Eglises d'Asie – Bangladesh
La visite du pape François, « une opportunité de célébrer l’harmonie entre les religions, dont les bases sont solides »
Publié le 23/11/2017
A quelques jours de la visite du pape François au Bangladesh (30 novembre – 2 décembre), le cardinal Patrick D’Rozario a accepté de répondre aux questions d’Eglises d’Asie. Joint par téléphone, il fait état de de l’impatience avec laquelle le pape François est attendu actuellement au Bangladesh et dresse le portrait de la petite communauté catholique locale.
Eglises d’Asie : En octobre 2016, vous avez été élevé au cardinalat par le pape François. Il se rendra, à la fin du mois, au Bangladesh. Que signifie cette visite pontificale ?
Cardinal Patrick D’Rozario : Pour le Bangladesh, cette visite constitue une opportunité de célébrer la relation particulière qui existe avec le Vatican depuis les années 1971-72, les relations diplomatiques ayant été nouées officiellement en février 1973. Une relation particulière, fondée sur des valeurs communes : des valeurs éthiques, morales, spirituelles. Et cette visite est également une opportunité de célébrer l’harmonie entre les religions, dont les bases sont solides, malgré des perturbations, dans notre société.
Cette visite va aussi être une rencontre entre le Saint-Père et le peuple bangladais. Un peuple de la périphérie, loin de Rome. Une rencontre avec l’Eglise des pauvres, avec une Eglise au service des pauvres. Et, dans la mesure où il s’agit d’une rencontre, la voix du peuple, portant ses difficultés, va s’exprimer et être entendue.
Pour l’Eglise, cette visite est un pèlerinage. Le Saint-Père va venir ici en tant que pèlerin. Et le peuple, lui aussi, va venir comme pèlerin. Pour voir le pape, pour l’écouter, pour le toucher. Pour prier ensemble. Pour célébrer la messe ensemble, sur le même sol. Les gens vont venir de tout le Bangladesh, des huit diocèses du Bangladesh, en tant que pèlerins, pour rencontrer le pape.
Ici, nous attendons le Saint-Père avec impatience. L’harmonie et la paix sont tellement indispensables, à travers le monde. Ma nomination en tant que cardinal constituait une sorte de reconnaissance pour la petite Eglise locale. Nous rendre visite, c’est un témoignage de son amour pour nous. Nous sommes tous ébahis qu’il ait pris la décision de nous visiter.
Comment vous-êtes vous préparés à recevoir le pape François ?
L’idée de cette visite est née en septembre 2015 : lorsque le cardinal Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, est venu au Bangladesh, le Premier ministre lui a transmis une invitation destinée au Saint-Père. Et ce dernier a annoncé son souhait de se rendre au Bangladesh en octobre 2016. Depuis lors, nous étions mentalement préparés à le recevoir. En juin dernier, nous avions organisé un programme général, au cas où il viendrait. A compter du 28 août, date à laquelle son voyage a été annoncé officiellement, nous avons commencé à élaborer un programme détaillé. Nous avons établi 8 comités locaux, un dans chaque diocèse, et 12 comités nationaux. Dans tous nos diocèses, des gens se sont impliqués dans la préparation.
En parallèle, nous avons une préparation spirituelle, avec des prières spécifiques, communiquées à travers tout le pays, et des intentions de messe également. Nous répondons ainsi à l’intention de prière du Pape François pour le mois de novembre : prier pour l’Eglise en Asie, pour que les chrétiens, minoritaires, favorisent le dialogue, l’harmonie et la compréhension.
L’Eglise catholique constitue une toute petite minorité au Bangladesh. Comment les autres communautés religieuses ont-elles accueilli l’annonce de la visite du Saint-Père ?
Cette annonce a été accueillie de manière très positive par les fidèles de toutes les religions, qu’ils soient musulmans, hindous, bouddhistes, ou qu’ils appartiennent aux autres communautés chrétiennes. La richesse du Bangladesh réside dans sa population et les valeurs de celle-ci.
