Eglises d'Asie

Assemblée plénière des évêques catholiques d’Asie : « Les familles, les plus belles communautés de miséricorde sur terre »

Publié le 08/12/2016




Du 28 novembre au 4 décembre 2016, à Negombo, près de la capitale sri-lankaise, s’est tenue la 11ème assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC). Son thème ? : « La famille catholique en Asie, Eglise domestique pour les pauvres et lieu de miséricorde ». Le cardinal Telesphore Toppo, …

… archevêque catholique de Ranchi, en Inde, et envoyé spécial du pape pour l’occasion, a invité les quelque 140 évêques présents à définir « une vision audacieuse de la famille », afin de pouvoir accompagner et aider les familles catholiques en Asie. Ainsi, à leur tour, celles-ci pourront devenir « Eglise domestique pour les pauvres », « les plus belles communautés de miséricorde sur terre ».

Pour l’envoyé spécial du pape, le plus grand défi des évêques était « de donner une vue d’ensemble de toutes ces familles asiatiques vivant dans 48 pays différents, dans un contexte de grande diversité culturelle, religieuse et sociale ». Dégager une vision d’ensemble de la famille en Asie et accompagner ces familles afin qu’elles deviennent « instruments de la miséricorde de Dieu », trois défis d’envergure pour les centaines de participants venus de 28 conférences épiscopales d’Asie.

Des structures familiales en pleine mutation

« Bien que nous ayons conscience des joies vécues au sein des familles, nous n’oublions pas les nombreux défis auxquels maintes familles sont aujourd’hui confrontées : le réchauffement climatique, les migrations, la corruption, la pauvreté, le trafic d’êtres humains, la prostitution, l’extrémisme religieux, les violences envers les minorités, de nouvelles formes de colonialisme qui fragilisent et abîment les familles », ont rapporté les évêques d’Asie, dans leur message publié par MattersIndia.

« Auparavant, les liens traditionnels, les valeurs culturelles et sociales, renforcées par la vie de foi apportaient un cadre de vie stable aux familles catholiques en Asie. A présent, les familles doivent faire face à l’infidélité, aux séparations, à la solitude, à la tiédeur, au chômage et à la pauvreté, a expliqué Mgr Toppo. Ces situations de tensions sont parfois exacerbées par le développement de nouveaux médias, qui viennent ébranler les valeurs évangéliques que les familles d’Asie s’efforçaient de cultiver et de transmettre depuis des siècles. » Si la pauvreté matérielle est bien réelle dans de nombreux pays d’Asie, les évêques se sont dit préoccupés par l’émergence de nouvelles pauvretés – relationnelle, culturelle, intellectuelle, émotionnelle et sociale – apparues ces dernières années avec l’intensification de l’urbanisation du continent et le développement d’Internet. « Les liens familiaux se distendent et viennent ébranler la paix et la foi familiales, ciments de leur unité. Les médias modernes et les nouveaux styles de vie connectés ont des effets pervers sur nos jeunes », a souligné le cardinal indien. Constat confirmé par Mgr Hyginus Kim Hee-joong, archevêque de Gwanju et président de la Conférence des évêques catholiques de Corée (CBCK). Lors de son intervention, il a ainsi évoqué la situation de la jeunesse coréenne, très dépendante à Internet et aux smartphones, ce qui conduit à des situations de « ruptures du dialogue familial » et à une généralisation de « l’indifférence vis-à-vis du respect filial ou des personnes âgées », une évolution très marquante dans une société profondément ancrée dans le confucianisme.

Autre constat évoqué par Mgr Kim Hee-joong : celui du choix d’une économie privilégiant « l’option préférentielle pour les riches » qui accentue les inégalités sociales et économiques et contribue au « profond désespoir » qui, aujourd’hui, affecte de nombreuses familles en Corée. « Le chômage dissuade les jeunes de se marier, et s’ils sont mariés, ils renoncent à avoir des enfants afin d’échapper aux soucis matériels inhérents à l’éducation des enfants (…). De plus, beaucoup de facteurs viennent ternir la sexualité conjugale : perte des valeurs matrimoniales, mépris de la vie, déferlement de la pornographie sur le Net, marchandisation du sexe », ce qui, selon lui, explique en partie l’augmentation fulgurante du nombre des divorces dans la société coréenne, y compris chez les plus âgés. « Nous devons absolument nous attaquer à ces problèmes car ils provoquent une détérioration de la foi religieuse et des valeurs spirituelles familiales. Il nous faut développer une pastorale qui prenne soin des familles », a-t-il demandé à la FABC.

