Eglises d'Asie – Bangladesh
Les intellectuels en colère après l’attaque d’un universitaire
Publié le 07/03/2018
Universitaire et écrivain éminent au Bangladesh, Muhammad Zafar Iqbal a été poignardé, le 3 mars à Sylhet, par un étudiant, provoquant la colère des intellectuels qui subissent, depuis quelques années, une vague de violences dans le pays. Muhammad Zafar Iqbal, 65 ans, est membre du département génie informatique de la Shahjalal University of Science and Technology (SUST) de Sylhet, dans le nord-est. Iqbal, par ailleurs docteur en physique et enseignant, a été attaqué sur le campus lors d’une remise de prix.
Blessé à la tête et aux mains, il a été secouru et transporté vers la capitale. Iqbal est également écrivain pour enfants reconnu et l’un des pionniers de la science-fiction bangladaise… Il est sur la liste noire des militants depuis des années. L’auteur de l’attaque, Foyzur Rahman, 25 ans, étudiant de l’université de Sylhet, est détenu par la police. Ses parents ont également subi un interrogatoire. Selon la police, l’étudiant a admis avoir attaqué Iqbal à cause de son athéisme, le considérant donc comme un « ennemi de l’islam ».
Les forces antiterroristes affirment que l’attaque ressemble à celles déjà perpétrées contre des blogueurs, écrivains et universitaires par des militants du groupe Ansar-al-Islam, affilié à al-Qaida. « En analysant la nature de cette attaque, et en se basant sur notre expérience, nous pouvons conclure qu’elle pourrait être liée à Ansar-al-Islam » a déclaré un officier de la branche antiterrorisme de la police de Dhaka, cité par le Daily Star le 5 mars. L’officier a ajouté que l’arme saisie par la police sur le campus était un couteau d’attaque : « Des armes similaires ont déjà été retrouvées dans le passé dans le repère du groupe Ansar-al-Islam. »
Montée du radicalisme depuis 2013
Le premier ministre Sheikh Hasina a déclaré que le gouvernement allait agir pour que le responsable soit poursuivi en justice, et pour assurer une meilleure sécurité pour des intellectuels comme le Dr Iqbal. L’évêque de Sylhet, Mgr Bejoy Nicephorus D’Cruze (O.M.I.), a affirmé que l’attaque montrait bien que l’islamisme existait encore au Bangladesh : « Les législateurs prétendent avoir résolu le problème. La police est active quand une attaque a lieu, puis se rendort jusqu’à l’attaque suivante. La police doit admettre son échec dans cette affaire. Elle n’a pas réussi à protéger le Dr Iqbal et doit prendre des mesures concrètes pour que cela ne se reproduise pas. »
L’attaque a provoqué une manifestation de rue à Dakha, ainsi que la colère des médias et une violente réaction dans les médias sociaux. Le 4 mars, des centaines d’intellectuels en colère se sont rassemblés dans la capitale pour appeler le gouvernement à lutter plus efficacement contre le radicalisme et assurer la protection des intellectuels. « L’attaque contre le Dr Zafar Iqbal vise directement les libres penseurs au Bangladesh. Nous sommes heureux d’apprendre que notre ami a survécu, mais nous insistons pour que le gouvernement fasse vraiment la lumière sur cette attaque et sur son auteur » a demandé Abdullah Aby Sayeed, universitaire et écrivain reconnu, qui prenait part à la manifestation. « Ces terroristes ont des soutiens au gouvernement et ailleurs ; ceux-ci doivent être identifiés et jugés. »
Sultana Kamal, avocate à la cour suprême, a confié sa consternation et sa colère : « Le Dr Iqbal est quelqu’un d’honnête et de charmant. Il ne s’est jamais attaqué à personne. Il a toujours défendu les sciences, l’harmonie communautaire et la libre-pensée. Cette attaque vise non seulement la libre-pensée, mais aussi les principes humanistes de la nation, sur lesquels nous nous sommes reposés pour obtenir l’indépendance contre le Pakistan, en 1971. » Le Bangladesh, longtemps connu pour son harmonie interreligieuse, doit faire face, depuis quelques années, à une montée du radicalisme. Des militants islamistes ont tué environ 25 Bangladais depuis 2013, dont des blogueurs, des écrivains, des éditeurs, des universitaires et des étrangers des membres de minorités religieuses.
(Ucanews / Stephan Uttom et Rock Ronald Rozario, Dhaka)