… aura trait à l’organisation de la vie de l’Eglise catholique en Chine, au mode de nomination des évêques ainsi qu’à la place et au rôle respectifs de ces derniers.
Après la visite à Pékin d’une délégation romaine en mars dernier, c’est donc au tour d’une délégation chinoise de faire le voyage de Rome. Selon nos informations, les négociateurs chinois devraient rencontrer leurs homologues du Saint-Siège dans les tout prochains jours, d’ici la fin de ce mois. Selon des sources chinoises, la composition de la délégation chinoise, qui n’est pas connue dans sa totalité, a légèrement évolué : Guo Wei, un ancien responsable chargé de suivre les affaires catholiques au sein de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, a cédé sa place à Dai Chenjing, un autre haut responsable de cette administration chargée de mettre en œuvre la politique religieuse du gouvernement chinois. Aucune conclusion ne peut cependant être tirée de cette évolution dans la composition de l’équipe des négociateurs chinois.
Une communication officielle vérouillée
Du côté du Saint-Siège, où là aussi la composition complète de l’équipe de négociateurs n’est pas connue, un mouvement peut être noté : le P. Tadeusz Wojda, sous-secrétaire à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a été nommé archevêque de Bialystok, en Pologne, le 12 avril dernier, ce qui l’a amené à quitter Rome. Il faisait partie des négociateurs du Saint-Siège et son départ pourrait être perçu positivement par la Chine tant les dirigeants chinois associent tout responsable ecclésiastique polonais avec le pape Jean-Paul II, perçu par eux comme étant le « tombeur » du communisme en Europe de l’Est.
Quoi qu’il en soit de l’impact réel de ces changements, l’issue des négociations reste toujours aussi délicate à discerner. Les parties concernées verrouillent toute communication et les rumeurs qui circulent ressemblent plus à des « fuites » organisées pour laisser à penser qu’un accord est sur le point d’aboutir ou va dans telle ou telle direction.
L’un des points des négociations concerne à l’évidence le sort et la place qui seront réservés aux sept évêques « officiels » qui ne sont pas en communion avec Rome. Pékin ne peut que vouloir la « légitimation » par le pape des sept en question, tandis que Rome tient à faire valoir le respect des principes qui gouvernent l’Eglise et l’impossibilité manifeste de réintégrer certains des sept dans la communion du corps épiscopal. En Chine, certains au sein de l’Eglise catholique pensent que le pardon du pape François pour deux des sept évêques excommuniés est quasi acquis : il s’agit de Mgr Ma Yinglin, évêque de Kunming, et de Mgr Guo Jincai, évêque de Chengde, qui sont aussi, respectivement, le président et le secrétaire général de la Conférence des évêques « officiels » de Chine, une structure par ailleurs non reconnue par Rome.
Un autre point de négociation concerne la place et le rôle des évêques « clandestins » (« clandestins » signifiant ici non reconnus par Pékin). Ils sont au nombre d’une trentaine et il s’agit pour Rome d’obtenir des garanties quant à la reconnaissance par les autorités chinoises de leur statut et de leur rôle épiscopal.
Parmi les autres sujets certainement présents au menu des négociations figure le mode de nomination des évêques, l’usage prévalant à ce jour étant tout sauf formalisé.
L’évêque de Macao en visite auprès de Ma Yinglin, « recteur » du séminaire national
En l’absence de communiqués officiels de Rome ou de Pékin, les observateurs en sont réduits à commenter ce que l’actualité laisse entrevoir. Ainsi, du 29 mai au 2 juin derniers, l’évêque de Macao s’est rendu en visite à Pékin, une visite centrée, dixit O Clarim, le journal du diocèse, sur la formation des séminaristes, le travail pastoral et les activités de l’Eglise en matière d’éducation. C’était cependant la première visite en Chine continentale de Mgr Lee Bun-sang depuis sa nomination sur le siège de Macao en janvier 2016. Issu de l’Opus Dei, canoniste spécialiste des relations sino-vaticanes, Mgr Lee était accompagné d’une délégation de onze personnes ; il a rencontré à Pékin Mgr Ma Yinglin, ce dernier étant recteur du grand séminaire national, outre ses fonctions de président de la Conférence épiscopale « officielle » et de vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois. Dans le compte-rendu publié dans O Clarim, Ma Yinglin n’est désigné que par son titre de « recteur » du séminaire, là où les publications de Chine continentale parlent de lui comme « Mgr Ma », sans mentionner bien sûr que sa qualité d’évêque ne lui est pas reconnue par Rome.
Dans un autre ordre d’idée, le dimanche 11 juin, fête de la Trinité, à Kunming, Mgr Ma Yinglin a concélébré la messe en sa cathédrale du Sacré-Cœur, en présence de trois évêques du Hebei. Le Hebei est cette province qui entoure Pékin où la présence de l’Eglise, notamment des communautés « clandestines », est forte. Les trois évêques venus concélébrer à Kunming, dans le Yunnan, avec un évêque illégitime n’ont pu le faire que fortement « incités » par les autorités chinoises. Que Msgr An Shuxin, de Baoding, Fang Jianping, de Tangshan, et Feng Xinmao, de Hengshui, concélèbrent l’Eucharistie aux côtés de Mgr Ma ne fait que renforcer la stature de ce dernier.
Par ailleurs, le 20 juin, l’ambassadeur d’Allemagne en poste à Pékin a appelé les autorités chinoises à mettre fin au harcèlement dont l’évêque « clandestin » de Wenzhou est la cible. Le 18 mai dernier, Mgr Shao Zhumin a été soustrait à ses fidèles ; il est depuis détenu dans un lieu secret. Il y a quelques jours, il a été aperçu à l’aéroport de Wenzhou, accompagné de policiers en civils, mais il n’a pas réapparu depuis. « Sa pleine et entière liberté de mouvement devrait lui être rendue », a demandé l’ambassadeur par voie de communiqué.
Des négociations qui auront lieu ces jours-ci à Rome, que peut-on attendre ? Début février, l’évêque de Hongkong, le cardinal John Tong Hon, a publié un plaidoyer en faveur de la conclusion d’un accord entre la Chine et le Saint-Siège. Depuis son siège épiscopal de Hongkong, le cardinal est bien placé pour reconnaître que les conditions politiques actuelles en Chine populaire font que les libertés n’y sont pas « complètes », mais il a mis en avant le fait que l’Eglise se devait de saisir le moment présent pour obtenir une liberté « essentielle » pour elle, à savoir la nomination par le pape des évêques.
Toujours depuis Hongkong, le point de vue de l’évêque émérite du diocèse, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, est différent : selon lui, Pékin n’a aucunement l’intention de desserrer le contrôle exercé sur les religions et les catholiques ne feront pas exception ; Rome n’a pas les moyens de faire respecter par la Chine les modalités d’un éventuel accord et la conclusion d’un tel accord se fera par conséquent au détriment des catholiques chinois. Si un tel accord est passé, le cardinal Zen a signifié à plusieurs reprises ces dernières années que, par respect pour l’autorité du pape, il garderait le silence et se retirerait dans un monastère.
(eda/ra)