Eglises d'Asie

Les conversions unilatérales désormais interdites, une avancée pour la liberté religieuse

Publié le 12/02/2018




La Haute Cour de justice de Malaisie a statué que les conversions unilatérales, c’est à dire le changement du statut religieux d’un enfant par seulement un des deux parents, sont illégales. Une décision qui réjouit Indira, sans nouvelles de sa fille depuis neuf ans.

Cette fois-ci, Indira Gandhi pleure de joie. Neuf ans après que son ex-mari l’avait séparée de sa fille de deux ans en 2009, la police agit enfin. La Haute Cour de justice de Malaisie a décidé, le 29 janvier, l’interdiction des conversions unilatérales. C’est la méthode qu’avait employée l’ex-mari d’Indira, Muhammad Ridhuan Abdullah (anciennement connu au nom de K. Pathmanathan), pour avoir la charge de leurs enfants sous la bienveillance des autorités islamiques.
L’ex-mari d’Indira avait converti  à l’islam ses trois enfants seulement trois semaines après s’être lui-même converti. Le tribunal islamique lui avait accordé la garde des enfants peu après leur conversion.
Ce fut le début d’une longue bataille pour Indira, institutrice en maternelle. Sa seule consolation était ses deux autres enfants, sa fille Tevi Darshiny, 20 ans et son fils Karan Dinesh, 18 ans, qui étaient tous les deux restés avec elle. La plus jeune, qui avait seulement 11 mois quand elle avait été enlevée par son père, serait avec lui.

Neuf ans d’attente

En 2013, la Haute Cour de justice avait considéré que la conversion unilatérale des enfants d’Indira par son ex-mari était contre les normes internationales, et que les droits civils étaient supérieurs au tribunal islamique. En 2014, Indira avait obtenu une ordonnance du tribunal forçant la police à trouver son ex-mari pour qu’il lui rende l’enfant. Mais le chef de la police nationale, Khalid Abu Bakar, évoquant des conflits juridictionnels entre les tribunaux civil et islamique, avait refusé de se soumettre à cette décision.
L’affaire avait été renvoyée en appel, qui avait contredit la décision de la Haute Cour. « Cela fait maintenant neuf ans et j’attends toujours de voir ma fille. En tant que mère, après les décisions d’aujourd’hui, je brûle de la voir et d’être enfin réunie avec elle » se réjouit la mère de 43 ans auprès des médias, devant le tribunal. « Le plus triste est que je ne peux pas partager ce moment avec ma petite fille, qui n’est pas avec moi et ma famille. Cela fait neuf ans que je ne l’ai pas vue. »
La loi sur les conversions d’enfants pourrait mettre fin à cette pratique des autorités islamiques tendant à accorder avec précipitation les gardes d’enfants. Le tribunal a défini le mot « parents » comme un pluriel, s’agissant des conversions d’enfants. Le juge Zulkefli Ahmad Makinudin confirme que la décision de la Haute Cour est unanime, ajoutant que le tribunal n’est pas influencé par des convictions religieuses.

Une grande victoire

Les juges ont également brisé le contentieux mettant le tribunal islamique au même niveau que le tribunal civil, décidant que ce dernier l’emportait dans n’importe quelle affaire. « Autoriser l’un des deux parents à convertir unilatéralement ses enfants sans le consentement de la mère constitue une sérieuse ingérence » ont remarqué les juges dans leur décision. L’avocate d’Indira, M. Kulasegaran, également membre du parlement malais, explique que la Haute Cour a finalement fait ce que le parlement n’avait pas eu le courage de faire. Le gouvernement avait annoncé en effet, l’année dernière, cette décision interdisant les conversions unilatérales, avant de se rétracter, la population malaise étant majoritairement musulmane. Philip Koh, un avocat membre du Comité Consultatif malais pour le bouddhisme, le christianisme, l’hindouisme, le taôisme et le sikhisme, estime que cette décision affermit la Malaisie comme communauté interreligieuse et multiculturelle.
Un mouvement féministe en Malaisie décrit cette décision comme « une grande victoire pour tous les Malais. Cela atteste que les deux parents ont le même droit pour décider de la religion de leurs enfants », applaudit Sumitra Visvanathan, directrice générale de l’organisation. « La conversion unilatérale est une violation grave des droits des femmes et a conduit à des violations encore plus graves, comme l’enlèvement d’enfants. »
Pendant ce temps, Ridhuan, pour qui un mandat d’arrêt a été délivré, a disparu avec sa fille Prasana. La grand-mère de Prasans, S. Vengammah, qui était également au tribunal, s’est adresséa prononcé des mots durs envers le chef de la police : « L’inspecteur général de police doit maintenant s’excuser et il doit faire son devoir. Maintenant, il doit se mettre à la recherche de ma petite-fille. »