Eglises d'Asie

Le diocèse de Mindong, au-delà de la tourmente

Publié le 14/02/2018




Le diocèse de Mindong est l’un des plus anciens du catholicisme chinois. Les communautés persécutées ont laissé, au fil du temps, un héritage impressionnant, mais elles doivent adapter leur pastorale aux changements sociaux survenus dans la Chine moderne.

Ces derniers jours, le diocèse de Mindong, situé sur la côte chinoise dans la province de Fujian, s’est retrouvé au cœur de l’attention internationale. La délégation pontificale a demandé à l’évêque de l’Église souterraine de Mindong, Vincent Guo Xijin, de devenir l’évêque auxiliaire de l’évêque de l’Église officielle, Vincent Zhan Silu, bien que ce dernier ait été excommunié.
Beaucoup ont commenté les positions des différents évêques, mais très peu se sont intéressés à leur diocèse. Son histoire est pourtant très riche, car c’est l’un des plus anciens du catholicisme chinois, depuis que le catholicisme a été introduit par les élites locales vers la fin du XVIe siècle.
C’est aussi le lieu de naissance de Gergorius Luo Wenzao, premier prêtre catholique chinois, ordonné en 1654. Sans oublier qu’il s’agit aussi du diocèse du premier évêque chinois, quelques décennies plus tard. C’est là aussi que Chen Zidong est devenue, en 1650, la première vierge consacrée chinoise. Le diocèse de Mindong a également vu naître un vif débat entre les missionnaires catholiques sur le confucianisme et les rituels chinois, qui a duré jusqu’au XVIIe siècle.

Mindong, le plus ancien site catholique chinois

De plus, c’est également là que Mgr François Pallu, fondateur des Missions Étrangères de Paris, a été enseveli vers la fin du XVIIe siècle, avant que ses restes ne soient déplacés en 1913. Avec le temps et au fil des persécutions, le catholicisme s’est ancré dans la vie des clans familiaux qui les ont subies. Plusieurs lignées, comme les Luo, les Guo ou les Jiang, ont influencé l’évolution de cette communauté locale, rurale mais persécutée.
Aujourd’hui, on trouve des douzaines de sites catholiques le long de la rivière Jiaoxi et dans les montagnes du diocèse, qui attirent des pèlerins venant de toute la Chine. De plus, les catholiques ont travaillé dur pour restaurer les tombes des évêques locaux du XVIIIe et du XIXe, ainsi que les grottes où les prêtres persécutés se cachaient et les tombes des martyrs de la Révolution Culturelle de 1966-76.
Le diocèse a également été témoin de la croissance économique prodigieuse et des changements sociaux qui ont transformé profondément tous les secteurs de la société chinoise, y compris l’Église. Ainsi, depuis le début des années 1990, beaucoup de catholiques de l’Église souterraine ont déménagé vers les grandes villes comme Shenzghen, Guangzhou ou Shanghai pour y lancer des affaires. Aujourd’hui, on trouve beaucoup d’entrepreneurs catholiques bien établis dans tout le pays. Ces entrepreneurs catholiques sont devenus des patriotes dévoués, soutenant la politique économique de Beijing. Bien qu’ils espèrent une meilleure reconnaissance de la part de l’État envers leur appartenance à l’Église catholique, ils restent fiers de ce que la Chine a accompli. La position sociopolitique des catholiques « non-officiels » est donc beaucoup plus diverse et subtile qu’on ne le pense.

Une pastorale qui doit s’adapter à la nouvelle Chine

Par conséquent, Mgr Guo – un homme de paix et de dialogue – est à la tête d’un diocèse souterrain varié, dynamique et évoluant rapidement. Les trente prêtres « non-officiels » de ce diocèse souffrent d’un manque de formation théologique et pastorale, alors que les habitudes de vie changent à toute vitesse. En effet, le diocèse fait face au défi urgent de réformer la pastorale, initialement adaptée à un style de vie rural, mais qui n’existe tout simplement plus. Néanmoins, Mgr Guo a pu maintenir la communion dans le diocèse de Mindong, contrairement au diocèse voisin de Fuzhou, où les catholiques souterrains se sont divisés en deux communautés opposées.
La partie officielle du diocèse ne représente que 10% des catholiques de la région, mais n’est pas moins dynamique. Les catholiques officiels de la ville de Fu-an, dans la province de Fujian, se sont montrés, par exemple, dévoués et créatifs dans un projet de construction et de développement d’une maison de retraite. Le responsable du diocèse « officiel », Mgr Zhan, un homme toujours excommunié par le Saint-Siège, mais visité occasionnellement par des évêques étrangers, a réussi à négocier avec les autorités locales afin de construire une nouvelle cathédrale à Ningde, pour laquelle il a pu trouver un financement public.
Cette impressionnante cathédrale, qui fait face à la mer, ouvrira l’année prochaine. Certains pourraient dire que le gouvernement chinois « achète » les catholiques ; s’il en est ainsi, la position et la taille de la cathédrale montrent qu’il était prêt à payer cher pour cela.
Le sud du diocèse a vu également accroître la population protestante. Beaucoup de petites communautés protestantes, introduites par l’Église anglicane fin XIXe, prennent de l’ampleur. Par ailleurs, le réseau chrétien officiel est en train de construire une grande église financée par des dons privés. L’édifice a été conçu par un architecte allemand pour accueillir la classe moyenne aisée, venue s’installer dans les nouveaux quartiers de la ville.
Ce serait donc trop simpliste de décrire les catholiques de Mindong comme deux groupes figés et opposés, coincés dans une lutte de pouvoir entre le Saint-Siège et Beijing. La situation a toujours été beaucoup plus compliquée que cela, et la transformation rapide de la Chine les pousse à évoluer encore plus.
Les catholiques souterrains ne sont donc pas un groupe clanique agrégé comme un seul homme autour de leur évêque. Et les catholiques officiels ne se contentent pas de suivre la politique soi-disant uniforme du Parti communiste chinois. Pour tous, leur relation avec l’État n’est qu’un des nombreux défis auxquels ils doivent faire face, et beaucoup diraient que ce n’est pas forcément le plus grand.

(Ucanews)