Eglises d'Asie

Un prêtre sri-lankais reçoit le prix Gwangju pour son action

Publié le 14/06/2018




L’action du père Nandana Manatunga et de son équipe a permis de faire condamner de nombreux coupables de viol et de torture au Sri Lanka. En 2018, il a reçu le Prix Gwangju des Droits de l’Homme, des mains de la Fondation sud-coréenne du Mémorial du 18 mai. Le prêtre, directeur du Bureau des Droits de l’Homme (HRO) de Kandy, dans le centre du pays, assiste les jeunes victimes d’abus depuis de nombreuses années. Il a notamment permis de grandes victoires juridiques, et continue de s’engager pour la dignité des victimes et de leurs familles.

Depuis des années, le père Nandana Manatunga prend la défense des familles des prisonniers politiques et des victimes de torture, de viol et d’autres abus. Il rend visite aux commissariats et aux camps militaires pour leur rendre justice, y compris pour les proches des Tamouls disparus durant la guerre civile sri-lankaise (1983-2009). De nombreuses femmes rendent visite au bureau du père Manatunga, certaines en pleurs, pour parler d’un proche – souvent des fils, des maris ou des frères –, enlevés par l’armée ou par des groupes armés. « La police et la Division des enquêtes antiterroristes surveillent constamment son bureau, son travail et ses projets », affirme Lucille Abeykonn, du Bureau des Droits de l’Homme (HRO). « Les familles des victimes recherchent son aide, et lui-même ignore les menaces de mort qu’il reçoit. » Lucille ajoute que le prêtre a été particulièrement actif pour venir en aide aux jeunes qui ont disparu durant un soulèvement des jeunes en 1987-1989.
Le père Manatunga, né en 1960 et ordonné prêtre en 1986, est le directeur du HRO (Human Rights Office) de Kandy, l’ancienne capitale sri-lankaise, dans le centre du pays. Plusieurs prêtres qui ont pris la défense des Droits de l’Homme durant la guerre civile ont été tués ou ont disparu. Le père Nandana a reçu, en 2018, le Prix Gwangiu des Droits de l’Homme, des mains de la Fondation coréenne du Mémorial du 18 mai, fondée en mémoire des victimes civiles du 18 mai 1980, lors d’un soulèvement populaire à Gwangju, en Corée du Sud. Lucille, qui a participé à la cérémonie de remise du prix en Corée, explique que le père Manatunga s’est vu accorder une reconnaissance internationale pour son action humanitaire. Le HRO, afin de faciliter la réintégration des survivants et de leurs familles, pour les soulager et les soutenir, organise chaque année des célébrations du Nouvel An, afin de leur permettre de rencontrer d’autres personnes qui partagent leurs souffrances.

« Des années de travail acharné »

L’activiste Ruki Fernando confie que le père Manatunga traite les victimes de maltraitance comme des membres de sa propre famille. Ruki ajoute que le prêtre propose un conseil juridique et une protection physique, ainsi qu’un soutien psychologique et financier. C’est une approche globale, qui permet d’aborder des problèmes juridiques ou structurels tout en plaidant auprès de du gouvernement, des médias et des organisations internationales comme les Nations Unies. Le travail du prêtre et de son équipe a permis d’assurer d’importantes condamnations contre des coupables de viol et de torture. Leur action a également permis la libération de prisonniers politiques.
« Ces actions sont de grandes victoires, rendues possibles grâce à des années de travail acharné », explique Ruki Fernando. Le père Manatunga a également négocié la mise en œuvre de programmes sociaux au sein des prisons. Un autre défenseur des Droits de l’Homme, le père Reid Shelton Fernando, remarque que l’action du père Manatungo a également entraîné une plus grande implication du clergé catholique. Le père Reid confie que le père Manatunga, en plus de subir des menaces, a dû faire face aux critiques et au scepticisme de plusieurs prêtres et évêques, après leur avoir demandé de s’impliquer davantage contre ces abus. Une meilleure prise de conscience a pu être entreprise au sein des écoles, parmi les élèves, grâce à des débats et des expositions, ainsi qu’à travers des essais, des poèmes, ou encore des concours d’affiches.
Durant quatorze ans, le père Manatunga a étudié le cas de Rita Jesudasan, enlevée et violée en 2001 à l’âge de 17 ans. Elle rentrait chez elle depuis l’église Saint-Patrick de Talawakela, où elle venait d’assister à la messe du dimanche et à une rencontre de confirmands, dans une région de plantations de thé dans le centre du pays. Le père Manatunga a aidé Rita jusqu’à obtenir la condamnation historique de deux hommes, condamnés à 23 ans de prison et travaux forcés. Le bureau du HRO a offert à Rita un refuge, une assistance juridique et des soins médicaux, tout en soutenant son éducation et en l’aidant à préparer son mariage.
Le père Manatunga affirme que tous les responsables religieux ont l’obligation morale de défendre les Droits de l’Homme. « Notre organisation propose aux jeunes victimes un conseil, une assistance juridique, une éducation et un refuge. Nous nous engageons à protéger la dignité des personnes », explique le prêtre.

(Avec Ucanews, Colombo)