Eglises d'Asie

L’ordination d’une simple novice provoque des remous au sein de la communauté bouddhiste thaïe

Publié le 18/03/2010




Le 10 février dernier, une femme, citoyenne thaïlandaise, a pris l’habit jaune et, pour employer un terme correspondant à l’univers chrétien, a été « ordonnée » novice (sâmanerî) dans l’Ordre du bouddhisme du Theravâda. La cérémonie – qui s’est déroulée dans un temple situé à Nakhon Pathom, à l’ouest de Bangkok – était conduite par une bonzesse (bhikkhunî) du Sri Lanka. Y participaient également un collège de cinq bonzes (bhikkhu) thaïs, trois bonzesses indiennes, dix mae chi (dévotes rasées et habillées de blanc) thaïes, ainsi que la première novice (sâmanerî) thaïlandaise de notre époque, le professeur Chatsumarn Kabilsing, ordonnée au Sri Lanka en février 2001.

Agée de 55 ans, la nouvelle novice, du nom de Varangkhana Wanavichayen, est restée mae chi habillée de blanc durant neuf ans avant de prendre l’habit jaune ; mère de deux enfants et divorcée, elle a vécu un temps en Australie où elle a suivi des études commerciales avant d’exercer des fonctions de secrétaire et d’interprète dans une société privée. Cette prise d’habit jaune n’est pas passée inaperçue au sein de la communauté bouddhiste thaïe. En effet, la lignée des religieuses bouddhistes (les bhikkhunî) a disparu depuis plusieurs siècles de l’Ordre du Theravâda, le bouddhisme dit du Petit Véhicule’ qui prévaut en Thaïlande. Par la voix de son directeur adjoint, Sitthiwong Tantayaphisansut, l’officiel Département des Religions a rappelé dès le lendemain de l’ordination que les règles du bouddhisme thaï ne permettent pas aux personnes de sexe féminin d’être ordonnées comme sâmanerî (novices) ou bhikkhunî (bonzesses). « Ce que nous n’apprécions pas, c’est le précédent fâcheux, facteur de division, que cette affaire peut créer pour le reste de la population bouddhiste féminine. Bien que la Constitution thaïlandaise garantisse la liberté des pratiques religieuses, nos règles ecclésiales, très clairement, ne reconnaissent pas l’existence de bhikkhunî », a déclaré Sitthiwong, tout en ajoutant que son administration n’envisageait pas de prendre dans l’immédiat de mesures en vue de défroquer Warangkhana. « Son ordination risque d’être source de confusion pour les Thaïlandais au sujet de ce qui peut être fait ou non en fonction des règles bouddhistes. Le public doit être mieux informé de ce problème », a-t-il conclu. Une commission a été mise sur pied pour étudier les différents aspects de la question.

Les différentes prises de position par rapport à ce fait divers illustrent l’opposition de deux logiques. Les partisans de l’ordination des femmes se réclament de l’esprit du Bouddha : du moment que celui-ci avait ordonné des femmes, la fidélité à son enseignement impose de continuer à ordonner des femmes. Les partisans de l’impossibilité d’ordonner des femmes se réclament de la logique de la filiation : du moment que la filiation des ordinations féminines a été interrompue, il n’est pas possible, même avec la meilleure volonté du monde, de la reprendre. Il ne s’agit pas ici d’une question de droit des femmes ou de liberté religieuse, c’est une question technique de validité. Les mêmes d’ailleurs considèrent qu’il est possible à des femmes de devenir novices ou bonzesses, mais dans les Ordres du Mahâyâna (bouddhisme dit du Grand Véhicule’) où la filiation est censée avoir été continue (1).