Eglises d'Asie

A Peshawar, un quartier chrétien ciblé par des talibans

Publié le 07/09/2016




Vendredi 2 septembre, Samuel Masih, 50 ans, catholique et père de famille, a été tué lors d’une attaque de talibans dans le quartier chrétien de Warsak, à Peshawar. Cette ville, située au nord du Pakistan et à l’extrémité orientale de la passe de Khyber, constitue l’un des points de passages les plus importants entre …  

… le Pakistan et l’Afghanistan. Le Jamaat-ul-Ahrar, formation issue des talibans pakistanais dont elle a fait sécession, a revendiqué l’attaque. Selon la presse locale, ce n’est pourtant pas le quartier chrétien que le commando terroriste avait initialement prévu d’attaquer.

Le quartier de Warsak, qui comprend les habitations de 150 familles chrétiennes, se situe en proche banlieue de Peshawar et en bordure des districts de Mohmand et Khyber. Situé dans une région stratégique dans la lutte contre les talibans, le quartier jouxte des installations de l’armée pakistanaise. Selon le quotidien pakistanais Dawn, ce sont les installations militaires situées à côté de Warsak – un centre de formation de troupes paramilitaires chargées de la protection de la frontière occidentale du Pakistan et une école militaire – qui devaient être la cible des attaques terroristes du 2 septembre. Toutefois, face aux mesures de renforcement de la sécurité prises par l’armée autour de ses propres installations, les terroristes ont renoncé à leur cible et décidé d’attaquer le quartier chrétien situé à proximité.

Le 2 septembre, quelques heures après l’attaque du quartier de Warsak, un autre commando du Jamaat-ul-Ahrar donnait l’assaut d’un palais de justice à Mardan, district voisin au sein de la province de Khyber Pakhtunkhwa, y tuant une dizaine de personnes, dont des policiers et des avocats, et en blessant de nombreuses autres.

Outre la mort de Samuel Masih, l’attaque du quartier chrétien a fait deux blessés, deux musulmans employés comme agents civils afin d’assurer la sécurité du quartier chrétien. Les quatre assaillants portaient des ceintures d’explosifs mais la portée de leur attaque a été réduite grâce à l’alarme donnée par les gardes et à l’arrivée rapide de renforts militaires. Deux des terroristes ont été tués par balle par les soldats pakistanais, et les deux autres, qui se sont fait exploser, n’ont détruit que quatre habitations, sans faire de victimes parmi les habitants du quartier.

La formation qui a revendiqué l’action terroriste, le Jamaat-ul-Ahrar (‘Congrégation des hommes libres’), est un groupe issu du mouvement des talibans du Pakistan. Un de leurs porte-paroles a fait savoir à des journalistes de Peshawar que l’assaut avait permis de tuer beaucoup d’« infidèles ». Selon le média indien Firstpost, les organisations talibanes exagèrent souvent leurs propos. Les objectifs affichés par le Jamaat-ul-Ahrar sont de renverser le gouvernement pakistanais, d’imposer un Etat islamique au Pakistan, de prendre le contrôle de l’arme nucléaire et de poursuivre le djihad au plan mondial. Le groupe vise principalement les minorités et est à l’origine d’un nombre croissant d’attaques terroristes ces dernières années, dont celle de Lahore, le jour de Pâques en mars dernier, qui visait les chrétiens et a fait 75 morts, et celle de Quetta, début août, où 73 personnes ont été tuées.

La communauté chrétienne reste sous le choc des événements, rapporte l’agence Ucanews. « La province de Khyber Pakhtunkhwa [dont Peshawar est la capitale] a été la cible de nombreuses attaques terroristes ces quinze dernières années. La Commission nationale ‘Justice et Paix’ de l’Eglise catholique et la communauté chrétienne soutiennent de tout cœur les habitants de la région en ces périodes troubles », ont déclaré l’évêque catholique de Faisalabad, Joseph Arshad, et Cecil Shane Chaudhry, directeur exécutif de la Commission, dans d’une déclaration commune. Ils ont aussi tenu à féliciter les services de sécurité. Selon eux, « la réactivité des forces de l’ordre et des services de sécurité a permis de sauver la vie de centaines d’habitants du quartier chrétien. »

Selon un pasteur protestant du quartier de Warsak, le Rév. Shahzad Sindhu, qui se rendait dans son église au moment des faits, « il est incroyable que ces quatre kamikazes n’aient réussi à ne tuer qu’une seule personne. C’est un miracle ». Le pasteur a ajouté que les habitants, notamment les enfants, restaient néanmoins en état de choc après cette spectaculaire attaque.

Au cours d’une prière d’action de grâce, le 4 septembre, dans l’église de Warsak, Mgr Earnest Jacob, de l’Anglican Orthodox Church of Pakistan, a déclaré : « En sacrifiant sa vie, ce catholique nous a tous sauvé. Remercions aussi les agents de sécurité musulmans qui se sont battus pendant 40 minutes contre les talibans, laissant aux forces armées le temps d’arriver. »

(eda/mj)