Eglises d'Asie – Chine
Shanghai : comment interpréter le retour de Mgr Ma Daqin au sein de l’Association patriotique des catholiques chinois ?
Publié le 01/02/2017
… , le 20 janvier, on apprenait à la lecture de l’ordre du jour d’une réunion conjointe du Comité pour les Affaires de l’Eglise de Shanghai et de la branche locale de l’Association patriotique des catholiques chinois que l’évêque auxiliaire de la ville, Mgr Ma Daqin, en résidence surveillée depuis juillet 2012, était désormais « membre suppléant » du Comité permanent de l’Association patriotique à Shanghai ; le nom de l’évêque n’y figurait toutefois pas sous sa fonction épiscopale mais sous sa seule qualité de prêtre.
De Mgr Ma Daqin, on se souvient de son geste, posé le 7 juillet 2012 : ordonné évêque auxiliaire de Shanghai avec l’accord de Pékin et l’assentiment de Rome, Mgr Ma avait annoncé qu’il quittait l’Association patriotique, cette institution imposée par le régime communiste pour exercer de l’intérieur un contrôle sur l’Eglise, afin de se consacrer entièrement à son ministère épiscopal. La surprise des autorités chinoises avait, semble-t-il, été totale et le soir même Mgr Ma était placé en résidence surveillée, dans une chambre du petit séminaire de Sheshan, à une heure de route du centre de la ville. En juin 2016, Mgr Ma avait de nouveau créé la surprise en postant sur son blog un texte où il expliquait regretter son geste du 7 juillet 2012, sans pour autant que l’on puisse établir avec certitude si ce texte était bien de sa main ou s’il lui avait été imposé par les autorités.
Quel avenir pour Mgr Ma Daqin ?
La nouvelle du retour de l’évêque auxiliaire de Shanghai au sein de l’Association patriotique vient compliquer un peu plus la situation. Selon nos informations, Mgr Ma a, dans un premier temps, été réintégré dans l’Association patriotique en septembre dernier, en tant que vice-directeur pour le district de Songjiang, vaste district du sud-ouest de Shanghai qui englobe le sanctuaire marial de Sheshan. Le fait qu’il apparaisse désormais dans les instances de l’Association au niveau municipal en tant que prêtre, et plus comme évêque, interroge. Les autorités chinoises signifient-elles par là que l’évêque, âgé de 48 ans, ne peut en aucune manière envisager d’agir à l’avenir comme évêque de Shanghai ? Préparent-elles son remplacement par un autre évêque, qui serait transféré d’un diocèse voisin sur le siège de Shanghai ? Les questions sont pour l’heure sans réponse. La seule certitude est que Mgr Ma vit toujours au petit séminaire de Sheshan en résidence surveillée, même si cette dernière ne recouvre pas un régime de détention sévère. Mgr Ma envoie quasi-quotidiennement via l’application pour mobile WeChat des méditations sur les prières du jour. Il peut rencontrer des gens et prendre part à des rencontres officielles. « Mais ne croyez pas pour autant qu’il est libre », met en garde un laïc de Shanghai, interrogé par l’agence Ucanews.
Concernant l’interview accordée par le pape à El Pais, les médias ont principalement retenu ses propos relatifs au populisme et à Donald Trump. Sur la Chine, le pape François, outre le fait qu’il a redit son désir de se rendre dans ce pays, s’est exprimé en ces termes : « En China las iglesias están llenas. Se puede practicar la religión en China. » Ce qui se traduit par : « En Chine, les églises sont pleines. La pratique religieuse est possible en Chine. » D’aucuns ont retenu que le pape affirmait que la liberté de culte était respectée en Chine.
Le poids de la question taïwanaise dans les relations sino-vaticanes
Les médias chinois se sont saisis du sujet. S’ils ont salué les propos positifs du pape sur l’état de la pratique et de la liberté religieuse en Chine, ils ont aussi à leur manière remis en perspective la possibilité de voir prochainement un accord conclu entre le Saint-Siège et Pékin. Un article du Quotidien du peuple du 26 janvier citait ainsi l’analyse d’« un expert anonyme » pour dire que ce dossier était rendu complexe par la multiplicité des facteurs en jeu. Le journaliste mettait notamment en avant le facteur Taiwan. « Si le mouvement ‘pro-indépendance’ de l’île [de Taiwan] continue à prendre de l’ampleur, le continent pourrait accélérer les négociations avec le Vatican », notait cet expert, qui ajoutait que la question de Taiwan était aux yeux des dirigeants chinois « plus urgente » que la question de l’ordination des évêques, laquelle progresse peu depuis des années déjà. Pour mémoire, le Saint-Siège est la seule entité étatique d’importance qui entretient des relations diplomatiques avec Taipei, toutes les grandes puissances ayant transféré depuis plusieurs décennies leurs ambassades de Taipei à Pékin, répondant ainsi au système qu’impose la politique dite « de la Chine unique ».
Le Global Times, dans un article du 24 janvier, a salué le fait que les deux parties – Pékin et le Vatican – faisaient montre de « leur volonté » à poursuivre les pourparlers. Le journal citait Yan Kejia, directeur de l’Institut d’Etudes des religions de l’Académie des Sciences sociales de Shanghai, pour mettre en garde contre tout excès d’optimisme. « L’issue des négociations entre la Chine et le Saint-Siège est difficile à prédire », estimait ainsi le chercheur, le journaliste terminant là encore son article par une analyse du facteur taïwanais. « Etant donné que la leader taïwanaise Tsai Ing-wen [la présidente de la République de Chine depuis mai 2016] ne reconnaît par le Consensus de 1992 relatif au principe de la Chine unique, le continent chinois pourrait chercher à contenir Taiwan en développant des relations avec le Vatican, qui entretient des relations « diplomatiques » avec Taiwan », peut-on lire dans l’article.
Toujours dans les médias, mais cette fois américains, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, s’est exprimé sur le sujet. Le 19 janvier, il a déclaré au Wall Street Journal, à propos des négociations sino-vaticanes : « Nous sommes principalement et toujours optimistes, mais, comme j’ai eu l’occasion de le dire auparavant, cela prendra du temps car nous nous inscrivons dans une histoire déjà longue. Cela sera très, très difficile. »
(eda/ra)