Eglises d'Asie

Les Malaisiens face à des choix déterminants pour leur avenir

Publié le 05/05/2018




Il y a cinq ans, la coalition de droite malaisienne Barisan National remportait les dernières élections nationales et le Premier ministre Najib Razak obtenait un deuxième mandat. Aujourd’hui, alors qu’approchent les élections nationales du 9 mai, celui-ci fait face, entre autres, à l’opposition du Parti islamique pan-malaisien. Après cinq ans de corruption et d’islamisation accélérée, la situation politique malaisienne reste incertaine. Mgr Leow, archevêque de Kuala Lumpur, s’est adressé aux fidèles le 24 avril afin de les inviter à voter en conscience et selon la Doctrine sociale de l’Église.

Il y a cinq ans, lors des dernières élections nationales malaisiennes, les électeurs étaient très partagés. Ils étaient presque aussi nombreux à vouloir voter pour ou contre le maintien au pouvoir de la coalition politique de droite, Barisan National, qui tenait les rênes du pays depuis longtemps. En face, le Parti islamique pan-malaisien (PAS) formait l’opposition et cherchait à faire basculer les élections grâce au vote populaire. Mais la donne a basculé grâce aux électeurs de Sarawak et de Sabah, les États les plus christianisés du pays. L’actuel Premier ministre par intérim, Najib Razak (Barisan National), avait obtenu une seconde chance. Les Malaisiens attendaient le changement.
Durant cinq ans, les politiques discriminatoires contre les minorités se sont multipliées, la fraude et la corruption ont entâché l’économie du pays, les islamistes ont pris des forces et les non musulmans sont toujours aux marges de la société malaisienne. Quand la Constitution a été adoptée dans la péninsule malaise en 1957, l’islam a été décrété religion de la Fédération, mais les non-Malais ont obtenu le droit de suivre la religion de leur choix. Ces dernières années, l’islam est devenu de plus en plus conservateur. Les athées et les homosexuels sont devenus hors-la-loi. En janvier, une décision de justice a réaffirmé l’interdiction de la conversion des musulmans malaisiens sans l’accord des autorités islamiques. Cette décision donne poids à ceux qui pensent que pour des raisons politiques, Najib et l’UMNO (l’Organisation nationale unifiée malaise, parti membre de la coalition Barisan National) veulent éviter toute ingérence dans l’influence islamiste sur la politique publique.

60 % de musulmans malais

Alors qu’approchent les élections nationales du 9 mai, Najib, qui se retrouve empêtré dans les scandales de corruption et les accusations d’autoritarisme, se bat à nouveau pour sa carrière politique et pour le maintien de sa coalition. Cette fois-ci, il fait face au Parti islamique pan-malaisien, qui cherche à alimenter le profil islamique de l’UMNO et de la coalition. Depuis cinq ans, les discours à teneur raciale ou religieuse, et défendant la domination musulmane dans la nation multiculturelle, s’imposent de plus en plus dans les médias malaisiens. Sur les 32 millions de citoyens malaisiens, environ 60 % d’entre eux sont musulmans, pour la plupart originaires de l’ethnie malaise. Les autres – y compris ceux qui sont d’origine chinoise, indienne ou d’autres groupes autochtones – sont bouddhistes, chrétiens, hindous ou non religieux. Un demi-siècle s’est écoulé depuis que la Malaisie a pris son indépendance face aux Anglais en 1957, et le pays demeure une démocratie fragile. Les accusations intercommunautaires, soutenues par les politiques xénophobes, sont courantes et semblent avoir empiré.
Les électeurs peuvent constater que la démocratie fonctionne mal dans le pays. Le principe même de démocratie – supposant que tous les citoyens puissent travailler ensemble pour maintenir un système politique dont les règles sont approuvées par le plus grand nombre – a été négligé. À la place, les conflits internes continuent d’être attisés au détriment de la paix sociale. L’hebdomadaire britannique The Economist a dénoncé la manipulation des élections malaisiennes, estimant qu’elles tiennent presque de l’imposture. Il est certain, en tout cas, que les élections générales du 9 mai pourraient être les élections les plus biaisées auxquelles les électeurs malaisiens ont jamais assisté. Des candidats de l’opposition se sont retrouvés déboutés, la police a empêché un candidat de déposer sa candidature et le principal représentant de l’opposition, l’ancien Premier ministre Mahathir Mohamad (92 ans), affirme qu’on a essayé de l’empêcher de déposer la sienne.

Garantir la dignité de tous

Pour le meilleur ou pour le pire, les responsables religieux ont souvent beaucoup d’influence sur les élections. La Conférence épiscopale de Malaisie, de Singapour et de Brunei a demandé aux fidèles d’exercer leur droit de vote la semaine prochaine. Mgr Julian Leow Beng Kim, archevêque de Kuala Lumpur, a soutenu que les catholiques doivent voter selon leur conscience, en se basant sur la Doctrine sociale de l’Église. « Le principe premier et le plus important de la Doctrine sociale de l’Église est de garantir la dignité de toute personne humaine et le droit fondamental de chacun à la vie. Beaucoup de non catholiques pensent, eux aussi, qu’une société travaillant pour le bien commun doit protéger ses membres les plus faibles », a déclaré l’archevêque dans une lettre pastorale, le 24 avril.
« Les élections prochaines nous donnent, une nouvelle fois, l’opportunité de participer à la démocratie et d’exercer notre droit de vote en choisissant nos dirigeants. En gardiens responsables, nous ne pouvons tolérer l’indifférence ou la lassitude alors que nous cherchons la bonne gouvernance de notre pays. Chaque vote aide à montrer la direction à suivre pour notre pays et pour notre société, pour les cinq prochaines années. Il est donc pertinent de demander l’aide et l’inspiration de Dieu dans nos décisions, pour que notre pays puisse s’épanouir et continuer de se développer. » L’archevêque a demandé aux électeurs de choisir des dirigeants non corrompus qui peuvent assurer le bien-être de tous les Malaisiens.
« Nous devons choisir des dirigeants qui prennent vraiment soin des gens, qui défendent la justice et l’égalité, qui luttent pour leurs principes avec intégrité, qui travaillent pour le bien commun des citoyens et qui aspirent à la construction d’une nation solidaire, harmonieuse et prospère », a soutenu Mgr Leow. « Il en va de notre responsabilité de participer au processus électoral en donnant notre voix. » L’archevêque a également demandé aux électeurs catholiques de contribuer à assurer des élections justes et libres, en se portant volontaires auprès des bureaux de vote ou en aidant au transport des électeurs. Mgr Leow leur a également demandé de prier pour que tous les candidats acceptent les résultats des élections. Il est notoire que les Malaisiens, en particulier dans les deux États de Bornéo, ont montré dans le passé leur tolérance raciale et religieuse et leur capacité de résistance. Raison de plus pour que le 9 mai, ils défendent ces valeurs en se battant pour ce qu’ils veulent que leur pays devienne.

(Avec Ucanews, Kuala Lumpur)