Eglises d'Asie

Le cardinal Charles Bo, archevêque de Rangoun, rappelle que « la paix est possible, la paix est le seul chemin »

Publié le 28/06/2017




A l’occasion de l’Eid al-Adha (Aid al-Kébir), « la fête du sacrifice », l’une des deux plus importantes fêtes religieuses du calendrier musulman célébrée cette année le 26 juin, Mgr Charles Bo, archevêque catholique de Rangoun, cardinal depuis février 2015, a publié un message rappelant … 

… qu’en Birmanie, « la paix est possible, la paix est le seul chemin ». Hasard du calendrier, l’Eid se tenait cette année quelques jours après la Journée mondiale des réfugiés (20 juin), journée au cours de laquelle le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) publie un rapport faisant état du nombre de personnes déracinées à travers le monde.

« Il existe des régions dans notre pays où la vie de nos frères et sœurs se trouve confrontée à la guerre et au déracinement. Que nos prières leur apportent paix et joie », écrit Mgr Charles Bo, au terme d’un message destiné à rappeler son engagement au service de la dignité des personnes, « contre toutes sortes d’oppression ». Le message du cardinal souligne en particulier le sort des Rohingyas, minorité musulmane apatride de l’Etat d’Arakan, dans le sud-ouest de la Birmanie où des « opérations de sécurité » sont menées par l’armée depuis l’attaque de postes-frontières en octobre dernier. Mgr Charles Bo dit également son espoir de voir les autorités birmanes coopérer davantage avec la communauté internationale pour mettre un terme aux conflits ethniques qui déchirent son pays.

Agé de 68 ans, Mgr Charles Bo est une personnalité centrale de l’Eglise catholique en Birmanie, une Eglise qui compte environ 500 000 fidèles dans un pays de 51 millions d’habitants, très majoritairement bouddhistes ; il a exercé ses responsabilités dans le contexte de la transition en cours entre la junte militaire qui a dirigé le pays de 1962 à 2011 et qui, depuis cette date, se métamorphose en un régime plus libre et ouvert. En novembre 2015, quelques jours avant la tenue des élections législatives, Mgr Charles Bo avait souligné l’importance de ces élections, parlant d’un « moment pivot dans l’histoire du Myanmar », un moment que « la nation attend depuis des décennies ». Mais depuis qu’elle est au pouvoir en tant que conseillère d’Etat et ministre des Affaires étrangères, Aung San Suu Kyi a nié toute violation des droits de l’homme à l’encontre des Rohingyas, refusant une mission d’information des Nations Unies pour faire la lumière sur ces violences, et son gouvernement a bloqué l’acheminement d’aide humanitaire aux victimes des conflits. La conseillère d’Etat birmane avait fait de la paix sa première priorité.

Un nouvel appel à coopérer avec la communauté internationale

Selon l’archevêque de Rangoun, la Birmanie « dispose d’un grand potentiel pour offrir un bel avenir à ses fils et à ses filles. Mais des millions d’entre eux vivent actuellement une situation de pauvreté, des millions d’entre eux sont désormais des migrants en danger, forcés à vivre des formes d’esclavage moderne ». Il a ensuite fait état de son engagement, constant et ancien, au service des droits et de la dignité des personnes, et notamment en faveur des Rohingyas, dont la situation « constitue une de [s]es préoccupations principales ». En 2016, aux Nations Unies et au Parlement britannique, il avait décrit « l’horrible persécution [de cette minorité musulmane] comme une terrible cicatrice pesant sur la conscience de [son] pays ». Le pape François, rappelle-t-il encore, s’était lui aussi exprimé à ce sujet. Le 8 février dernier, le Saint-Père avait demandé aux pèlerins de prier avec lui « pour nos frères et sœurs Rohingyas », après avoir lancé un appel en leur faveur, de manière inattendue, à la fin de l’audience générale du mercredi. Dans une interview accordée à Eglises d’Asie, Mgr Bo avait rappelé que le Saint-Père avait, cette année, parlé à trois reprises de cette minorité.

Le cardinal encourage à nouveau les autorités du pays à « travailler avec la communauté internationale », afin de qualifier juridiquement les violations des droits de l’homme « dans l’Etat d’Arakan, l’Etat Kachin et l’Etat Shan, et, en réalité, à travers toute la Birmanie ». « Les allégations de ‘nettoyage ethnique’, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité devraient faire l’objet d’une enquête approfondie et indépendante », recommande-t-il, faisant ainsi écho à son message de février 2017, dans lequel il incitait les autorités à coopérer avec les organisations internationales. Il s’était exprimé le lendemain de la publication du rapport du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sur le traitement des Rohingyas, en date du 3 février, « un rapport bouleversant » qu’il avait conseillé au gouvernement d’utiliser « comme un réveil pour tous ».

L’existence de signes « encourageants »

Mgr Bo fait ensuite remarquer que « le Myanmar évolue, pas aussi vite que la communauté internationale et les groupes de défense des droits humains le souhaiteraient, mais des changements se produisent ». Il mentionne des signes « encourageants », comme l’organisation de conférences sur la paix, précisant que toutes « toutes les parties sont invitées à dialoguer », et des rassemblements interreligieux sur la paix.

Mgr Charles Bo est l’une des rares personnalités du pays à avoir protesté à de nombreuses reprises contre le traitement infligé aux Rohingyas, à dénoncer les formes modernes d’esclavage, et à plaider inlassablement pour l’apaisement des tensions interethniques et interreligieuses. Depuis 2012, les discriminations et les violences se succèdent à l’encontre de cette minorité musulmane, à laquelle est refusée la nationalité birmane, en dépit des changements de politique récents du pays. En décembre 2016, dans son message de Noël, Mgr Bo avait appelé à faire de 2017 « l’Année de la Paix véritable ».

Hasard du calendrier, ce message a été diffusé alors que les Nations Unies ont récemment publié un rapport concernant les réfugiés, le 20 juin dernier, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés. Ce rapport sur les Tendances mondiales fait état de 65,6 de millions de personnes déracinées à travers le monde à la fin 2016, soit une augmentation de 300 000 personnes par rapport à l’année précédente. En 1997, le nombre de personnes déracinées s’élevait à 33,9 millions. En Birmanie, le nombre de personnes déracinées est de 490 300, contre 451 800 en 2015, dont 120 000 Rohingyas. Depuis les années 1970, les violences dans le nord-est de l’Etat d’Arakan ont forcé des dizaines de milliers de Rohingya à fuir vers le Bangladesh voisin. Depuis 2013, le Bangladesh a fermé sa frontière commune avec la Birmanie par laquelle affluaient les réfugiés et refuse l’entrée aux boat people. La situation s’est aggravée en octobre 2016, suite à l’attaque d’un poste-frontière birman par des Rohingyas. A l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le cardinal Patrick D’Rozario, archevêque de Dacca et premier cardinal du Bangladesh (il a été nommé en novembre 2016), a rappelé la nécessité de « la pression internationale pour parvenir à une solution à long terme ». Une visite pastorale du pape François est prévue en 2017 ou en 2018 au Bangladesh ; à cette occasion, il se pourrait qu’il rencontre des Rohingyas.

(eda/pm)