Eglises d'Asie – Chine
De nouvelles règlementations veulent obliger les Ouïghours à regarder la propagande
Publié le 31/03/2017
… chaînes de télévision officielles diffusant la propagande du Parti communiste chinois.
Cette nouvelle réglementation, qui prendra effet à partir de samedi 1er avril, couvre une large liste de comportements estampillés « extrémistes ». Elle réitère l’interdiction de porter le voile ou la barbe en public, mais inclus aussi de nouveaux comportements considérés comme « anormaux », au nombre de quinze au total. Les pratiques religieuses ou traditionnelles ou le simple manque d’enthousiasme patriotique sont désormais considérés comme des comportements « anormaux ».
Le mariage religieux, une pratique « extrémiste »
La vaste région autonome du nord-ouest chinois est régulièrement le théâtre d’attaques attribuées à des Ouïghours, minorité musulmane turcophone (45 % de la population en 2010), qui ont fait des centaines de morts ces dernières années. Les Ouïghours et les associations de défenses des droits de l’homme dénoncent en retour l’oppression dont ils sont victimes de la part des autorités et les privilèges dont jouissent les Han, l’ethnie chinoise majoritaire (93 % de la population totale du pays selon les chiffres officiels et 40 % de la population de la Région autonome ouïghoure du Xinjiang en 2010).
Avoir recourt à des procédures religieuses et non civiles pour se marier ou divorcer est considéré comme extrémiste. De même, intervenir dans le processus du mariage, des funérailles, ou de l’héritage d’autres personnes tombe sous la coupe de ces règles. S’opposer à l’action du planning familial et empêcher les enfants de recevoir l’éducation nationale sont également bannis, au même titre que le fait d’endommager sa carte d’identité, son permis de résidence, ou encore la monnaie chinoise. Il est aussi interdit « d’utiliser le mot halal pour s’ingérer dans la vie laïque des autres » – la mesure vise notamment à interdire les commerces et les restaurants de mettre en avant leur caractère halal sur leurs devantures.
Dans un registre carrément orwellien, le fait de « rejeter ou de refuser la radio, la télévision et autres services publics », qui diffusent pourtant dans une langue que beaucoup de Ouïghours ne comprennent pas, sont également des actes considérés comme « anormaux ». Les médias d’Etat en Chine assument complètement leur rôle de porte-voix du PCC. Lors d’une visite à ces médias en 2016, le président Xi Jinping leur avait rappelé que « leur nom de famille [était] le Parti ».
Un secrétaire du PCC à poigne
C’est nouvelle règlementation, adoptée par le Comité permanent de l’Assemblée régionale du Xinjiang, prévoit l’établissement d’équipes dédiées spécialement à la lutte contre l’extrémisme au plan régional (dans la « Région autonome ouïghoure du Xinjiang »), préfectoral et des comtés. Les responsables locaux seront évalués en fonction de leurs résultats dans ce domaine. Le texte ne précise pas quels seront les critères d’évaluation.
Les mesures de sécurité et l’adoption de règlementations visant à interdire les pratiques religieuses et traditionnelles au Xinjiang ne sont pas nouvelles, mais le renforcement récent de ces mesures est attribué à l’arrivée à la tête de la région de Chen Quanguo en août 2016. Ce haut dirigeant à la poigne de fer officiait les cinq années précédentes au Tibet, où il a mis en place une politique similaire. Il est vu comme un candidat potentiel au Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste, la plus haute instance du Parti où ne siègent que sept membres, lorsque celui-ci sera renouvelé à l’issue du XIXe congrès du PCC qui aura lien en octobre-novembre 2017.
Si les Ouïghours ont traditionnellement pratiqué une forme modérée d’islam, la popularité du voile chez les femmes a grandi ces dernières années, rapporte l’agence Reuters. Ces derniers mois, une recrudescence de violences a été constatée dans le sud de la région, soit dans le cœur ouïghour du Xinjiang, et les mesures de sécurité en ont été d’autant accrues.
Début mars, lors de la session annuelle du Parlement chinois, le président Xi Jinping a appelé de ses vœux une « grande muraille de fer » pour protéger le Xinjiang, dans un discours aux délégués de la Région autonome de l’Assemblée nationale populaire. Le 27 février, le groupe terroriste Daech avait pour la première fois menacé la Chine dans une vidéo d’une demi-heure, promettant des « rivières de sang » en Chine. Des combattants ouïghours y apparaissaient et, selon certaines estimations, l’organisation terroriste compterait quelque 500 Ouïghours parmi ses combattants en Syrie.
Parade militaire massive
Fin février, une série de parades militaires ont eu lieu à Urumuqi, la capitale de la région, Kashgar et Hotan. Présentant des milliers de soldats et de policiers anti-terroristes en tenue de combat, elles avaient pour but de montrer la détermination des autorités à « combattre sans cesse et frapper fort contre le terrorisme », selon les déclarations du vice-secrétaire du Parti communiste au Xinjiang, Zhu Hailun. Ces parades ont eu lieu une semaine après une attaque au couteau qui avait fait huit victimes mi-février. En janvier, trois « terroristes supposés » avaient été tués par la police pour avoir résisté lors d’un contrôle. En décembre, un attentat à la voiture piégée avait fait trois victimes. Selon les autorités, 712 personnes en 2014 et 1 419 autres en 2015 ont été condamnées pour « terrorisme et séparatisme », et, toujours selon les autorités, 96 % des actions terroristes ont été empêchées par les services de sécurité avant le passage à l’acte de leurs auteurs.
Depuis quelques années, le dispositif sécuritaire ne cesse d’être renforcé. Outre la présence de policiers lourdement armés et de check-points dans certaines villes du sud de la Région, il comprend des détecteurs de métaux à l’entrée de tous les hôtels, institutions publiques, mais aussi aux arrêts de bus. Fin novembre, les habitants du Xinjiang détenteurs de passeport avaient reçu l’ordre de rendre le document au commissariat local ; ils doivent désormais faire une demande écrite pour en recouvrer l’usage. Depuis juin 2016, ceux qui souhaitent obtenir un passeport doivent se soumettre à un prélèvement ADN.
(eda/sl)