Eglises d'Asie

Les catholiques tamouls revendiquent leur identité

Publié le 24/04/2018




Afin d’aider les catholiques tamouls vivant en Birmanie à préserver et défendre leur identité, des religieuses enseignent la langue tamoule aux jeunes de la communauté lors de programmes de soutien scolaire durant l’été. Une façon, pour l’archidiocèse de Rangoun, de soutenir la culture et les traditions tamoules. Les catholiques tamouls sont environ 50 000 en Birmanie, et la communauté tamoule représente 2 % de la population.

Par une belle journée de fin février (au début de l’été birman), une vingtaine d’enfants, âgés de 8 à 13 ans, sont assis à l’ombre sur des chaises en plastiques, penchés sur leurs ardoises dans la cour de l’église Saint-Michel-Archange de Dalla. Depuis Rangoun, la plus grande ville du pays, il faut environ dix minutes en ferry pour traverser le fleuve et rejoindre la paroisse de Dalla, de l’autre côté. Quelques enfants écrivent et d’autres récitent leur leçon. Ils sont là pour apprendre le tamoul, une langue originaire du sud de l’Inde. Deux religieuses les accompagnent du lundi au vendredi durant un mois, pendant leurs vacances scolaires estivales. Sœur Victoria, une religieuse tamoule de la congrégation des Sœurs Servites de Marie, confie que cette formation à la langue tamoule a commencé il y a cinq ans.
Leur but est de promouvoir la culture et la tradition tamoules, pour permettre aux nouvelles générations de parler, lire et écrire dans la langue de leur communauté. Les Tamouls vivent en effet dans la région depuis l’époque du Raj britannique ou empire britannique des Indes (1858-1947). L’ethnie est originaire de sud de l’État indien de Tamil Nadhu, dont la capitale est Chennai. Ils sont aussi originaires du Sri Lanka, où ils ont subi quinze années de guerre acharnée contre le gouvernement sri-lankais, dominé par l’ethnie cingalaise.
Même si la plupart des Tamouls sont hindous, la communauté compte une importante minorité de chrétiens, dont beaucoup de catholiques, ainsi que des bouddhistes et des jaïns. « Les anglais ont amené beaucoup d’ouvriers en Birmanie quand ils sont venus au milieu du XIXe siècle pour annexer la région comme une partie des Indes britanniques », explique le curé de la paroisse, le père Alewander Kyaw Win, un prêtre tamoul né en Birmanie. Dans ce quartier principalement birman, la plupart des Tamouls parlent le birman à la maison et ont adopté des noms birmans. Le prêtre remarque qu’environ trois cents catholiques tamouls vivent à Dalla et dans les villages voisins, aux côtés d’autres communautés catholiques des ethnies Chin et Karen. Les Tamouls qui sont venus en Birmanie pendant la période coloniale britannique étaient déjà catholiques, ayant été évangélisés par les missionnaires en Inde.

50 000 catholiques tamouls birmans

Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun, a encouragé cette préservation des langues, cultures et traditions ethniques. Des programmes de langue, destinés aux ethnies karen et tamoule, ont donc été lancés dans les paroisses de l’archidiocèse. « La plupart des enfants ne parlent pas tamoul, même si leurs parents peuvent le parler et le lire. Nous nous adressons donc aux nouvelles générations pour leur permettre de parler la langue, et aussi de prier et de célébrer la messe en tamoul », soutient sœur Victoria. Regina Mary Khin Khin Win, une collégienne de 12 ans, apprend le tamoul avec passion depuis déjà cinq ans. « C’est très important pour nous de connaître la langue tamoule et de préserver notre identité », explique-t-elle. Elle a grandi dans une famille catholique tamoule et a quatre frères et sœurs. Son père travaille dans des boutiques de noix de bétel et sa mère est femme au foyer.
Dominic Thant Zin, 11 ans, est lui originaire de Pyapon, soixante-dix kilomètres plus loin. Durant la saison estivale, il rend visite à sa grand-mère qui habite à Dalla. Il s’est donc joint aux autres élèves pour apprendre le tamoul. « Pour moi, ce n’est pas une langue difficile à apprendre », assure-t-il. Le père Joseph Maung Win, curé de la paroisse de Saint-Jean à Rangoun, explique que certains Tamouls se sont convertis au catholicisme, mais que la plupart de ces familles sont catholiques depuis trois ou quatre générations. La majorité des catholiques tamouls vivent dans l’archidiocèse de Rangoun, dans les villes de Rangoun, Dalla, Kyaiklat, Kyauktan et Thonegwa. Le prêtre raconte que beaucoup de Tamouls des régions rurales sont venus habiter à Rangoun dans les années 1980 afin de chercher du travail. Selon lui, l’archidiocèse compte entre dix et quinze mille Tamouls catholiques ainsi que 29 prêtres tamouls.
Kyaw Myint, un homme d’affaire catholique de Rangoun d’origine tamoule, estime qu’une grande partie des Tamouls étaient pauvres alors qu’ils travaillaient à la ferme, mais que beaucoup d’entre eux commencent à se lancer dans les affaires à Rangoun. « Nous pouvons participer au développement de l’Église ainsi qu’au développement social et culturel de la communauté tamoule, avec l’aide des dons de certains hommes d’affaire catholiques tamouls », explique Kyaw Myint, qui dirige une usine de construction et des étangs de pêche. Un comité de développement social gère la clinique Tamil Karuna (dépendant de Caritas) à Rangoun, qui s’occupe des personnes dans le besoin. Les hommes d’affaire tamouls fournissent également une aide financière aux veuves. La communauté tamoule représente environ 2 % de la population birmane. Les catholiques tamouls sont au moins 50 000 en Birmanie. Beaucoup d’entre eux ont été obligés de fuir la dictature militaire, suite au coup d’état du général Ne Win en 1962.

(Avec Ucanews, Rangoun)