Eglises d'Asie

Le texte du cardinal John Tong Hon sur les relations sino-vaticanes soulève des réactions contrastées

Publié le 24/02/2017




Publié le 9 février dernier, le texte du cardinal John Tong Hon, évêque catholique de Hongkong, au sujet des relations sino-vaticanes et de la conclusion prochaine d’un accord entre les deux parties au sujet de la nomination des évêques de l’Eglise en Chine, a soulevé nombre de réactions, souvent …

… contrastées. Dans les cercles ecclésiaux, un certain nombre de voix estiment que le cardinal a souhaité par ce texte adresser un message aux autorités chinoises.

Du côté du gouvernement chinois, aucun commentaire n’a été émis à propos du texte du cardinal Tong. Dès le 12 février toutefois, le South China Morning Post, quotidien hongkongais, publiait un article portant la réaction d’Anthony Liu Bainian. Agé de 85 ans, Liu Bainian est aujourd’hui à la retraite. Président honoraire de l’Association patriotique des catholiques chinois, il a cependant été l’homme fort que le régime communiste a placé des années durant à la tête des instances « officielles » de l’Eglise ; à ce titre, il représente certainement encore une voix importante dans la définition de la politique du régime chinois vis-à-vis de l’Eglise catholique. Interrogé par le South China Morning Post, Liu Bainian a été très clair : il n’existe « à l’heure actuelle aucune proposition en Chine » continentale allant dans le sens de la proposition du cardinal Tong de voir l’Association patriotique transformée en une simple association de fidèles soucieux de travail caritatif. Quant à la perspective de voir intégrés les évêques « clandestins » dans la Conférence des évêques « officiels », l’ancien haut responsable chinois a là aussi fermé la porte, en déclarant que « leur posture politique » les rendait « inaptes à travailler avec le Parti [communiste] ».

« Changer la fonction » de l’Association patriotique

Ailleurs, les réactions à la proposition du cardinal Tong de saisir le moment présent pour conclure un accord entre le Saint-Siège et la Chine ont été diverses. Sur le portail Sina.com, un prêtre de la partie « officielle » de l’Eglise, signant sous le pseudonyme de « Père Shanren », explique que, selon lui, le cardinal a voulu en premier lieu s’adresser aux dirigeants chinois. Ainsi, sachant que la suppression pure et simple de l’Association patriotique est impensable en l’état actuel du régime en place à Pékin, le cardinal ne prend pas de front les autorités chinoises, mais leur suggère au contraire de « changer la fonction » de l’Association patriotique. Une manière toute pragmatique de transformer ce qui était – et reste – la courroie de transmission par laquelle le régime impose sa politique à l’Eglise en une plus innocente institution en charge des œuvres sociales et caritatives de l’Eglise. Pour ce prêtre, le cardinal, en écrivant son texte, « semble vouloir préparer le terrain avant l’annonce à venir d’un accord » entre Pékin et Rome. « Il cherche à réconforter la communauté clandestine de manière à ce qu’elle ne se dresse pas comme un seul homme contre l’accord », écrit encore le « Père Shanren ».

Du côté de la partie « clandestine » de l’Eglise, l’agence Ucanews cite Joseph Zhang, « un catholique clandestin du nord-ouest de la Chine », qui estime que si la perception du cardinal Tong est bonne, ce dernier « se montre tout simplement trop optimiste ». Certes, « il est préférable de dialoguer plutôt que de s’affronter », mais « si les membres de la communauté clandestine estiment que les négociations sino-vaticanes peuvent causer du tort à l’intégrité de leur foi, ils ne les accepteront pas », estime ce catholique, qui met en garde contre le risque de voir « s’aggraver » les divisions dans l’Eglise.

