… « beaucoup plus de droits démocratiques et de libertés aujourd’hui qu’à aucun moment de leur histoire ». Pour Xi Jinping, le principe « un pays, deux systèmes » qui régit les relations entre Hongkong et les autorités centrales a été « un grand succès reconnu par tous ». « Dans nos négociations avec le Royaume-Uni, nous avons été catégoriques sur le fait que la souveraineté n’était pas négociable », a-t-il affirmé. Le président chinois a également adressé un avertissement sévère à tous les Hongkongais qui se prendraient à penser que l’avenir de leur territoire peut s’imaginer dans une certaine autonomie par rapport à Pékin. « Toute activité qui met en danger la souveraineté et la sécurité de la Chine, qui remet en cause la Loi fondamentale [mini-Constitution de Hongkong], qui défie le pouvoir central ou qui utilise Hongkong comme base pour mener des activités d’infiltration et de sabotage contre la Chine continentale est un acte qui franchit une ligne rouge et est totalement inadmissible », a affirmé le président.
Pour mieux comprendre la situation, la réaction des Hongkongais à ce discours et la place des catholiques dans ce cadre, le P. Pierre Jeanne a adressé à Eglises d’Asie le texte ci-dessous. Le P. Pierre Jeanne est membre de la Société des Missions Etrangères de Paris (MEP) ; il est missionnaire à Hongkong.
Les exhortations de Pékin aux Hongkongais
Chaque année, le 1er juillet est une date importante pour la Chine rouge. En effet, c’est en effet un 1er juillet, en 1921, qu’a été fondé le Parti communiste chinois. C’est aussi un 1er juillet, mais en 1997, que Hongkong est revenu officiellement dans le giron de Pékin et est devenu une « Région administrative spéciale » de la République populaire de Chine, une RAS.
Vingt ans plus tard, Pékin a voulu solennellement célébrer l’anniversaire de cette «rétrocession ». Déjà, quelques semaines avant le 1er juillet, point d’orgue des festivités, des affiches, aux quatre coins du territoire, invitaient les gens à se joindre aux célébrations. Des chanteurs très populaires réaffirmaient sur un refrain joyeux leur amour de la nouvelle région administrative. Il s’agissait de faire prendre conscience aux Hongkongais qu’ils allaient vivre des journées importantes pour l’avenir de leur RAS.
Effectivement, le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping (习近平), est venu en personne, avec sa femme, pour une durée de trois jours, afin de présider les différentes cérémonies. Bien avant son arrivée, les forces de l’ordre de Hongkong étaient en alerte maximum. Rien n’a été laissé au hasard. La métropole aux sept millions d’habitants a été placée en état de siège jusqu’au 1er juillet. De plus, vingt-six opposants, démocrates ou indépendantistes, ont été in mis à l’écart pendant la visite présidentielle.
Manier la carotte et le bâton
A sa descente d’avion, le président Xi, conciliant, a précisé qu’il venait à Hongkong pour : 1.) présenter ses vœux de bonheur au territoire ; 2.) lui témoigner son soutien ; et 3.) esquisser des plans pour l’avenir. La Loi fondamentale de Hongkong garantit le maintien inchangé du système capitaliste et du mode de vie des Hongkongais pendant cinquante années (à compter du 1er juillet 1997). « Vous n’avez pas de soucis à vous faire ! », a développé en substance le président venu de Pékin.
Mais, par la suite, le ton de Xi Jinping est devenu nettement plus sévère : « Toute tentative de mettre en péril la souveraineté nationale, de défier l’autorité du gouvernement central et la Loi fondamentale de Hongkong revient à franchir la ligne rouge et est absolument inadmissible. » Il a aussi mis en garde ceux qui souhaiteraient « utiliser Hongkong pour s’infiltrer en Chine continentale ou y commettre des actes de sabotage ».
Le message s’adressait clairement aux manifestants du « Mouvement des parapluies » qui ont occupé plusieurs grandes artères de Hongkong, pendant trois mois, en 2014, et qui, nombreux, militent aujourd’hui pour l’autodétermination de Hongkong ou même pour l’indépendance du territoire. Sans compter ceux qui se font appeler les « localistes », pour éviter le mot « indépendance » de façon à ne pas heurter de front Pékin.
