Eglises d'Asie – Chine
Comme à Chengdu, à Xichang, les autorités imposent la présence d’un évêque « officiel » excommunié lors d’une ordination épiscopale
Publié le 02/12/2016
… en la personne de Mgr Lei Shiyin.
Diocèse isolé du sud de la province du Sichuan, Xichang ne compte guère que onze prêtres, une dizaine de religieuses et quelque 25 000 fidèles, principalement issus de la minorité ethnique des Yi. Situé sur un territoire autrefois confié aux Missions Etrangères de Paris, il était sans évêque depuis 1999. Selon les informations disponibles, ce n’est qu’au début de ce mois que les négociations qui existent entre Rome et Pékin ont permis la nomination de Mgr Lei Jiapei. Ce dernier était, de manière évidente, le « candidat » des autorités chinoises, même s’il était, semble-t-il, peu apprécié localement. Né en 1970, ordonné prêtre en 1995, Mgr Lei Jiapei avait été « élu » par le presbyterium de Xichang en 2010. En 2011, il était apparu sur une vidéo, revêtu de ses vêtements sacerdotaux, entonnant des chants communistes lors d’une cérémonie officielle du gouvernement – une attitude qui avait été négativement commentée par les catholiques chinois.
Une présence « ordonnée en haut lieu »
Dans la modeste cathédrale Sanyajie à Xichang, Mgr Lei Jiapei a été ordonné par trois évêques qui sont en communion avec Rome. Président de l’Association patriotique des catholiques chinois, Mgr Fang Xingyao, évêque « officiel » de Linyi, présidait la cérémonie ; il était assisté par deux autres évêques, Mgr Xiao Zejiang, de Guiyang, et Mgr He Zeqing, de Wanxian (Wanzhou). Quatre autres évêques, appartenant à des diocèses du Sichuan, étaient également présents autour de l’autel, mais ils n’ont pas pris part à l’ordination elle-même du nouvel évêque ; parmi les quatre figuraient Mgr Tang Yuange, ordonné deux jours plus tôt à Chengdu, et Mgr Lei Shiyin, évêque illégitime de Leshan.
La présence de Mgr Lei Shiyin à la messe d’ordination n’a pas été une surprise. Il avait déjà été présent à Chengdu et, Xichang étant un diocèse du Sichuan, on pouvait s’attendre à ce qu’après Chengdu, Mgr Lei Shiyin soit aussi présent à Xichang. Selon une source ecclésiale locale, citée par l’agence Ucanews, la présence de Mgr Lei Shiyin tant à Chengdu qu’à Xichang « a été ordonnée en haut lieu » depuis Pékin.
Lei Shiyin figure au nombre des huit évêques illégitimes de la partie « officielle » de l’Eglise en Chine. Le Saint-Siège a publiquement fait état de son excommunication en 2011 et il est avéré qu’il est le père d’un enfant. Ces informations étant connues des catholiques chinois, sa présence tant à Chengdu qu’à Xichang revêtait un caractère sensible. Et de fait, la police avait été déployée en nombre autour des deux lieux de culte, le 30 novembre et ce 2 décembre. A Chengdu, une banderole de protestation brandie par une religieuse avait été brièvement déployée avant d’être saisie par les autorités. A Xichang, ces dernières n’ont pris aucun risque : les contrôles de sécurité aux abords et à l’entrée de l’église ont été stricts ; les prêtres, les religieuses et les fidèles avaient été avertis qu’ils devaient se présenter sur les lieux sans aucun appareil de photo, caméra ou téléphone portable.
« Le régime connaît très bien les règles »
Que conclure des ordinations épiscopales de ces derniers jours ? On se souvient qu’outre les ordinations de Chengdu et Xichang, le 30 novembre, une autre ordination épiscopale avait eu lieu pour le diocèse d’Ankang, dans le Shaanxi, et que, le 10 novembre, c’était le diocèse de Changzhi, dans le Shanxi, qui recevait son nouvel évêque. Dans les quatre cas, les ordinations répondent aux règles fixées par le droit canon : les évêques ont été nommés par le pape et ils ont été ordonnés par des évêques eux-mêmes en communion avec le Saint-Père. Les ordinations sont bien légitimes, licites et valides.
Toutefois, ainsi qu’un prêtre familier de ces dossiers l’exprime à l’agence Ucanews, « le régime communiste athée connaît très bien les règles de l’Eglise » et il se montre suffisamment adroit pour ne pas franchir les lignes rouges qui obligeraient le Saint-Siège à réagir publiquement. Ainsi, à Changzhi, Ankang, Chengdu et Xichang, ce n’est pas la bulle pontificale de nomination qui a été lue en public devant les fidèles mais celle qui émane de ce qui tient lieu de Conférence des évêques « officiels », manière de dire que c’est bien Pékin qui a le dernier mot en la matière. A Chengdu comme à Xichang, un évêque illégitime a été introduit dans la cérémonie, mais celui-ci n’est pas allé pas jusqu’à imposer les mains sur les évêques nouvellement ordonnés, manière de signifier que Pékin se réserve la possibilité d’agir à sa guise dans le déroulement des liturgies de l’Eglise.
Après ces quatre ordinations, le prochain événement inscrit au calendrier est la « IXe Assemblée nationale des représentants catholiques ». Elle devrait se tenir entre le 26 et le 30 décembre prochains à Pékin. Instance présentée comme étant l’organe de gouvernement suprême de l’Eglise de Chine, elle réunit les évêques « officiels », des prêtres, des religieuses et des laïcs. Lors de sa précédente réunion, en 2010, des évêques avaient été physiquement contraints de s’y rendre et le Saint-Siège avait protesté « avec une profonde douleur » et condamné un « acte inacceptable et hostile » imposé à de nombreux évêques et prêtres contre leur conscience. Six ans plus tard, Rome et Pékin ont renoué le dialogue et négocient un accord. Les semaines qui viennent seront donc scrutées avec intérêt, les observateurs étant attentifs aux « lignes rouges » que la Chine pourrait vouloir franchir ou au contraire aux ouvertures dont elle pourrait faire preuve envers le Saint-Siège et l’Eglise en Chine.
(eda/ra)