Eglises d'Asie

Enquête sur les disparitions forcées, une urgence pour cheminer vers la réconciliation

Publié le 09/09/2015




30 août 2015 : Journée internationale des personnes portées disparues. Alors que l’ONU s’inquiète de l’augmentation des cas de disparitions forcées dans le monde, dans un rapport intitulé « Personnes portées disparues – une tragédie oubliée », l’organisation attire l’attention sur le drame …

… trop souvent ignoré que vivent des dizaines de milliers de familles dans le monde, notamment au Sri Lanka. Des militants pour la protection des droits de l’homme appellent le gouvernement sri-lankais à ratifier la Convention internationale pour la protection des personnes contre les disparitions forcées, et à ouvrir une enquête sur les milliers de cas de disparitions inexpliquées, véritables clés pour cheminer vers une réconciliation nationale.

Pour K. S. Ratnavale, directeur du Centre pour les droits de l’homme et le développement, à Colombo, les familles des disparus souhaitent que le gouvernement actuel prenne des mesures concrètes pour que la vérité soit faîte. Le 5 septembre dernier, dans le diocèse de Kandy, au centre du pays, une célébration a été organisée pour les familles des disparus. Pour le P. Nandana Manathunga, directeur du Centre des droits de l’homme du diocèse, « les familles ont le droit de savoir ce qui est arrivé à leurs proches. C’est pour cela que nous demandons au gouvernement actuel de publier la liste des disparus ».

Selon l’ONU, le Sri Lanka est le 2ème pays au monde, en nombre de disparitions forcées, avec 5 750 cas enregistrés. Toutefois, d’après des militants œuvrant sur place, le nombre de disparus pourrait s’élever à des dizaines de milliers. Reconnue comme un crime de droit international, la pratique des disparitions forcées, utilisée pendant la guerre civile, a perduré après la fin de la guerre, en 2009. Prageeth Egnalikoda, un dessinateur humoristique, a ainsi disparu deux jours avant les élections législatives de 2010. S. Jegatheeswara, 56 ans, est sans nouvelle de son fils depuis 2008. Selon lui, il a été kidnappé lors d’une opération militaire à Jaffna, l’ex-bastion des séparatistes tamoules. « J’ai fait appel au gouvernement, aux Nations Unies et à la communauté internationale pour savoir ce qui est arrivé à mon fils, mais pour l’instant je n’ai reçu aucune réponse. »

Les militaires ont souvent été accusés de disparitions forcées pendant les 26 années de guerre qui ont opposé l’armée gouvernementale à la rébellion séparatiste des Tigres tamouls. Le Janatha Vimukthi Peramuna, parti politique marxiste, qui a tenté de renverser le gouvernement sri-lankais à deux reprises, a également été accusé d’avoir kidnappé et tué des milliers de jeunes gens. « Peu de cas de disparitions ont pour l’instant été élucidés, et les familles qui osent poser des questions sont régulièrement menacées », fait part Amnesty International.

En août dernier, la visite officielle du groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées a été reportée à fin 2015, du fait des élections législatives. La publication du rapport final de la Commission des droits de l’homme de l’ONU sur les violations commises de manière généralisée durant le conflit au Sri Lanka est pourtant attendue pour septembre 2015. Ces enquêtes déboucheront-elles sur des condamnations ? Le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Zeid Raad Al Hussein, a déclaré que les nouvelles autorités sri-lankaises s’étaient clairement engagées à coopérer sur divers sujets liés à l’enquête de l’ONU.

Le président actuel, Maithripala Sirisena, dispose en effet, depuis le 17 août dernier, d’une majorité relative au Parlement, pour mener à bien son programme de réformes « de bonne gouvernance » et de réconciliation pour lequel il a été élu en janvier dernier, en rupture avec la politique menée jusqu’à présent par l’ancien président du pays.

Mahinda Rajapakse avait en effet plongé le Sri Lanka dans un régime autoritaire, alors que le pays n’avait pas encore commencé à se remettre des traumatismes de la guerre. Après sa défaite aux présidentielles, en janvier 2015, il avait essayé de prendre sa revanche aux élections législatives d’août 2015, en briguant le poste de Premier ministre, ce qui lui a valu une deuxième défaite électorale en moins d’un an.

(eda/nfb)