaré que le Père Yu s’était suicidé. Clairement, l’autopsie ne va pas dans le sens de cette affirmation », indique un communiqué du site web.

Le 30 décembre dernier, le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, a concélébré une messe à Hongkong avec l’évêque auxiliaire Joseph Ha Chi-shing, en mémoire du prêtre chinois. Dans le sermon, le cardinal Zen a lu des extraits d’un article non publié du P. Yu Heping dans lequel ce dernier se montrait sceptique sur les pourparlers entre la Chine et le Vatican. « Nous ne pouvons pas renoncer à une vraie liberté religieuse en échange d’un accord. Nous pouvons attendre, a lu le cardinal. Mais en attendant, nous pouvons continuer à travailler calmement. Personne ne peut nous empêcher de prêcher la Bonne Nouvelle de Jésus, qui est sel et lumière », a-t-il poursuivi, citant l’article intitulé : « Le temps Lui appartient ».

Dans son sermon, le cardinal a mis en doute la fiabilité de l’enquête de police chinoise. Il a aussi affirmé que les autorités chinoises avaient interdit au P. Yu Heping d’entrer en contact avec lui. « En fait, je n’ai jamais pris l’initiative de le contacter. Il ne venait que rarement me voir à Hongkong », a indiqué le cardinal.

Le cardinal Zen est lui-même ouvertement critique de la manière dont sont actuellement menées les négociations entre la Chine et le Saint-Siège, négociations qu’il a comparées avec « un dialogue avec Hérode ».

(eda/sp)