Eglises d'Asie – Chine
Le gouvernement du Xinjiang interdit aux parents de transmettre leur religion à leurs enfants
Publié le 31/10/2016
… ouest chinois est régulièrement le théâtre d’attaques attribuées à des Ouïghours, minorité musulmane turcophone. Ceux-ci dénoncent en retour l’oppression dont ils sont victimes de la part des autorités et les privilèges dont jouissent les Han, l’ethnie chinoise majoritaire.
« Aucun parent, responsable, ou proche d’un mineur ne doit organiser, pousser ou forcer un mineur à participer à des activités religieuses », stipule le texte, publié le 11 octobre dernier. « (Ils) ne doivent pas diffuser une idéologie extrémiste, ou pousser les mineurs à porter des vêtements ou logos extrémistes. » Comme souvent au Xinjiang, la loi ne distingue pas clairement religion et extrémisme. Le terme vague de « vêtements ou logos extrémistes » laisse en outre toute latitude à la police pour appliquer à sa guise le texte. Certaines villes du Xinjiang interdisent déjà depuis un certain temps les transports publics aux femmes portant le voile et aux hommes portant la barbe.
La disposition est un ajout à la « Loi de prévention de la délinquance juvénile », datant de 2012, qui rend les parents, enseignants ou tuteurs, responsables en cas de crime impliquant un mineur. Mais elle ne contient pas de référence à la religion. La Région autonome ouïghoure du Xinjiang a amendé sa version régionale de la loi, pour prendre en compte les « activités religieuses », qui sont présentées comme liées au « séparatisme, extrémisme et terrorisme ».
La Chine reconnait officiellement la liberté religieuse, tout en la restreignant fortement. Les mineurs en sont ainsi officiellement totalement exclus, au motif qu’ils manqueraient du jugement nécessaire. Les pratiques sont toutefois très différentes à travers la Chine. La plupart des provinces tolèrent l’éducation religieuse des enfants. Au Xinjiang, où la situation sécuritaire est très tendue, les autorités sont particulièrement strictes : les jeunes de moins de 18 ans n’ont pas le droit d’entrer dans les mosquées.
Mais la nouvelle loi va plus loin, avec des dispositions très concrètes. « N’importe quel groupe ou personne a le droit de stopper ce genre de comportements et de les dénoncer aux autorités en charge de la sécurité publique », indique le texte. Ces délations peuvent mener à la séparation de l’enfant et de sa famille. Les enfants qui participeraient à des activités religieuses pourront en effet être envoyés dans des « écoles spécialisées de correction ». Les écoles classiques devront quant à elle « guider les mineurs à résister délibérément au séparatisme ethnique, à l’extrémisme et au terrorisme ». Les établissements doivent « promouvoir la science et la poursuite de la vérité, en rejetant l’ignorance et la superstition pour résister aux tendance extrémistes ».
Contacté par Radio Free Asia (RFA), un site d’information financé par le Congrès américain, le directeur du Bureau de la politique et des lois du Département de l’Education d’Aksu, une localité de l’ouest du Xinjiang, minimise : « (Les restrictions) sont les mêmes dans tout le pays. Si une personne de moins de 18 ans jeûne, étudie la religion ou suit quelqu’un qui prie ou se rend dans un lieu de prière souterrain, c’est illégal. » « Dans la mesure où les enfants n’ont pas encore le jugement et la maîtrise de soi suffisants, ce sont les parents qui sont responsables d’eux. Si de telles actions se produisaient, les parents seraient punis », a-t-il aussi déclaré au site qui compte un service en ouïghour.
Dans la plupart des autres provinces chinoises, les églises catholiques ou protestantes déclarées ont le droit de donner des cours de catéchisme. Seules les églises souterraines, n’appartenant pas aux associations officielles, se voient parfois interdire de donner des cours de religion. De même les musulmans Hui, une autre minorité chinoise moins facile à identifier car ses membres parlent mandarin et ont des traits similaires aux Han, peuvent enseigner l’islam à leur enfants plus ou moins librement.
D’après Radio Free Asia, les autorités des préfectures de Hotan, Kashgar et Aksu ont commencé à lutter contre l’enseignement religieux dans les familles musulmanes en 2014. Des parents d’enfants mineurs ont dû signer des engagements à ne pas autoriser leur progéniture à prendre part à quelque activité religieuse que ce soit. Depuis, des amendes ont été infligées à des familles dont les enfants étudiaient le Coran ou observaient le jeûne du ramadan.
(© RFA)
Le personnel enseignant doit lui aussi s’engager par écrit à se tenir à l’écart de toute activité religieuse sous peine de licenciement, rapporte le Congrès ouïghour mondial, une organisation de défense des droits des Ouïghours basée en Allemagne. L’organisation rapporte aussi que les restrictions ne concernent pas seulement les mineurs, nombre de Ouïghours devant demander la permission à leur employeur pour se rendre à la mosquée ou pratiquer leur religion.
Hu Jun, défenseur des droits de l’homme installé au Xinjiang, dénonce une campagne sécuritaire qui n’en finit pas de s’étendre. « Cela arrive partout en ce moment : ils forcent les gens à faire ceci, à ne prendre part à cela… Rien ne les arrête », déplore-t-il, cité par RFA. « Mais ça ne marchera pas, et cela provoquera un retour de bâton en exacerbant le sentiment antigouvernemental », estime-t-il.
Alors que les lois sont appliquées avec une sévérité très aléatoire en Chine, le Xinjiang est particulièrement strict. Certaines villes sont soumises à une présence militaire qui s’apparente à la loi martiale, avec contrôle d’identité et fouille dans les transports en commun (bus compris). D’après RFA, qui cite la télévision locale, 352 inspecteurs ont été envoyés dans les villages de la préfecture de Hotan (Hetian en chinois) (sud du Xinjiang) pour surveiller au quotidien les villages. Un villageois raconte que six fonctionnaires, tous Han, ont été assignés à son village pour surveiller la vie locale et la mosquée.
(eda/sl)