Eglises d'Asie

Les journalistes hongkongais pour une liberté de la presse sans compromis

Publié le 14/03/2018




Les journalistes hongkongais affirment que la situation de la situation de la liberté de la presse se fragilise dans la région administrative spéciale de Hong-Kong. Sous la présidence de Xi Jingping, les médias semblent pratiquer davantage l’autocensure. Une évolution inquiétante qu’ils dénoncent.

Le 5 février 2018, Hong-Kong a été nommée, pour la 24e année consécutive, l’économie la plus libérale au monde. Mais en termes de libertés, cela ne semble pas inclure celle de la presse. Des journalistes et groupes de médias hongkongais dénoncent en effet la censure qui semble prendre racine peu à peu sous l’influence du Pékin. Un rapport récent d’Amnesty International sur les droits de l’homme à Hong-Kong avertit que la liberté de la presse se fragilise, tandis que les journalistes craignent de plus en plus les représailles du gouvernement chinois.
« L’autocensure par les principaux médias hongkongais a été très courante l’année dernière » assure Patrick Poon Kar-wai, un chercheur d’Amnesty International. « Quand leurs reportages ne sont pas pro Pékin, ils servent les intérêts chinois. Par exemple, quand le South China Morning Post (SCMP) a évoqué les relations entre la Chine et le Vatican, les journalistes se sont montrés ouvertement pro Pékin » explique-t-il. Pour Patrick, la situation suit une « tendance inquiétante ». L’analyste craint qu’elle ne continue d’empirer puisque Pékin, en s’immisçant de plus en plus dans les affaires hongkongaises, perturbe le système médiatique local.
« Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant de voir les journalistes se montrer particulièrement prudents sur les sujets politiques », remarque-t-il. Daisy Li Yuet-Wah, rédactrice en chef de CitizenNews, un portail d’actualités en ligne populaire à Hong-Kong, ajoute que l’autocensure se développe. « L’autocensure existait dans les médias hongkongais dans les années 80 et 90, mais les patrons de médias à l’époque ne s’en vantaient pas, parce qu’ils savaient que ce n’était pas une bonne chose » se souvient Daisy. « Aujourd’hui, ils considèrent que cela va de soi, ils l’ont assimilée ; cela devient naturel. Ceux qui refusent l’autocensure sont dénoncés comme étant des agitateurs antipatriotiques. »
Daisy affirme que cette évolution est devenue évidente dans toutes les formes de médias. « Ceux qui investissent dans les médias hongkongais ont besoin de conserver de bonnes relations avec ceux qui sont au pouvoir, ou ils risquent de tout perdre », poursuit Daisy. « Ceux qui dirigent les rédactions sont bien au courant de ce que les investisseurs veulent. Donc bien sûr, ils obéissent. Même les journalistes qui refusent l’autocensure savent quels sujets sont sensibles et ce qu’ils doivent éviter. » Pour elle, cela représente une menace à « nos valeurs fondamentales ».

La Loi fondamentale fragilisée

Selon la Loi fondamentale (Basic law) hongkongaise, un document constitutionnel adopté en avril 1990 sept ans avant la rétrocession à la Chine, la liberté de la presse était garantie. Mais les protections accordées par la Loi fondamentale se fragilisent, remarque Daisy. Cela a été démontré le 27 décembre 2017, suite à une décision du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire de Chine. Par ce vote du parlement chinois, une partie du terminal ferroviaire hongkongais de West-Kowloon, en construction sur la future ligne express devant relier Hong-Kong et Canton (Guangzhou), est en effet tombée sous contrôle chinois.
La Loi fondamentale hongkongaise stipule que les lois chinoises ne doivent pas être imposées à Hong-Kong. Mais les législateurs chinois ont tendance à interpréter cela librement, à leur avantage, selon Daisy. « Cela ne présage rien de bon », regrette la journaliste primée, qui ajoute que la façon dont le gouvernement communique peut également être un moyen de contrôler la presse. « Avant, quand survenait une décision politique majeure ou une crise, le gouvernement organisait une conférence de presse, au cours de laquelle les représentants du gouvernement répondaient aux questions des journalistes, jusqu’à ce que toutes les questions soient abordées », explique Daisy. « Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Prenez par exemple le cas de la secrétaire pour la justice Teresa Cheng. Quand elle a été accusée de chantiers illégaux chez elle, elle n’a jamais organisé de conférence de presse pour répondre à ces accusations. L’attitude du gouvernement envers la presse est très claire. »

Réputation compromise

Durant les premiers jours de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, en 1997, le gouvernement se préoccupait de la façon dont cette politique de « un pays, deux systèmes » était perçue à l’étranger, assure Shirley Yam de l’association des journalistes hongkongais (Hong Kong Journalists association). Il évitait donc trop d’ingérence dans les affaires hongkongaises. « Toutefois, en particulier sous la présidence de Xi Jingping, la Chine a affermi sa position et cherche à tout contrôler », reprend Shirley. Pour elle, l’acquisition récente du quotidien anglophone South China Morning Post par le groupe chinois Alibaba est un signe des temps, vu les liens étroits du groupe avec le gouvernement chinois.
Avant, de telles transactions étaient interdites pour les investisseurs de Chine continentale. Le PDG du groupe, Jack Ma, et les cadres dirigeants d’Alibaba ont célébré l’affaire comme une transaction destinée à contrôler les « trop nombreuses » nouvelles négatives sur la Chine. Des sources du SCMP rapportent que les journalistes qui y travaillent font désormais particulièrment attention à ce qu’ils peuvent dire ou non. « Si l’on considère les acquisitions de médias hongkongais par des investisseurs, et qu’on regarde les rapports annuels des groupes médiatiques, on peut pourtant voir que leurs bénéfices ont tendance à se réduire » analyse Shirley. « On est donc en droit de se demander : du point de vue d’un investisseur, qu’a-t-il à gagner en achetant ces médias ? Quel est le véritable objectif ? »

(Avec Ucanews, Hong Kong)