L’archevêque de Karachi, Mgr Joseph Coutts, ne sera pas créé cardinal avant un mois, le 29 juin avec treize autres nouveaux cardinaux, mais beaucoup de Pakistanais sont déjà convaincus de tout ce qu’il pourra accomplir. Dans une récente interview, Mgr Coutts soutenait avec ferveur la paix interconfessionnelle – sa devise épiscopale est « harmonie ». L’annonce d’un nouveau cardinal pour la république islamique, après la mort du cardinal Joseph Cordeiro, archevêque de Karachi, en 1994, domine les médias sociaux et la vie de l’Église locale depuis le 20 mai. La télévision catholique pakistanaise, gérée par l’archidiocèse de Lahore, a même diffusé un documentaire sur l’archevêque pour revenir sur son parcours. Le 21 mai, les Oblats missionnaires de Marie Immaculée de Lahore, qui s’étaient rassemblés pour célébrer la fête de leur fondateur, saint Eugène de Mazenod, en ont profité pour honorer l’archevêque en jouant pour lui l’une de ses œuvres favorites, qui célèbre l’unité tellement chère à l’évêque.
« Enfin, nous sommes reconnus à plus grande échelle », se réjouit le père Cecil Paul, professeur au séminaire de Karachi. « Maintenant, nous pourrons être représentés directement au Vatican, tout comme nos voisins indiens qui ont quatre cardinaux. » Le père Paul espère que le nouveau cardinal pourra développer des relations diplomatiques avec d’autres représentants internationaux, ainsi qu’avec des dirigeants politiques et militaires du Pakistan. « Une communication efficace entre l’Église et l’État peut jouer un rôle favorable pour les chrétiens qui sont souvent pris pour cible à cause de leur foi », ajoute le prêtre. « Malheureusement, les témoignages de notre persécution sont souvent ignorés par les médias, que ce soit sur le papier ou en ligne. » Depuis que le gouvernement a adopté les lois sur le blasphème, dans les années 1980, près de deux millions et demi de chrétiens pakistanais ont subi la discrimination et la violence des groupes islamistes.
« Notre nation est pacifique »
Le mois dernier, six chrétiens ont été tués lors de deux attentats à Quetta, la capitale de la province du Balouchistan. Le 29 avril, tous les catholiques du pays ont commémoré la persécution des chrétiens au Pakistan. Mgr Coutts lui-même était évêque de Faisalabad, dans la province du Pendjab, lors des émeutes antichrétiennes de 2009. Dix catholiques furent tués, dont sept d’entre eux brûlés vifs, dans la ville de Gojra et au village de Korian. Une foule de musulmans a saccagé et pillé 113 maisons chrétiennes et détruit quatre temples protestants de la région, après des accusations de blasphème. Hafiz Muhammad Nauman, directeur général de l’organisation Comité Mondial des Religions (World Council of Religions Pakistan), basée à Lahore, confie qu’à l’époque, il était en contact permanent avec Mgr Coutts afin de rétablir l’ordre. « Je félicite l’archevêque et je crois fermement que sa nomination contribuera à améliorer l’image du Pakistan », déclare-t-il. « Notre nation est pacifique, nous ne sommes pas des terroristes ou des extrémistes. »
Hafiz a également recommandé que le nouveau cardinal utilise son influence pour inviter le pape François au Pakistan, ce qui serait une occasion de montrer un « visage tolérant » du pays au monde. Après une visite au Vatican en 2016, les ministres pakistanais Kamran Michael et Sardar Yusuf ont déclaré publiquement que le pape avait accepté l’invitation du premier ministre alors en exercice, Nawaz Sharif, de venir au Pakistan. Néanmoins, un porte-parole du Vatican avait précisé qu’il n’y avait « aucun projet de voyage au Pakistan pour le moment ». Selon le Vatican, le pape était reconnaissant de l’invitation, mais n’avait ni accepté, ni refusé.
Le père James Archangelus, prêtre du diocèse de Faisalabad, espère par ailleurs la nomination d’un évêque auxiliaire le plus tôt possible pour Karachi. Le prêtre assure que Mgr Coutts souffre d’asthme chronique et que sa santé a empiré depuis 2012, après sa nomination comme archevêque de Karachi, une ville côtière très humide. « Aujourd’hui, il a plus besoin d’aide que jamais », ajoute le père Archangelus. Le prêtre souligne également qu’il y a deux sièges vacants dans l’Église pakistanaise, et qu’il faut un nouveau nonce ainsi qu’un nouvel évêque pour le diocèse de Faisalabad, dont le siège épiscopal est vacant depuis que le pape François a nommé Mgr Joseph Arshad à la tête du diocèse d’Islamabad-Rawalpindi.
(Avec Ucanews, Lahore)