Eglises d'Asie

Les évêques chinois invités par Benoît XVI à participer au Synode sur l’Eucharistie ne sont pas très optimistes quant à la possibilité pour eux de se rendre à Rome

Publié le 18/03/2010




Les quatre évêques chinois qui ont été invités par le pape Benoît XVI à participer au Synode sur l’Eucharistie, qui se tiendra à Rome du 2 au 23 octobre prochain, disent leur joie d’avoir été invités, mais disent penser que le gouvernement chinois arguera de l’absence de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin pour refuser de leur délivrer un passeport. Les quatre évêques en question sont les évêques “officiels” de Shanghai et de Xi’an, l’évêque de Fengxiang, dans le Shaanxi, et l’évêque de Qiqihar, dans le Heilongjiang, tous deux considérés comme “clandestins”.

Selon des sources vaticanes, citées par l’agence d’information catholique Ucanews (1), le Saint-Siège a communiqué l’invitation du pape aux quatre évêques intéressés au cours du mois d’août dernier. Ces invitations, a précisé une source du Vatican, se voulaient le reflet du désir de Benoît XVI d’exprimer publiquement le lien spirituel qui unit les catholiques de Chine populaire avec le Saint-Siège et l’Eglise universelle. La même source a ajouté que la Secrétairerie d’Etat avait informé au début du mois de septembre le gouvernement chinois de l’existence de ces invitations et exprimé l’espoir que Pékin se montrerait coopératif et laisserait les quatre prélats aller à Rome.

Contacté par l’agence Ucanews le 9 septembre, Mgr Joseph Wei Jingyi s’est dit impatient de prendre part au synode, précisant qu’il s’y préparait. Pour cet évêque “clandestin” âgé de 47 ans, ce serait la deuxième fois qu’il se rendrait à Rome : en juillet 2002, il était discrètement passé au Vatican et avait eu une entrevue avec Jean-Paul II. Mgr Wei a déclaré que les quatre évêques ensemble représentaient l’Eglise de Chine et il a précisé qu’il ne se considérait pas comme représentant la seule Eglise “clandestine”.

Quelques jours auparavant, le 6 septembre, Mgr Lucas Li Jingfeng, évêque de Fengxiang (2), précisait avoir reçu l’invitation du pape à la mi-août. Quelques jours plus tard, ajoutait-il, il avait contacté un représentant local des Affaires religieuses pour demander l’autorisation de se rendre au synode. Le fonctionnaire avait accepté de transmettre sa requête au niveau central de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses. Depuis, selon l’évêque, aucune nouvelle ne lui a été communiquée.

Au cours de cet entretien, Mgr Lucas Li a rappelé que les évêques “officiels” se voyaient dans l’obligation d’obtenir l’accord de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses pour sortir du pays, particulièrement lorsque le motif du voyage est la participation à un événement à caractère religieux. “Aucun d’entre nous ne pourra [y] aller si le gouvernement met en avant le fait qu’il n’existe pas encore de relations diplomatiques [entre le Saint-Siège et Pékin] a souligné Mgr Lucas Li, qui ajoute cependant que, Pékin ayant dernièrement indiqué que la Chine souhaitait améliorer ses relations avec le Vatican, un espoir subsistait. Enfin, Mgr Lucas Li a estimé que, des quatre évêques invités à Rome, c’était Mgr Wei Jingyi qui, du fait de son appartenance aux structures de l’Eglise “clandestine”, était le moins à même d’obtenir un passeport.

A Xi’an, Mgr Anthony Li Du’an a pour sa part confirmé qu’il avait déposé une demande de sortie du territoire et qu’à la date du 6 septembre, aucune réponse des autorités ne lui avait été communiquée. “Il n’est pas facile à des évêques continentaux de prendre part à une assemblée au Vatican car la Chine n’entretient pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège a déclaré l’évêque, âgé de 78 ans et affaibli par un cancer du foie. Mon mauvais état de santé pourrait rendre le voyage difficile, a-t-il ajouté.

A Shanghai, Mgr Aloysius Jin Luxian, âgé de 89 ans et souffrant de problèmes cardiaques et d’un fort diabète, a déclaré le 8 septembre : “Je suis très heureux que le Saint-Siège m’ait invité, bien que je n’aie pas encore reçu l’invitation. Voyager ou non dépendra de l’avis de mes médecins.” Il a ajouté qu’il était bon que quatre évêques de Chine continentale aient été nommés comme membres du synode, mais il s’est dit pessimiste quant à la possibilité d’obtenir un passeport : “Nous serons sans doute dans l’impossibilité d’y participer car les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine n’ont pas encore été établies.”

Dans l’édition du 8 septembre du Wen Wei Po, quotidien hongkongais proche de Pékin, Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique, s’est déclaré peu convaincu que le Saint-Siège ait envoyé des invitations à l’Eglise de Chine avec un réel espoir que les évêques puissent participer au synode. Il a précisé que ni l’Association patriotique ni la Conférence épiscopale n’avaient reçu une invitation du Saint-Siège, ajoutant qu’il n’avait entendu parler que de “rumeurs” d’invitation sur Internet. Il a refusé d’élaborer plus avant quant à l’éventuel voyage des quatre évêques à Rome. “C’est difficile de dire maintenant ce que nous ferons a-t-il déclaré à l’AFP le 9 septembre (3).

En dehors de Chine, la nouvelle de l’invitation des quatre évêques a suscité des commentaires. A Hongkong, Anthony Lam Sui-ki, du Centre d’études du Saint-Esprit, rattaché au diocèse de Hongkong, a estimé que “le Vatican avait fait un choix idéal [en désignant les quatre évêques] ». “Chacun d’eux a réalisé une tâche remarquable dans les domaines de la théologie, de la formation, de la promotion des contacts entre la Chine et l’Occident, ainsi que dans l’élaboration de modèles de coopération entre le gouvernement chinois et l’Eglise. Leur venue [à Rome] serait bénéfique au progrès de la société chinoise et favoriserait la normalisation de la vie de l’Eglise en Chine”, a-t-il expliqué, exprimant également l’espoir que Pékin comprenne l’enjeu du synode en termes de communication entre l’Eglise de Chine et l’Eglise universelle. Selon Anthony Lam, la question des invitations ne doit pas être mêlée à celle des relations diplomatiques entre Rome et Pékin, ce dernier dossier étant “une question au niveau national”.

Pour Kwun Ping-hung, un non-catholique basé à Hongkong, le fait que les invitations aient été portées aux quatre évêques et non à la Conférence épiscopale, que le Saint-Siège ne reconnaît pas, sera sans doute l’obstacle sur lequel butera la venue des évêques à Rome. Pékin refusera que la Conférence épiscopale ne soit pas prise en considération et que des membres de l’Eglise “clandestine” soient mis en avant. Il interdira donc probablement les voyages à Rome, a estimé cet observateur attentif des questions liées à l’Eglise en Chine.