Eglises d'Asie

Dans son message de Noël, le cardinal Bo appelle à « mettre en œuvre l’agenda de l’Amour et de la Paix »

Publié le 28/12/2017




Le cardinal Charles Bo, archevêque de Rangoun, appelle dans son message de Noël à ce que « la paix devienne la religion commune de cette nation ». Et s’indigne de « l’exploitation des ressources [qui] constitue la cause principale de nos blessures, de nos guerres, de notre haine mutuelle et des déplacements de population. »

L’an dernier, dans son message de Noël, le cardinal Charles Maung Bo, archevêque catholique de Rangoun, avait appelé à faire de 2017 l’Année de la Paix véritable. Cette année, il encourage les acteurs du pays à « mettre en œuvre l’agenda de l’Amour et de la Paix ».

Un pays blessé appelé à « continuer le pèlerinage de la paix »

Dans le texte publié ci-dessous, le cardinal Bo salue la visite pastorale historique effectuée par le pape François, « apôtre de l’Amour et de la Paix », du 27 au 30 novembre derniers, et souligne le message délivré par le souverain pontife : « continuer le pèlerinage de la paix ».

La principale figure d’une Eglise qui réunit 1,5 % de la population appelle à ce que « la paix devienne la religion commune de cette nation », pour guérir les blessures économiques, sociales et politiques de ce pays.

Dans ce message publié le 25 décembre, le cardinal Bo dénonce le sort des Kachins qui « vont connaître leur septième Noël en tant que déplacés » et celui des Rohingyas, en évoquant « les récents évènements [qui] ont fait que la nation était contestée par la communauté internationale ».

La conseillère d’Etat Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix, avait pourtant fait de la paix sa première priorité, il y a deux ans, après sa victoire aux élections législatives. Actuellement chef de facto du gouvernement, elle est vivement critiquée pour son inertie vis-à-vis de l’exode des Rohingyas.

« L’exploitation des ressources constitue la cause principale de nos blessures »

Par la suite, le cardinal Bo s’indigne de « l’exploitation des ressources [qui] constitue la cause principale de nos blessures, de nos guerres, de notre haine mutuelle et des déplacements de population ». « Les ressources naturelles n’appartiennent pas aux entreprises et aux pays voisins. C’est un héritage sacré de notre peuple » écrit-il notamment, en dénonçant la construction d’un barrage hydroélectriques sur l’Irrawaddy, faisant référence au projet de barrage de Myitsone, situé dans l’Etat kachin (nord du pays). Ce projet sino-birman avait été décidé par la junte militaire en 2006 alors au pouvoir mais il est suspendu depuis la fragile ouverture démocratique de 2011 en raison des conséquences sociales et écologiques.

Selon Radio Free Asia, le 14 décembre dernier, le cardinal Bo, rendant visite à des déplacés dans l’Etat kachin, avait dénoncé les conséquences du projet de barrage de Myitsone : « cela pourrait détruite l’Etat kachin, et le pays tout entier », avait-il notamment déclaré.

Le message de Noël du cardinal Charles Bo a été diffusé le 25 décembre. Reproduit ici, il a été traduit en français par la rédaction d’Eglises d’Asie.

Mes chers concitoyens et concitoyennes,

Je vous souhaite à tous un Noël béni. Soyons tous imprégnés de paix.

2017 a été une année mémorable pour les Chrétiens et le peuple du Myanmar.

Le pape François, l’apôtre de l’Amour et de la Paix, a honoré cette nation de sa visite pastorale, atteignant l’Eglise dans les marges, apportant grandes joie et fête. Malgré tous les défis, il a visité tous les acteurs du pays, exhortant chacun d’entre eux à continuer le pèlerinage de la paix.

Il a laissé à l’Eglise et à la nation une mission urgente : guérir les plaies, rechercher la réconciliation complète, rendre la haine par l’amour rédempteur.

Dans le mystère de l’Incarnation, le message central de Noël est de réconcilier l’humanité blessée avec Dieu et les uns avec les autres. Les anges ont chanté lors du premier Noël : paix aux hommes sur la Terre. En tant que nation, nous avons besoin de guérir les blessures connues et cachées. La guerre fait rage dans de nombreuses régions. Des milliers de Kachins vont vivre leur septième Noël en tant que déplacés dans leur propre pays. Les gens qui prospèrent sur des récits de haine, blessent nos frères et soeurs avec la guerre, le déplacement de population et la pauvreté, faisant d’un pays avec des ressources naturelles abondantes, l’une des nations les plus pauvres du monde. Les blessures économiques, les blessures sociales, les blessures politiques continuent de saigner la nation. Les récents événements ont fait que la nation était contestée par la communauté internationale. Nous devons mettre en œuvre l’agenda de l’Amour et la Paix !

Nous pouvons y parvenir. Si Dieu peut se réconcilier avec l’humanité à travers son Fils, nous aussi nous pouvons nous réconcilier les uns avec les autres. La paix doit devenir la religion commune de cette nation. L’exploitation des forces extérieures doit cesser. L’Irrawaddy est une rivière sacrée pour les habitants du Myanmar. Elle est notre mère. En faire une marchandise et vendre ses entrailles pour construire un barrage, c’est la blesser, priver des milliers de ses fils et de ses filles de leur moyen de subsistance. Les ressources naturelles n’appartiennent pas aux entreprises et aux pays voisins. C’est un héritage sacré de notre peuple. L’exploitation des ressources constitue la cause principale de nos blessures, de nos guerres, de notre haine mutuelle et des déplacements de population. La paix fondée sur la guérison des blessures est possible.

La Paix authentique est construite sur l’amour. C’est le message de la visite du pape François. L’amour compatissant doit devenir la religion commune de cette nation. Les religions doivent se rassembler pour la paix. Ceux qui cherchent la haine au nom des religions manquent d’amour.

Imaginons, de manière créative, une nation d’espoir. Noël est cette saison d’espoir. Je prie pour que chacun d’entre nous soit béni, afin que nous puissions mobiliser nos instincts spirituels pour construire le Myanmar en tant que nation d’opportunité, de paix, d’amour et de guérison pour nous tous.

Joyeux Noël et bonne année !