Eglises d'Asie

Les miracles se multiplient dans le plus important sanctuaire bangladais

Publié le 16/02/2018




Les plans d’une nouvelle basilique commencent à voir le jour alors que les foulent continuent d’affluer chaque année au sanctuaire de Saint-Antoine de Padoue de Gazipur.

Jolekha Begum est enceinte de huit mois. Pourtant, cette institutrice d’une école primaire musulmane a parcouru plus de 150 kilomètres un matin d’hiver, fin janvier, pour venir prier au sanctuaire faiseur de miracles, aujourd’hui connu dans tout le Bangladesh. La jeune femme de 31 ans a roulé depuis le nord du district de Siranjganj jusqu’au sanctuaire de Saint-Antoine de Padoue, dans le village de Panjora, situé au centre du district de Gazipur. Elle voulait remercier le saint portugais pour une « grande grâce ».
« Je me suis mariée il y a sept ans mais je n’arrivais pas à tomber enceinte. Mes beaux-parents étaient frustrés et ont fini par me menacer verbalement et physiquement », confie Jolekha. « J’ai entendu parler du pouvoir miraculeux de saint Antoine, et je suis venue visiter le sanctuaire l’année dernière en demandant à tomber enceinte. Mes vœux ont été entendus. » Jolekha confie qu’elle a également prié pour un enfant en bonne santé : « Je continuerai de venir ici pour rendre grâce aussi longtemps que le pourrai. »
Rajesh Das, 38 ans et Sunita Debi, 25 ans, un couple hindou, sont aussi venus prier au sanctuaire. Le couple, qui vit dans le district de Munshiganj à environ 100 kilomètres, a visité le sanctuaire avec leur fils de dix ans. Ils ont amené avec eux, en guise de bénédiction, une paire de pigeons. « Il y a deux ans, notre fils est tombé malade et les médecins n’arrivaient pas à poser de diagnostic. Sa santé empirait », explique Sunita, mère au foyer. « Un chrétien m’avais parlé de saint Antoine, nous sommes donc venus ici pour le prier, pour que notre fils retrouve la santé. Aujourd’hui, il est complètement guéri. »
À Panjora, les histoires de miracles et de guérisons sont de plus en plus nombreuses. Des centaines de fidèles, toutes religions et ethnies confondues, s’y rendent toute l’année. Durant la fête annuelle, célébrée en février, le sanctuaire devient le plus grand rassemblement chrétien du Bangladesh, pays à majorité islamique.

50 000 fidèles

Cette année, près de 50 000 fidèles ont afflué pour participer à la fête du 2 février, qui était présidée par le cardinal Patrick D’Rozario. La fête est célébrée, traditionnellement, en amont du carême plutôt que le 13 juin, jour de la Saint-Antoine selon le calendrier liturgique. La plupart des fidèles catholiques viennent de l’archidiocèse de Dhaka, la capitale, l’un des principaux « bastions » catholiques du pays, couvrant sept paroisses.
Le village de Panjora fait partie de la paroisse de Nagari, Saint-Nicolas de Tolentino. Le jour de la fête, des milliers de fidèles font la queue et attendent des heures pour pouvoir toucher la statue du saint. Beaucoup de fidèles amènent un cadeau en remerciement pour une grâce reçue : bougies, ornements dorées, pigeons, biscuits… On trouve au Bangladesh une douzaine de sanctuaires, mais la dévotion fervente que l’on trouve à Saint-Antoine est sans comparaison. Durant les neuf premiers jours de février, environ cinq ou six mille personnes y ont participé à deux neuvaines.
Les non-chrétiens comme Jolekha et Sunita, qui ne croient pas en Jésus, considèrent saint Antoine comme un « demi-dieu ». Alexander Ascension, 74 ans, un catholique de Panjora, est lui aussi témoin des miracles du saint : « Saint Antoine aide à trouver les objets perdus. Un jour, mon bateau a été volé, mais j’ai pu le retrouver après avoir prié le saint. » Saint Antoine est aussi un symbole d’harmonie interreligieuse, pense Abdul Kadir Mian, musulman et prédicateur au conseil syndical de Nagari, un organisme gouvernemental local : « C’est un saint pour tous, nous sommes fiers et honorés de recevoir les gens venant de tout le pays. Cette fête est un bel exemple d’harmonie interreligieuse au Bangladesh. »
Les origines de cet afflux de pèlerins au sanctuaire sont incertaines, mais les locaux affirment que cette pratique dure depuis environ deux cent ans. Une légende raconte qu’une petite statue de saint Antoine est apparue et réapparue à sept reprises à l’emplacement du sanctuaire actuel, ce qui aurait conduit les gens à venir y prier.

Prince et prédicateur

Plus tard, une bangladaise catholique, Catherine Peries, donna le terrain et l’Église bâtit une petite chapelle. Dom Antonio da Rosario, prédicateur catholique bangladais au XVIIe siècle et fils d’un roi hindou, aurait également aidé à faire connaître le sanctuaire. Des pirates arakanais l’auraient enlevé alors qu’il était enfant pour le vendre à un missionnaire catholique portugais. Le garçon fut baptisé plus tard et on le nomma Dom Antonio, « Dom » désignant en portugais son titre de prince. Antonio étudia le catéchisme, les langues, la musique et la danse. Il devint un enseignant accompli. Sa prédication éloquente, souvent accompagnée de ses chants ou de ses danses, amena des milliers d’hindous de Bkawal et d’ailleurs, de castes inférieures, à se convertir. Cette région est devenue l’archidiocèse de Dhaka.
Antonio aurait aussi composé la chanson « Thakurer Geet », un air populaire évoquant la vie de saint Antoine, toujours très célèbre dans la région. « Dom Antonio n’a pas fait que prêcher et convertir les gens. Il a aussi fait connaître saint Antoine. Mais peu de gens le connaissent » raconte le père Proshanto T. Rebeiro, professeur de droit canon au grand séminaire du Saint-Esprit de Dhaka. L’année dernière, en reconnaissance pour cette dévotion populaire inébranlable, deux frères franciscains de la basilique Saint-Antoine de Padoue en Italie, ont fait une tournée du Bangladesh avec une relique du saint, vieille de 800 ans.
Le père Rebeiro pense qu’il est temps de reconnaître à quel point sont révérés le saint et le sanctuaire : « Saint-Antoine de Padoue de Panjora a besoin de s’étendre, une nouvelle basilique doit être construite. Nous avons besoin de soutiens nationaux et internationaux. J’ai été à Padoue, et je peux dire que Saint-Antoine de Panjora surpasse Saint-Antoine de Padoue ! » Le père Joyanto S. Gomes, curé de la paroisse Saint-Nicolas de Tolentino, assure que l’archidiocèse va développer le sanctuaire : « Il y a déjà des projets d’extension, prévoyant de faire construire une basilique. Nous voulons qu’un prêtre puisse y être assigné pour veiller sur le sanctuaire. Il faut aussi un lieu permanent pour loger les pèlerins. » Saint Antoine est né à Lisbonne, au Portugal, le 15 août 1195. Il fut ordonné prêtre et rejoignit, plus tard, l’ordre franciscain. Il été célébré pour son amour inlassable pour les pauvres et les malades, ainsi que pour sa connaissance des Écritures. Il est mort en 1231, à l’âge de 35 ans à Padoue, en Italie. Le saint a été déclaré docteur de l’Église en 1946.

(Ucanews)