Eglises d'Asie

Les universités hongkongaises répriment la liberté d’expression

Publié le 22/02/2018




Les militants pour les droits des citoyens rapportent qu’une autocensure injustifiée empêche les universitaires et les étudiants hongkongais d’évoquer l’indépendance de la région semi-autonome. Les universités dissuadent les critiques envers la Chine continentale.

Les administrations des universités hongkongaises continuent de réprimer la liberté d’expression, de peur de briser des tabous politiques, sans aucun fondement légal, selon un rapport récent de l’observatoire des droits Hong Kong Watch.
Le rapport, intitulé « Liberté académique à Hong Kong » (« Academic freedom in Hong Kong »), souligne que les universités de la région semi-autonome s’efforcent de réprimer ou licencier les universitaires polémiques, tout en dissuadant les étudiants de toute sortie controversée, en particulier les critiques envers la Chine. « Il est clair que les universités se sentent obligées de faire pression sur les gens défendant l’indépendance, prétendant que la liberté d’expression et les recherches ont leur limites », déplore Kevin Carrico, auteur du rapport et expert sur la Chine et Hong-kong à l’université Macquarie de Sydney, en Australie.

Contre les discours pro-indépendance

Cette répression de la liberté de parole sur les campus a commencé en 2015 et a continué de croître depuis. Une tendance qui se veut une réponse à la campagne de désobéissance civile « Occupy Central », dont les manifestants demandaient, en 2014, le suffrage universel. Une tentative soldée par un échec. Depuis, les administrations académiques réagissent de façon particulièrement sévère face à tout discours pouvant être interprété comme soutenant l’indépendance de Hong Kong.
Les directeurs de dix universités ont publié une publication collective en septembre 2017, condamnant cette répression de la liberté d’expression, jugée anticonstitutionnelle. Leur communiqué évoquait par exemple la façon dont des universités ont retiré des bannières pro-indépendance, installées par des étudiants. « C’est très inquiétant de constater que les directions des universités ne respectent leur rôle en allant jusqu’à l’autocensure. Elles devraient au contraire promouvoir la liberté d’expression », s’alarme William Nee, un chercheur d’Amnesty International spécialisé sur la Chine.

Liberté de parole encadrée

À Hong-Kong, la liberté d’expression est entérinée par la loi fondamentale (Basic Law), la constitution du territoire hongkongais. Les politiciens pro-Pékin, comme la chef de l’exécutif hongkongaise Carrie Lam, affirment que puisque l’article 1 de la constitution déclare que Hong-Kong fait partie de la Chine, ces discours doivent être découragés. Des cadres supérieurs d’universités soutiennent, de leur côté, le rapport de Kevin Carrico, en faisant remarquer que cette façon de penser comporte quelques lacunes. Selon lui, la liberté d’expression doit donner pleinement le droit à tout individu de tenir une conversation dépassant le cadre légal actuel.
Rien, dans la constitution, n’interdit la liberté d’expression. Même si l’article 23 est une loi de sécurité nationale limitant l’indiscipline, celle-ci n’a pas été légiférée. En 2015, l’indépendance académique de la prestigieuse University of Hong Kong (HKU) a été particulièrement secouée quand la direction a empêché la nomination de Johannes Chan, un célèbre militant pour la démocratie, comme vice-chancelier adjoint. Le vice-chancelier Peter Mathieson a démissionné l’année dernière de façon inattendue, évoquant des raisons personnelles. Mais des rumeurs affirmaient qu’il avait plutôt été écarté pour des raisons politiques.
Peter Mathieson a signé un communiqué, en septembre 2017, condamnant ce qu’il appelait des « abus » de la liberté de parole sur le campus. Zhang Xiang, le nouveau vice-chancelier de l’université, a émit récemment des propos controversés en affirmant que « tout doit peut être dit, à condition de respecter un certain cadre ». Zhang, un scientifique renommé né à Nanjing, dans l’est de la Chine, a confié aux journalistes qu’il ne s’est rendu dans l’université de Hong-Kong qu’à deux reprises et qu’il ne connaissait pas bien sa situation politique.

Une mauvaise pente

William Nee, d’Amnesty International, reprend : « Le problème majeur, c’est qu’en Chine continentale, le nombre de sujets sensibles est sans limite. Alors si les universités renoncent à défendre la liberté d’expression sur des sujets certes particulièrement polémiques comme l’indépendance de Hong-Kong, on est en droit de se demander quels seront les prochains sujets censurés. » En Chine, les universités sont soumises à la censure du Parti Communiste qui ne tolère aucune critique du régime, ni aucune recherche pouvant troubler « l’harmonie du pays ».
Zhang confie vouloir instaurer un laboratoire national dirigé par l’université hongkongaise, qu’il appelle le « Greater Bay Area National Labotory ». Un projet qui associerait la prestigieuse University of Hong Kong aux meilleures universités chinoises. La « Greater Bay Area » étant un projet économique à long terme liant Hong-Kong aux principales villes de la province de Guangdong, dans le sud-est de la Chine, dont les villes de Guangdong, Shenzhen et Zhuhai. Une zone se voulant capable de concurrencer la Silicon Valley ou la baie de New-York.
Ce nouveau pont, qui doit relier prochainement Hong-Kong, Zhuhai et Macau (l’autre Région chinoise semi-autonome) fait partie des nombreux projets destinés à intégrer Hong-Kong dans le sud-est chinois. Kevin Carrico, de Hong Kong Watch, craint que cela fasse perdre à Hong-Kong sa position stratégique, permettant les recherches sans craintes de censure ou de représailles de la part du gouvernement chinois. « Aujourd’hui, c’est l’indépendance, demain ce sera l’autodétermination… En suivant cette logique, les tabous vont continuer à se multiplier », alerte l’expert. « Donnez à ce régime un doigt, il vous prendra un bras. »

(Ucanews)