Cette nouvelle a été accueillie dans la joie car une partie de la population se souvient de la visite effectuée par Jean-Paul 2. Car le pape est un dirigeant spirituel et il existe au Bangladesh une véritable ouverture spirituelle, sans tenir compte de l’appartenance religieuse. Le cardinal Jean-Louis Tauran, après trois jours de visite, en 2011, avait dit du Bangladesh que c’était un exemple d’harmonie religieuse.
Et le pape François est aussi considéré comme une voix de la conscience pour le monde. Il va s’exprimer au nom du peuple du Bangladesh, porter ses difficultés : la situation tragique des Rohingyas, le changement climatique (le Bangladesh est à la sixième place des pays les plus vulnérables), la pauvreté, …
D’ailleurs, une rencontre interreligieuse et œcuménique pour la paix aura lieu le 1er décembre, dans le jardin de l’archevêché. 500 personnes y assisteront. 500 personnes disposées à l’écouter, à échanger avec lui. A prier ensemble pour la paix.[NDLR : Le Saint-Siège a annoncé mercredi 22 novembre que des réfugiés rohingyas participeront à cette rencontre]
Ce n’est pas la première visite d’un pape au Bangladesh mais celle-ci est particulièrement longue, trois jours.
En 1986, le pape Jean-Paul 2 est resté 24 heures à Dacca et a participé à 4 ou 5 évènements. Cette fois-ci, le pape François restera trois jours et prendre part à 15 évènements. Certains sont d’ordre politique, d’autres d’ordre ecclésial et religieux.
Des ordinations sacerdotales sont prévues, le 1er décembre. Qu’en est-il des vocations à la vie sacerdotale, à la vie consacrée, au Bangladesh ?
En 1986, le pape Jean-Paul 2 a ordonné 18 diacres ; le pape François en ordonnera 16. Voilà de quoi nous réjouir des merveilles du Seigneur : nous avons des vocations à la vie sacerdotale, à la vie religieuse.
380 000 personnes sont catholiques au Bangladesh. Et nous avons 340 prêtres locaux, 1 000 religieuses et 100 frères, locaux eux aussi. Nous avons même commencé à envoyer des missionnaires, entre 20 et 30, en Afrique, en Amérique, au Canada, en Papouasie Nouvelle-Guinée.
Le 13 novembre, je me suis rendu dans une famille dont la mère était décédée. Elle avait dix enfants. Et, parmi eux, trois sont devenus prêtres, trois sont devenues religieuses. Notre peuple est religieux. Au grand séminaire national, à Dacca, nous avons actuellement 120 étudiants.
Le pape François va se rendre au Bangladesh et en Birmanie, alors que la communauté internationale s’alarme de la situation des Rohingyas. Vous vous êtes rendu dans les camps de réfugiés, fin septembre, vous avez œuvré pour mobiliser la Caritas. Quelle est la situation actuelle ?
Je me suis rendu dans les camps de réfugiés les 24 et 25 septembre derniers, alors que des Rohingyas arrivaient encore. Je me réjouissais, malgré tout, de constater qu’il y avait une certaine bienveillance, dans ces camps, entre réfugiés [NDLR : Des réfugiés Rohingyas viennent se réfugier au Bangladesh par vague successives, depuis la fin des années 1970]. J’ai visité des familles et j’ai écouté leurs histoires, terribles. Ce jour-là, une centaine de naissances ont eu lieu. J’ai appris que 18 000 femmes enceintes se trouvaient dans ces camps.
Dans cette zone, l’Eglise n’est pas implantée. Mais nous voulions être présents, nous voulions montrer notre compassion. La Caritas Bangladesh a obtenu, après un léger contretemps, l’autorisation d’y travailler. Elle prend soin de 40 000 familles. Nous sommes très investis. Notre toute petite Eglise apporte son aide à ce qui est l’un des plus grands désastres de l’humanité.