Eglises d'Asie – Chine
A Wenzhou, l’évêque catholique est détenu au secret depuis près de trois semaines
Publié le 07/06/2017
… que leur évêque avait de nouveau disparu de la circulation, après avoir été « invité », le 18 mai dernier, à une entrevue avec des fonctionnaires du Bureau des Affaires religieuses local. Depuis, aucune nouvelle ou presque le concernant n’a filtré. La mère de l’évêque, âgée de 90 ans et affaiblie par la maladie, a lancé un appel pour que lui soit rendu son fils.
Les informations concernant cette nouvelle « disparition » de Mgr Shao Zhumin, 54 ans, sont assez succinctes. Elles émanent des proches de l’évêque ainsi que de prêtres de son diocèse qui, sur WeChat, messagerie très populaire en Chine continentale, ont décidé de rendre publique la mise au secret de leur évêque. Près de trois semaines après la disparition de Mgr Shao, ils ne cachent pas leur inquiétude.
Injoignable sur son téléphone portable
Selon les informations disponibles, Mgr Shao a été invité à un entretien le 18 mai à 21h par le Bureau des Affaires religieuses de Wenzhou. En Chine, de telles invitations s’apparentent plus à une convocation qu’à autre chose et l’évêque n’est pas réapparu en public depuis cette date. Le 22 mai, il a pu faire savoir qu’il avait besoin de vin de messe mais ni ses proches dans le cercle familial ni les prêtres de la curie diocésaine n’ont pu le joindre sur son téléphone portable. Selon des sources locales, Mgr Shao serait toutefois toujours à Wenzhou, retenu dans une résidence de la police ; il n’aurait donc pas été emmené dans la lointaine province du Qinghai pour des « vacances forcées », comme cela a pu être le cas ces dernières années.
Que peuvent bien chercher les autorités locales en faisant ainsi pression sur Mgr Shao, l’évêque en titre de Wenzhou ? Faute de déclaration officielle des responsables chinois des Affaires religieuses, on ne peut que conjecturer. Important diocèse par le nombre et le dynamisme de ses prêtres et de ses fidèles, Wenzhou est un diocèse qui pourrait être qualifié d’emblématique des efforts que le Saint-Siège déploie pour favoriser l’unité des communautés « clandestine » et « officielle » de l’Eglise locale ; des efforts qui, à l’évidence, ne satisfont pas les autorités chinoises.
En 2007, l’évêque « clandestin » de Wenzhou, Mgr Lin Xili, qui avait été ordonné à l’épiscopat dans la plus grande discrétion en 1992, est très âgé et affaibli par la maladie (il mourra deux ans plus tard, le 4 octobre 2009). En vue de favoriser l’unité entre les deux communautés « clandestine » et « officielle » du diocèse, Rome décide de nommer comme évêque de Wenzhou, le P. Vincent Zhu Weifang, membre du clergé « officiel », avec comme coadjuteur le P. Shao Zhumin, membre du clergé « clandestin ». Le P. Zhu étant alors âgé de 81 ans et le P. Shao ayant 44 ans, il était entendu qu’à la mort de Mgr Zhu, Mgr Shao prendrait la direction du diocèse tout entier.
En agissant ainsi, le Saint-Siège souhaitait favoriser l’unité de l’Eglise dans un diocèse où les « clandestins » sont estimés à quelque 80 000 fidèles, les « officiels » étant moitié moins. Une unité par ailleurs souhaitée par la majeure partie des prêtres de Wenzhou, « officiels » comme « clandestins ». L’unité recherchée s’est cependant heurtée aux manœuvres permanentes d’immixtion des autorités civiles dans la vie de l’Eglise. Depuis le décès, le 7 septembre dernier, de Mgr Zhu, mort à l’âge de 89 ans, Mgr Shao ne cesse d’être en butte aux tracasseries des autorités. Avec ce nouvel épisode de « mise au secret » qui se prolonge, on peut penser que le jeune évêque est confronté aux pressions renouvelées des autorités pour l’amener à composer avec la politique religieuse du gouvernement en place.
(eda/ra)