Eglises d'Asie

Dans le Fujian, à l’approche de la Semaine Sainte, un évêque « clandestin » est soustrait à son diocèse par la police

Publié le 11/04/2017




Depuis le 6 avril dernier, l’évêque de Mindong, un diocèse de la province côtière du Fujian, ne donne plus signe de vie. Selon des sources ecclésiastiques locales, l’évêque n’a pas réapparu après avoir été convoqué par le Bureau local des Affaires religieuses et la Sécurité publique a indiqué qu’il sera …

« pour études » durant vingt jours. Si ce n’est pas la première fois que cet évêque est soumis à ce type de détention, il semble clair que les autorités locales cherchent, cette fois-ci, à tenir le chef de ce diocèse à l’écart de ses fidèles le temps des célébrations de la Semaine Sainte.

Mgr Vincent Guo Xijin est âgé de 59 ans. Ordonné évêque coadjuteur de Mindong (diocèse autrefois connu sous le nom de Funing) le 28 décembre 2008, il a pris la succession de Mgr Vincent Huang Shoucheng au décès de celui-ci, le 30 juillet dernier. Ordonné prêtre en 1984, Mgr Guo appartient à la partie « clandestine » de l’Eglise en Chine, et il exerce son ministère dans un diocèse particulièrement actif, où les catholiques, au nombre d’environ 90 000, pratiquent très majoritairement leur foi dans les structures « clandestines » de l’Eglise. De ce fait, lui comme un certain nombre de prêtres du diocèse sont particulièrement surveillés par les autorités. A plusieurs reprises déjà, il a connu la prison ; ce fut le cas en 1990-1992, puis en 1993-1994 et à nouveau en 1996. Ces dernières années, il a passé plusieurs séjours en « résidence surveillée » dans des hôtels de la police, comme cela a été le cas en 2006 ou bien encore en novembre dernier.

Emmené en « session d’études » pour une durée de vingt jours

Après la mort, l’été dernier, à l’âge de 92 ans, du vieil évêque « clandestin » du lieu, Mgr Huang Shoucheng, Mgr Guo, son vicaire général, le P. Zhu, et son chancelier, le P. Xu, avaient été « emmenés en voyage » par la police. Par cet euphémisme, on désigne la mise au secret des personnes sur lesquels la Sécurité publique souhaite faire pression.

Il semble que, cette fois-ci encore, la police et le Bureau des Affaires religieuses cherchent à contraindre Mgr Guo. « La Sécurité publique a informé le diocèse que le Bureau provincial des Affaires religieuses a demandé [à l’évêque] d’assister à des ‘sessions d’études’ durant une vingtaine de jours », a déclaré à l’agence Ucanews sous le sceau de l’anonymat un prêtre du diocèse, qui précise sans rire n’avoir pas entendu dire qu’un ou l’autre évêque « clandestin » du Fujian ait besoin de suivre des cours du gouvernement.

Les pressions répétées des autorités sur Mgr Guo pourraient s’expliquer par le contexte particulier qui est celui de Mindong. En effet, si Mgr Guo est l’évêque légitime du diocèse aux yeux de Rome, le gouvernement chinois ne reconnaît pas ce dernier en tant que tel. Pékin considère que l’évêque du lieu est Mgr Zhan Silu, ordonné le 6 janvier 2000 en dehors de la communion avec Rome. Très isolé depuis, tenu à l’écart par des catholiques qui ne souhaitent pas avoir affaire avec lui, Mgr Zhan figure aujourd’hui au nombre des sept évêques « illégitimes » de la partie « officielle » de l’Eglise pour qui Rome et Pékin cherchent une solution dans les négociations menées depuis bientôt trois ans. Sur le terrain, dans le Fujian, les Affaires religieuses cherchent peut-être à faire pression sur Mgr Guo pour qu’il cède son siège épiscopal à Mgr Zhan – une perspective que les catholiques locaux jugent comme « complètement improbable ». Dans le même ordre d’idée, les autorités cherchent aussi sans doute à ce que Mgr Guo adhère à l’Association patriotique des catholiques chinois, une éventualité que, là encore, les fidèles de Mindong jugent peu plausible.

Mgr Guo, un évêque légitime pour Rome mais non reconnu par Pékin

Sans l’évêque, la messe chrismale n’a pas de sens, a aussi précisé le prêtre cité ci-dessus, en référence à la messe qui devait être présidée par l’évêque ce jeudi, le Jeudi Saint. Durant la messe chrismale, l’évêque bénit les huiles saintes et consacre le Saint Chrême, cette huile qui servira dès les baptêmes de Pâques puis tout au long de l’année pour les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’ordre. Prêtres, diacres et fidèles sont invités à prendre part à cette célébration qui manifeste l’unité de toute la communauté diocésaine autour de son évêque. Au cours de cette messe, les prêtres renouvellent leurs promesses sacerdotales. C’est dire l’importance que revêt la présence de l’évêque lors de cette messe, qui précède les cérémonies du triduum pascal. Après le décès de Mgr Huang en juillet dernier, la messe chrismale de cette année aurait été la première célébrée par Mgr Guo en tant qu’évêque en titre de Mindong.

L’absence forcée de Mgr Guo passe mal auprès des catholiques de ce diocèse connu pour être plutôt bien doté en prêtres, religieuses et laïcs investis dans la mission de l’Eglise. Cité par Ucanews, un catholique local fustige l’attitude des autorités gouvernementales, leur reprochant de chercher à semer le trouble. « Comment osent-elles justifier l’enlèvement de notre évêque au moment même où les célébrations liturgiques requièrent sa présence ? », dénonce ce catholique.

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Mgr Guo Xijin, évêque de Mindong (dans le Fujian). DR

(eda/ra)

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