Eglises d'Asie

Un dominicain aveugle vient en aide aux chrétiens pakistanais

Publié le 07/02/2018




S’inspirant de sa propre expérience de discrimination, le Dr Sabir Michael estime que son devoir est de venir en aide aux minorités. Rencontre avec cet oblat dominicain aveugle, enseignant et père de famille, qui a su dépasser son handicap pour se mettre au service des minorités au Pakistan.

Sabir Michael était aveugle de naissance, mais cela ne l’a pas empêché de devenir le premier et unique chrétien aveugle du Pakistan à décrocher un doctorat. « Ma thèse sur les problèmes socioéconomiques des chrétiens et des hindous de Karachi est devenue ma mission. Les deux communautés sont généralement pauvres et font face à la même discrimination. Il était important de documenter et comprendre le phénomène que j’avais moi-même vécu et dépassé », confie Michael, oblat dominicain.
Les fraternités laïques dominicaines vivent dans le monde, mariés ou célibataires, suivant une règle dans l’esprit de saint Dominique et partageant le charisme et la mission de l’ordre dominicain. « La situation des droits de l’homme empire dans le pays. La constitution elle-même fait de nous des citoyens de seconde classe. Peut-être y-a-t-il une politique non dévoilée pour garder les minorités religieuse à un certain niveau et ignorer leur développement. Quand le monde réagit contre les musulmans, les groupes extrémistes s’en prennent à nos communautés. »
Michael, 40 ans, enseigne dans le département du travail social à l’université de Karachi. Il est membre de la commission des droits de l’homme du Pakistan, de la commission nationale des évêques pakistanais pour la justice et la paix, et du conseil pour le bien commun de la province de Sindh. Il dirige deux ONG, l’une d’entre elles travaillant pour les droits des sections vulnérables de la société, dont les femmes, les enfants, les minorités et les handicapés. Tout cela n’aurait pas été possible sans le soutien de l’Église catholique, d’autant plus que son père était un pauvre travailleur sanitaire avant de partir à la retraite, il y a trois ans.

Chrétien, aveugle et ouvertement activiste

« Deux de mes frères et sœurs sont aveugles, mais ils terminent également des études. Une religieuse novice anglaise, Fille du Cœur de Marie, m’a remarqué quand j’avais sept ans et m’a envoyé dans un foyer pour aveugles dirigé par un prêtre italien à Okara, une ville du Punjab », explique Michael. Michael était parmi une cinquantaine d’autres étudiants aveugles du Pakistan. « En cinquième, j’ai décidé de me différencier des autres et de me qualifier davantage. Benazir Bhutto et Nelson Mandela étaient mes références concernant la justice sociale et les droits de l’homme. J’avais l’habitude de traduire leurs discours. Je demandais à mes amis de lire des livres pour moi. Un prêtre et l’un des mes amis musulmans ont même sponsorisé mon doctorat. L’Église m’a préparé à lutter au sein de la société. »
Michael confie qu’il a dû faire face à la discrimination dans de multiples domaines. « Je soupçonne une association d’étudiants, Islami Jamiat Taleba, de s’est opposée à mon admission à l’université de Lahore en dépit des quotas pour les aveugles. J’étais chrétien, aveugle et ouvertement activiste. J’ai dû retourner à Karachi, une ville portuaire du Sud, où j’ai fait face à une discrimination ethnique comme Punjabi. Le travail au sein de l’université n’a été possible qu’après la pression de la société civile et d’un parti politique. C’était une expérience douloureuse. Les responsables décident de ce que les aveugles peuvent faire ou non, malgré la réussite des examens. Les livres en braille sont chers et peu nombreux. Nous avons des difficultés à nous déplacer à cause de voies en mauvais état et de l’absence de rampes. Les familles ont tendance à cacher les aveugles pour éviter d’être stigmatisés. Nous n’avons pas besoin de sympathie mais d’empathie. En 2014, le gouvernement Punjab a élevé le quota pour les aveugles de 2 à 3%. Toutefois, l’association All Punjab Blind estime ce nouveau quota peu mis en pratique. Ce quota, par décret, est volontaire dans le secteur privé. Il peut donc être ignoré. De telles failles ont tendance à nous décourager. »

Dieu vous bénira, mais ne quittez pas le Pakistan

Malgré les épreuves, il sent la nécessité de servir les minorités, particulièrement après avoir rencontré saint Jean-Paul II en 2000 à Rome. « Dieu vous bénira – mais ne quittez pas le Pakistan » lui avait demandé le pape.
Outre la défense des droits de l’Homme, Michael dirige le chœur de la paroisse Saint-Paul et aide les prêtres de la paroisse à former le chapitre Saint-Dominique en 2002 à Karachi. Son groupe procure des cours bibliques à ses membres, prépare les laïcs à servir la messe, et s’occupe de groupes de prières et de visites aux malades dans dix-huit paroisses de l’archidiocèse du Sud du pays.
Ce père de trois enfants est également conférencier volontaire à l’Institut catholique national de théologie, où il aide les étudiants dans leurs recherches. « Je finance la scolarité de dix étudiants. Je ne pourrai jamais retrouver la vue, mais je veux servir l’Église et utiliser mes capacités pour œuvrer au changement de la société. »
Le père Mario Rodrigues, recteur de la cathédrale Saint-Patrick de Karachi, a remercié Michael pour son assistance. « Il a utilisé son handicap comme marchepied. Il est devenu un exemple pour ceux qui ne font rien quand les circonstances sont difficiles. »

(Source : Ucanews)