Joseph Zhang ajoute également que tout accord conclu avec la Chine populaire ne peut être conclu qu’au prix d’un « coût moral ». Il cite à cet égard la récente venue au Vatican d’un haut responsable de la Santé chinoise à un colloque organisé par l’Académie pontificale des sciences au sujet des transplantations d’organes, un domaine au sujet duquel la Chine est fortement soupçonnée de recourir à des prélèvements non consentis sur des condamnés à mort. « Nous pouvons voir que [le Saint-Siège et la Chine populaire] diffèrent quant à leurs valeurs politiques mais que chacune des deux parties s’attache à obtenir ce qu’elle souhaite de l’autre partie », analyse ce catholique chinois, en concluant que « le prix à payer pour le Vatican est de renoncer à ses valeurs dans les domaines de la justice et des droits de l’homme ».

Un calendrier peu propice

Un universitaire de Chine continentale ajoute pour sa part, toujours de manière anonyme, qu’on ne peut considérer comme acquis la conclusion d’un accord entre Pékin et Rome. Il rappelle que la Constitution pose dans son article 36 l’impossibilité de toute domination étrangère dans le domaine religieux ou au sein des instances religieuses chinoises. Par conséquent, un éventuel accord devra recueillir l’assentiment non seulement des instances chargées de la politique religieuse en Chine, mais aussi celui des experts juridiques. Le chercheur souligne à ce propos que le cardinal Tong, dans son texte, insiste à deux reprises pour rappeler que le pape demeure la plus haute autorité en ce qui concerne la nomination des évêques.

Membre de l’Institut d’études des religions de l’Académie chinoise des sciences sociales, principal think tank du gouvernement chinois, et chercheuse spécialisée sur le catholicisme contemporain, Wang Meixiu suit de très près les négociations qui existent depuis près de trois ans entre le Saint-Siège et Pékin. De manière assez similaire au cardinal Tong, elle estime qu’au cas où un accord puisse être trouvé sur la nomination des évêques de l’Eglise de Chine, les autres problèmes trouveront petit à petit une solution. « S’il y a un accord, cela signifie qu’il existe un espace pour que la Chine et le Vatican coopèrent », estime-t-elle, en se gardant toutefois de tout optimisme prématuré. Du strict point de vue du calendrier, l’année 2017 n’est peut-être pas très propice, souligne-t-elle. En effet, le Parti communiste doit se réunir en congrès, le XIXe du genre, à l’automne prochain, et on peut penser que Xi Jinping verrouillera toute initiative sur laquelle ses opposants pourraient l’attaquer. 2017 correspond aussi au soixantième anniversaire de la fondation de l’Association patriotique des catholiques chinois ainsi qu’au dixième anniversaire de la publication de la Lettre du pape Benoît XVI aux catholiques chinois ; deux anniversaires très différents mais qui peuvent servir à chacune des parties à rappeler ce sur quoi elle ne peut céder.

Silencieux dans un premier temps, le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, s’est exprimé. Sollicité le 17 février par l’hebdomadaire américain National Catholic Register, le cardinal Zen a redit avec la vigueur qui lui est coutumière sa méfiance quant à un accord conclu aujourd’hui avec Pékin. « Les communistes ne sont pas prêts à concéder quoi que ce soit. Ils ne sont pas demandeurs et ils ont le plein et entier contrôle de l’Association patriotique des catholiques chinois, tout comme ils exercent un contrôle sur toutes les religions présentes en Chine », a-t-il expliqué. Le 18 février, à l’agence américaine Catholic News Agency, il a précisé ne pas apprécier la solution esquissé par le cardinal Tong. Dans son texte du 9 février, ce dernier évoquait des élections menées au niveau des diocèses chinois par le clergé afin de choisir les candidats à l’épiscopat, le pape ayant le dernier mot pour accepter tel ou tel ou au contraire mettre son veto à la désignation de tel ou tel. Le problème, a souligné le cardinal Zen, est qu’« il n’y pas de véritables élections en Chine », le Parti contrôlant ou manipulant les consultations électorales ; le pape devrait alors user de manière répétée de son droit de veto sur les nominations qui lui seraient proposées, ce qui le placerait dans une situation de « pression » intenable.

(eda/ra)