Président de la Commission militaire de Chine
Le président Xi Jinping n’oublie pas qu’il est aussi président de la Commission militaire de Chine. Le 30 juin, il a passé en revue vingt unités de l’Armée populaire de libération (APL) stationnées dans la RAS depuis le 1er juillet 1997. C’était la plus grande parade militaire jamais organisée sur le territoire de Hongkong, en présence du n° 1 de l’APL ; c’était la première fois qu’un si haut gradé visitait le territoire. Xi Jinping a également inspecté une unité nouvellement constituée de « soutien logistique » et détachée de la garnison de Shenzhen, de l’autre côté de la frontière avec la RAS. Le message implicite est clair : « Votre agitation et vos émeutes ne nous font pas peur. La puissance militaire est de notre côté. Nous conseillons aux éléments excités ou tapageurs de bien réfléchir avant d’entrer en action car ils risqueraient de le regretter amèrement. »
Un nouveau gouvernement
Le 1er juillet était aussi l’arrivée au pouvoir du nouveau chef de l’exécutif de Hongkong, Carrie Lam (林鄭月娥), élue en mars dernier, et de son équipe gouvernementale. Tous ont prêté solennellement serment devant le président Xi. Les caméras de télévision ont retransmis l’événement dans toute la RAS. « Le fait que Carrie Lam soit solennellement investie par Xi Jinping est tout-à-fait révélateur de l’influence qu’a Pékin sur le gouvernement de Hongkong ! », murmurent les membres de la mouvance pro-démocratie qui fait campagne pour des élections vraiment libres. Et que faire de la recommandation de Xi Jinping d’éduquer les jeunes Hongkongais au patriotisme ? Souvent, en Chine continentale, l’enseignement au patriotisme tourne à la propagande, voire à l’embrigadement.
Le 1er juillet après-midi, le président Xi et sa femme ont repris l’avion pour rentrer chez eux, tandis qu’une manifestation d’environ 60 000 personnes se mettait en place pour protester contre les ingérences, toujours plus nombreuses, du gouvernement central chinois dans la vie de Hongkong.
Les pro-Pékin du territoire ont tenté d’organiser une contre-manifestation. Mais malgré tous leurs efforts et les moyens financiers déployés, leur succès a été très limité. Cependant, on a quand même pu les entendre crier : « Vive le Parti communiste ! Ici c’est une terre chinoise ! ». Des slogans qui détonnent par rapport à l’ambiance actuelle de Hongkong !
Sautez donc sur l’occasion !
Une série d’émissions de télévision sur les « Nouvelles Routes de la soie » (en chinois « Une ceinture, une route » 一带一路), diffusée en juin et juillet, semblait être tout particulièrement destinée aux Hongkongais indisciplinés. Il s’agit d’un projet pharaonique d’investissements pour l’équivalent de 1 700 milliards de dollars américains afin de ressusciter les différents échanges culturels et commerciaux qui avaient lieu sur les routes de la soie et, de plus, d’en créer de nouvelles. Les Chinois ont déjà des pied-à-terre à Djibouti, Athènes et en Pologne. Ces émissions laissent entendre que Hongkong pourrait apporter une contribution importante au projet. Cette dernière exhortation de Pékin à l’enclave est donc : « Ne perdez pas votre temps dans des querelles politiciennes stériles. Laissez-nous faire ! La politique, c’est notre spécialité ! Vous avez dans ce nouveau projet une occasion en or de vous enrichir vite et bien. Ne la laissez pas passer ! »
L’Eglise catholique
Comment les catholiques du territoire réagissent-ils ? Comme par le passé, durant les périodes difficiles, ils font le gros dos. Souvent aussi, l’évêché a proposé d’ouvrir un dialogue avec Pékin ou, au moins, avec certains bureaux du gouvernement. Des paroisses ont ajouté une intention à la prière universelle du dimanche et les fidèles les plus avertis trouvent qu’il n’y a pas grand chose de nouveau dans les messages que Pékin leur adresse. Trois organisations protestantes et trois catholiques ont organisé une réunion de prière œcuménique avant la manifestation du 1er juillet. Le cardinal Zen Ze-Kiun, évêque émérite de Hongkong, Mgr Ha Chi-Shing, évêque auxiliaire de Hongkong, deux pasteurs protestants et plus de 300 chrétiens y ont participé. L’église de Wanchai était pleine.
Pourtant, cette année, à la fin du mois de juillet, normalement, le cardinal John Tong Hon, qui aura alors 78 ans, présentera sa démission et passera les rênes du diocèse à son coadjuteur, Mgr Michael Yeung Ming-Cheung. Ce dernier aura-t-il la même autorité que le cardinal ? Saura-t-il entrer en relation avec les autorités chinoises et sera-t-il autant respecté que son prédécesseur ? Mgr Michael est déjà âgé de 72 ans, il ne pourra pas diriger très longtemps le diocèse et on ne voit pas encore bien qui aurait le charisme et les compétences nécessaires pour lui succéder. Une fois de plus les catholiques chinois sont devant de nombreuses incertitudes, mais leur foi est profonde et leur amour de l’Eglise grand. L’Esprit-Saint, soyons en sûrs, leur indiquera une route, étroite et tortueuse certes, mais qui va dans la bonne direction et sur laquelle ils recevront son assistance.
P. Pierre Jeanne, MEP
Hongkong, le 6 juillet 2017
(eda/ra)