Une Eglise institutionnelle invitée à sortir de « ses zones de confort »

L’envoyé du pape, Mgr Toppo, a quant à lui invité les évêques catholiques à « devenir compatissants et à écouter le cri des familles avec une patience angélique, en les accompagnant dans leurs luttes et leurs difficultés. Les personnes impliquées dans la pastorale familiale doivent sortir des zones de confort de leurs institutions », car les familles « sont notre espérance et les meilleurs acteurs d’évangélisation et de transformation (…) ». « Aider les familles dans leur mission de miséricorde est une tâche immense, admet-il, mais vous pouvez relever ce défi en restant enracinés en Jésus-Christ, notre maître », a-t-il recommandé aux évêques présents.

Autre point que le cardinal Toppo a tenu à partager avec les participants de l’assemblée plénière, celui de l’exemple des communautés chrétiennes aborigènes pour la vie de famille. « Le christianisme n’est pas quelque chose d’étranger aux communautés aborigènes, elles vivent quotidiennement des valeurs évangéliques, ce qui pour nous peut être une source d’inspiration. Le lien familial est l’âme même de la vie aborigène », a-t-il expliqué. Pour Mgr Toppo, lui-même issu de la tribu Oraon, présente dans le Nord-Est de l’Inde, « les communautés chrétiennes aborigènes en Asie sont une force réelle pour l’Eglise. Elles vivent avec leur propre système traditionnel, social et culturel, dans lequel le partage est le fondement même de leur mode de vie. Ces communautés rayonnent donc naturellement de leur foi au quotidien, elles sont l’avenir de l’Eglise », a-t-il affirmé avec conviction.

Vers une spiritualité de la famille en Asie ?

« Ce changement d’époque (1) que nous vivons actuellement, nous amène à rechercher une spiritualité de la famille, fondée sur la rencontre personnelle avec le Christ, afin que nous puissions aider les familles dans les défis qu’elles traversent, grâce à des temps de prières familiaux, des partages bibliques. En centrant la spiritualité de la famille sur l’Eucharistie, les familles pourront ainsi vivre d’une vie prophétique », ont suggéré les évêques d’Asie, dans leur message final.

Pour les évêques d’Asie, les familles sont « d’authentiques écoles où l’on apprend à partager la joie de l’Evangile et à pratiquer l’art du pardon ». La cellule familiale aide ses membres à devenir « de vrais disciples de Jésus, en surmontant les difficultés et les défis de la vie (…). L’Eglise en Asie croit aux capacités des familles catholiques à devenir des instruments de l’amour de Dieu et de sa miséricorde. Leur foi actuelle a été nourrie par la foi des fidèles des siècles passés qui ont subi des périodes de persécutions et de divisions. Puisque les familles catholiques en Asie vivent au contact d’autres religions, ce sont elles qui sont le mieux placées pour transmettre l’amour de Dieu et sa compassion », a encore souligné Mgr Toppo.

Le 4 décembre, à la fin de l’assemblée plénière, le cardinal indien, Mgr Oswald Gracias, archevêque de Bombay et président de la FABC, a consacré toutes les familles catholiques d’Asie à la Sainte Famille de Nazareth : « Que Jésus, Marie et Joseph soient les compagnons de route des familles catholiques en Asie, afin qu’elles deviennent, par leurs paroles et leurs actes, des Eglises domestiques pour les pauvres, empreintes de compassion et de miséricorde ». Mgr Gracias a ensuite placé l’ensemble de l’Eglise en Asie sous la protection de la Sainte Famille de Nazareth : « Que la Sainte Famille de Nazareth inspire l’Eglise en Asie et que nos familles deviennent des disciples missionnaires de la miséricorde. Ensemble, en famille, continuons de prier, de partager la parole de Dieu et de servir nos frères », ont conclu les évêques.

Fondée en 1970, la FABC rassemble 19 conférences épiscopales d’Asie. Elle a pour objectif de renforcer les liens et la solidarité entre les Eglises d’Asie. Ses assemblées plénières sont organisées tous les quatre ans. Les évêques catholiques de Chine continentale sont les grands absents de ces rencontres.

(eda/nfb)