Eglises d'Asie

Après le passage meurtrier du cyclone Aila, des milliers de rescapés secourus par les catholiques

Publié le 25/03/2010




Plusieurs semaines après le passage du cyclone Aila sur le golfe du Bengale, qui a tué plus de 264 personnes, fait plus de 7 000 blessés et affecté plus de 3,2 millions de personnes, selon les Nations Unies (1), les secours peinent toujours à rejoindre les habitants des régions isolées ou des îles, comme à procurer aux nombreux réfugiés, l’eau et la nourriture dont ils manquent cruellement.

Le bilan des morts est revu à la hausse quotidiennement, des milliers de personnes ont été portées disparues, essentiellement des femmes et des enfants emportés par la brusque montée des eaux. La Caritas-Bangladesh ainsi que des jeunes de paroisses catholiques, qui se sont investis dès l’alerte au cyclone, tentent de faire parvenir des colis d’urgence là où l’aide des ONG et celle du gouvernement n’arrive pas.

Le 25 mai dernier, le cyclone Aila accompagné de vents soufflants jusqu’à 120 km/h a balayé le sud du Bangladesh et l’est de l’Inde, provoquant des vagues de plusieurs mètres de haut et des inondations gigantesques. Au Bangladesh, les digues ont cédé sur plus de 1 400 km. Masudur Rahman, membre de la Caritas, raconte : « Soudain, en 40 minutes, des vagues de 7 à 8 pieds de haut (de 2,10 à 2,40 mètres) ont déferlé (…). Cette fois-ci, le niveau de l’eau était inhabituel. Bien que la vitesse des vents ait été moins forte, la montée des eaux a été tellement rapide qu’elle a démoli la plupart des cabanes de terre et de branchages. Beaucoup de maisons sont encore sous les eaux. Quelques-unes y resteront jusqu’à ce que les digues soient réparées. Et à cause des marées, les maisons sont inondées encore et encore… » (2).

Bien que le bassin du Gange soit l’une des régions les plus exposées aux catastrophes naturelles du monde, la mise en place d’alertes efficaces afin de sauver des vies reste difficile. Les gouvernements indiens et bangladais, aidés par des ONG et les Nations Unies, ont tenté ces dernières années de mettre en place un système d’alerte plus fiable et de construire davantage d’abris anticycloniques, surtout après les terribles précédents de 1970 (500 000 morts) et du typhon Gorky en 1991 (140 000 morts).

L’alerte a été déclenchée officiellement le 24 mai, quelques heures avant l’arrivée du cyclone en soirée, par le ministère chargé de la gestion des catastrophes naturelles, lequel a fait diffuser des messages d’avertissement à la télévision et à la radio, et hisser des drapeaux dans les principales zones portuaires. Des volontaires de la Caritas et du Croissant-Rouge (CICR) ont parcouru les villages du littoral avec des mégaphones, tandis que les haut-parleurs des mosquées signalaient l’arrivée imminente de l’ouragan.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, seulement 40 000 personnes avaient été évacuées dans les abris anticycloniques lorsque le cyclone s’est abattu sur la région. Ce n’est qu’après le passage d’Aila que plus de 500 000 personnes se sont réfugiées dans les abris ou ont fui vers d’autres villages. La plupart des bénévoles chargés de prévenir la population ont rapporté que l’alerte avait été sous-évaluée dans plusieurs parties du pays (danger de niveau 3, alors que le cyclone a tout balayé sur son passage) et que certains villages se trouvaient à plus de 30 km des abris anticycloniques. De plus, les zones qui n’avaient pas été touchées par la précédente tempête n’avaient pas été alertées (3). Quant à la population portuaire, elle avait été seulement informée qu’« il valait mieux ne pas prendre la mer » (4).

Parmi les autres problèmes relevés par les volontaires, on cite encore le nombre très insuffisant des abris, les vices de construction des digues qui n’ont pas résisté et l’absence de système de drainage en vue des inondations prévisibles.

C’est ce dernier point qui rend aujourd’hui la situation des sinistrés particulièrement critique : depuis le passage d’Aila, l’eau de mer inonde un peu plus chaque jour les territoires que le cyclone avait épargnés, infiltrant les puits, les étangs et les canalisations d’eau potable. L’impact réel du désastre n’est apparu que plusieurs jours plus tard ; les récoltes de riz sont définitivement compromises par les inondations, le bétail est mort dans sa presque totalité, les « fermes » d’élevage de crevettes, l’une des principales ressources des pêcheurs de la région, ont été balayées par le cyclone, des centaines de milliers de maisons sont détruites, l’eau véhicule des maladies infectieuses et les épidémies se répandent.

« Actuellement, le besoin le plus urgent de la population est l’eau potable », déclare Pintu William Gomes, directeur du programme de la Caritas-Bangladesh pour les catastrophes naturelles. Dès le passage du cyclone, la Caritas, qui avait préparé des colis d’urgence en prévision de la catastrophe, a commencé à distribuer de la nourriture séchée, des solutions de réhydratation orale, des comprimés de purification d’eau et de l’eau potable. Pintu Gomes rapporte que l’armée a même filtré l’eau de certains points d’eau, contaminés par l’eau de mer, afin que les bénévoles de la Caritas puissent la porter aux victimes.

Parmi ceux qui continuent d’apporter secours à la population déplacée, de jeunes bénévoles de la Sonadanga Catholic Little Flower Sangha (SCLFS), une organisation catholique, distribue des colis dans les régions inondées et difficiles d’accès. Leur groupe, issu de six paroisses du diocèse de Kulna et encadré par la Caritas, sillonne en camionnette ou en bateaux les districts touchés, particulièrement celui de Satkhira, le plus affecté par la catastrophe, et déjà sinistré en novembre 2007 par le cyclone Sidr, qui avait fait 4 000 morts et des millions de sans-abri. Les 6 et 7 juin derniers, les jeunes catholiques avaient distribué quelque 2 000 vêtements, environ 600 kg de nourriture déshydratée et 5 000 litres d’eau potable (5).

Selon l’agence IRIN des Nations Unies, la dysenterie a déjà fait de nombreuses victimes et la situation humanitaire est en passe de devenir catastrophique. Le 9 juin, le ministère de la Santé du Bangladesh a confirmé, quant à lui, que plus de 12 000 personnes étaient victimes de maladies hydriques (6). Seul un retrait des eaux permettrait une amélioration de la situation, mais tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il ne se produira pas avant septembre, avec la fin de la mousson qui jusque-là rend impossible la reconstruction des maisons et la réparation des digues, battues par les hautes marées (7).