Eglises d'Asie

Tensions autour de l’évêque « officiel » du Liaoning, Mgr Paul Pei Junmin

Publié le 21/10/2011




Parce qu’il avait refusé de présider la cérémonie d’ordination de l’évêque de Shantou, une ordination illicite car menée sans l’accord du pape le 14 juillet dernier (1), l’évêque « officiel » du Liaoning, Mgr Paul Pei Junmin, serait maintenu en résidence surveillée dans son évêché de Shenyang et aurait été suspendu des fonctions qu’il occupait à la Conférence épiscopale « officielle »…

 … et au sein de l’Association patriotique des catholiques chinois. Mgr Pei Junmin serait tenu dans l’incapacité de rencontrer ses prêtres et de visiter les paroisses de son diocèse.

L’information, relayée par l’agence Ucanews (2), provient d’une « source ecclésiale fiable » qui a requis l’anonymat et précise que les rumeurs circulant sur Internet depuis quelques semaines selon lesquelles Mgr Pei Junmin avait démissionné de ses fonctions officielles sont fausses. Selon cette source ecclésiale, c’est bien parce que Mgr Pei Junmin a refusé le 14 juillet de se rendre dans le Guangdong pour y présider l’ordination illicite du P. Joseph Huang Bingzhang comme évêque de Shantou qu’il a été sanctionné et démissionné de ses postes de vice-président de la Conférence épiscopale officielle, de président pour la province du Liaoning de l’Association patriotique ainsi que de responsable de la Commission pour les Affaires de l’Eglise au Liaoning. On se souvient en effet qu’en juillet dernier, les prêtres du diocèse de Shenyang avaient fait bloc autour de leur évêque pour, quasi-physiquement, empêcher les autorités de l’emmener présider la cérémonie d’ordination (3). Celle-ci avait tout de même eu lieu, présidée par Mgr Fang Xingyao, évêque de Linyi et président, au plan national, de l’Association patriotique.

Du côté des structures « officielles » de l’Eglise, on dément que Mgr Pei Junmin ait été sanctionné. « Il n’y a pas de communiqué en ce sens sur notre site Internet », a déclaré le P. Joseph Yang Yu, porte-parole de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale. Il est précisé que le nom et la notice biographique de Mgr Pei figurent toujours sur le site Internet.

Selon l’entourage de Mgr Pei Junmin, les tensions constatées autour de la personne de leur évêque s’expliquent par le fait que les autorités souhaitent voir l’évêque de Shenyang présider la cérémonie – à venir – de celui qui est pressenti pour être le prochain évêque de Harbin, dans le Heilongjiang, province voisine du Liaoning. Le candidat en question est le P. Joseph Yue Fusheng et il n’a pas reçu l’assentiment de Rome pour devenir évêque. Son ordination, illicite donc, aurait dû avoir lieu ces dernières semaines, mais il semble que Pékin, qui préparer le 18ème congrès du Parti de 2012, ne veuille pas de tensions et ait ajourné la cérémonie.

Quoi qu’il en soit, Mgr Pei Junmin, âgé de 43 ans, évêque métropolitain des trois provinces du Nord-Est (Jilin, Heilongjiang et Liaoning), est un candidat de choix, selon Pékin, pour une éventuelle ordination à Harbin. En novembre 2010, Mgr Pei Junmin avait pris part à l’ordination illicite de l’évêque de Chengde. L’évêque avait ensuite déclaré à ses prêtres que c’était la dernière fois qu’il participait à ce type de célébration.

En prenant la succession de Mgr Jin Peixian, évêque de Shenyang de 1989 à 2008, Mgr Pei Junmin s’engageait sur la voie étroite qui est celle des évêques reconnus par Rome mais œuvrant au sein des structures « officielles » contrôlées par le gouvernement. Lors du décès de Mgr Jin Peixian le 4 novembre 2008, un chercheur du Centre d’études du Saint-Esprit à Hongkong évoquait la vie de cet évêque comme d’un « équilibre délicat entre sa loyauté envers le pape et son identité nationale » chinoise (4). Trois ans plus tard, Mgr Pei Junmin, qui vit la même situation, fait face à des pressions gouvernementales redoublées dans le cadre des nouvelles ordinations épiscopales illicites.

On peut noter que, dans le Hebei, un évêque « officiel » et reconnu par Rome a, lui aussi, récemment subi des sanctions pour n’avoir pas obtempéré aux diktats de Pékin. Evêque du diocèse de Cangzhou (Xianxian), Mgr Joseph Li Liangui avait refusé en décembre 2010 de se rendre dans la capitale chinoise pour siéger au sein de la très officielle Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques. Peu après, début 2011, il était démissionné du siège qu’il occupait à la Conférence consultative politique du Hebei, une instance où les autorités chinoises nomment des personnalités de la société civile qu’ils tiennent voir associées à leurs institutions.