Eglises d'Asie

Appels au calme en temps de crise

Publié le 09/03/2018




Militants et associations appellent le gouvernement sri-lankais à agir d’urgence contre les auteurs des violences religieuses. Des tensions entre bouddhistes et musulmans abîment depuis fin février la paix d’après guerre-civile, déjà fragile, en particulier dans la région de Kandy dans le centre du pays.

Militants et associations ont pressé le gouvernement sri-lankais d’agir fermement afin de contrer ceux qui répandent les messages de haine ethnique, raciale ou religieuse. Le 6 mars, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence pour dix jours, suite aux violences religieuses de Kandy, dans le centre du pays. Un couvre-feu a été imposé par la police, dans le district administratif de Kandy, jusqu’à nouvel ordre. Beaucoup de commerces musulmans, de boutiques et de maisons ont été brûlés en quelques jours. Des centaines de militaires et de policiers ont été déployés à Kandy, à 160 kilomètres de la capitale, Colombo. D’autres violences similaires, visant également la communauté musulmane, ont éclaté dans l’est du Sri Lanka la semaine dernière.
Cader Mohamed Nijam, membre d’un comité local du gouvernement à Kandy, est témoin de l’intervention des militaires et de la police dans la région. « Dans les quartiers de Akurana et d’Ambathanna, les Cingalais s’en sont pris aux jeunes musulmans », explique-t-il. « Malgré le couvre-feu, le 6 mars, dans le quartier de Manikhinna, une boutique et une mosquée ont été attaquées. À l’heure actuelle, dix mosquées, vingt-cinq maisons et cinquante boutiques ont été attaquées dans le seul district de Kandy » raconte Nijam.
« Avec le couvre-feu, les gens ne peuvent plus sortir pour leurs activités quotidiennes ou pour leurs achats. Beaucoup de victimes se retrouvent sans nourriture » ajoute-t-il. « La communauté musulmane est vraiment en danger, et on peut craindre que cela se répande dans les autres régions musulmanes du pays. Une mosquée et un commerce musulmans ont été attaqués à Ampara, selon une rumeur entendue la semaine dernière. »

« Ils vivent tous dans la peur »

Inoma Karunatilake, du forum Rule of Law de Kandy, assure que la situation s’envenime également à Digana, teldeniya, Abathenna, katugastota et Aladeniya : « Une foule s’en est prise à mon village le 5 mars, mais ils ont été poursuivis. Il n’y a plus d’accès à internet dans la région. » Inoma ajoute que des villageois ont rapporté des coups de feu dans la nuit du 6 mars, après qu’un hangar appartenant à un musulman ait été brûlé à Alawathugoda, durant le couvre-feu… « Ils vivent tous dans la peur – sans parler des enfants. Comment pourront-ils se relever de ce traumatisme ? » se demande Inoma. « Les musulmans ont vécu pacifiquement à Kandy avec les ethnies cingalaises et tamoules durant très longtemps, sans aucune discrimination. Ce sont des nouveaux venus qui ont troublé la paix. »
Inoma pense que le gouvernement doit renforcer la loi avec fermeté, sans accorder aucune faveur. Elle voudrait que les Sri-Lankais retiennent des leçons de leur histoire, et comprendre que toutes les ethnies devraient combattre l’extrémisme. Bodu Bala Sena, une organisation bouddhiste cingalaise nationaliste de Colombo, a tenu une conférence de presse le 6 mars niant les accusations rapportées contre eux. Le secrétaire général de l’organisation, Galagodaatte Gnanasara Terra, s’est dit profondément bouleversé, tout en condamnant les violences de Kandy.

Montée des tensions

L’alliance nationale chrétienne évangélique (NCEASL – National Christian Evangelical Alliance) a publié un communiqué regrettant la montée de ces tensions alors que le pays se remet à peine de la guerre civile (1 983 – 2 009), qui a provoqué de lourdes pertes et destructions. L’alliance a souligné l’importance de faire respecter l’état de droit et a appelé les différentes communautés à éviter d’agir en justiciers : « Nous faisons appel aux efforts de toutes les communautés pour favoriser la paix, le pluralisme et faire respecter la justice. » Le NCEASL a également pressé le gouvernement de promouvoir la paix entre les ethnies et les groupes religieux, en appliquant une « tolérance zéro » envers les discours de haine et les violences religieuses.
Le Centre de politiques alternatives (CPA – Centre for police alternatives) sri-lankais reproche de son côté l’inaction ou les tentatives trop tièdes qui, en ces temps difficiles, détruisent la confiance, entraînent la peur et les tensions communautaires, nourrissent la haine et la violence, et soutiennent une culture d’impunité. « Les évènements de ces dernières semaines, provoqués par des individus appelant à la haine raciale et religieuse, ne doivent pas être pris à la légère. Nous devons agir immédiatement pour contrer ces comportements. Ils manipulent la peur des gens pour la canaliser contre les autres ethnies et communautés religieuses. »
Le CPA a déclaré que le président et le premier ministre sri-lankais devaient reprendre la main fermement et sans équivoque, faire respecter l’ordre et protéger la paix fragile de cette période d’après guerre. L’ambassade américaine a par ailleurs demandé au gouvernement d’intervenir d’urgence contre les auteurs des violences sectaires ; de mieux protéger les minorités religieuses et leurs lieux de culte, pour que le pays puisse sortir de l’état d’urgence rapidement ; et enfin, d’assurer la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous.

(Avec Ucanews, Kandy et Colombo)