Eglises d'Asie

Une Tamoule octogénaire prie pour une nouvelle église dans son village

Publié le 22/06/2018




Marie Tin Tin Da, une catholique tamoule de 89 ans du village de Yathaepyan, dans l’État Karen, vit au milieu d’une population bouddhiste depuis de nombreuses années. Malgré d’excellentes relations avec ses voisins bouddhistes, et malgré les visites mensuelles du prêtre, elle est aujourd’hui incapable de se déplacer. Elle espère donc voir de son vivant la restauration de l’ancienne église Saint-Jean-de-Britto, en ruine. L’église a pris le nom d’un ancien missionnaire portugais du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, d’où les catholiques tamouls de Birmanie sont originaires.

Fin mai, par un jour humide et couvert, Marie Tin Tin Da, 89 ans, observe l’église depuis sa fenêtre, avant d’aller s’asseoir lentement sur le sol. « Je me sens fatiguée, et parfois, j’ai tellement de vertiges que je peux à peine parler », souffle Marie, dont la famille est la seule catholique de son village, majoritairement bouddhiste. La petite maison en bois de cette femme tamoule est très proche de l’église Saint-Jean-de-Britto, inutilisée depuis des années et aujourd’hui en ruines. « Chaque fois que je rencontre un prêtre ou une religieuse, je leur demande de construire une nouvelle église. C’est mon dernier souhait avant de mourir », confie-t-elle. Elle vit dans le village de Yathaepyan, dans l’État Karen. Plus de 5 000 personnes vivent dans ce village, situé à seulement dix kilomètres de la frontière de la capitale de l’État, Hpa-an. Le village compte un lycée public et une petite clinique. La plupart des villageois survivent en faisant pousser du riz.
Comme Marie ne peut pas marcher très loin, un prêtre lui rend visite et vient lui donner la communion au moins une fois par mois. « Je prie toujours le chapelet chez moi, puisque je suis incapable de me rendre à la messe depuis cinq ans », explique-t-elle. Elle ajoute que ses voisins bouddhistes viennent très souvent lui rendre visite. « Je garde ma foi et je ne me sens jamais découragée, même si je fais partie de la seule famille catholique au milieu de voisins bouddhistes », raconte cette mère de quatre enfants. Elle garde de bonnes relations avec les familles bouddhistes, qui d’ailleurs participent chaque année à la fête catholique organisée pour la Saint Jean de Britto, le 4 février. « Je suis heureuse de vivre ici, et je ne me suis jamais disputée avec mes voisins bouddhistes », assure-t-elle. Marie vit seule chez elle, son second fils et sa famille vivant ailleurs dans le village.

50 000 catholiques tamouls en Birmanie

Elle est venue habiter ici depuis son village d’origine de Hton-Bo-Quay il y a cinquante ans, après s’être mariée. Le village de Hton-Bo-Quay est à environ 25 kilomètres de Hpa-an et compte près de 700 catholiques tamouls. Les Tamouls, selon les archives de la paroisse du village, vivent là depuis 1 823. Ils cultivent le riz et élèvent des bêtes afin de subvenir à leurs besoins. À Yathaepyan, les portes de l’église Saint-Jean-de-Britto sont brisées et des arbres poussent le long du bâtiment délabré. Une statue de saint Jean de Britto (1647-1693), un missionnaire jésuite portugais du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, est toujours dans l’église. Le saint a été décapité pour avoir prêché le christianisme.
Le père Édouard Aye Min Htun, curé de la paroisse, confie que les catholiques de Hton-Bo-Quay prennent part à la fête de saint Jean de Britto, organisée chaque année le 4 février à Yathaepyan. L’église est trop petite pour accueillir les centaines de catholiques pour la messe, la célébration est donc organisée à l’extérieur. Le père Htun, qui a été affecté à la paroisse en 2015, explique que l’église est inutilisée depuis des années, en dehors du jour de fête et de la Toussaint. « Construire une nouvelle église dépend surtout des relations entre les catholiques et la majorité bouddhiste. S’ils ne s’y opposent pas, nous pouvons la construire grâce à des dons locaux », confirme le père Htun. François, le second fils de Marie, se souvient des trois familles catholiques qui vivaient encore à Yathaepyan il y a 40 ans, avant qu’elles partent habiter dans d’autres régions. « Les bouddhistes participent à la fête de l’église et nous nous entraidons pour les services funéraires », explique François, un ancien soldat qui a quitté l’armée birmane en 2007 suite à des problèmes de santé. « Nous voulons construire une nouvelle église, mais nous ne pouvons la financer nous-mêmes, nous sommes des fermiers. »
L’église Saint-Jean-de-Britto a été renforcée avec du ciment en 1935, après s’être contentée d’une structure en bois durant soixante-dix ans. Des catholiques tamouls de Hton-Bo-Quay sont venus à Yathaepyan en 1954, après avoir subi un incendie dans leur village à cause d’une attaque. Ils sont retournés chez eux en 1956 quand la situation s’est stabilisée. L’État Karen est secoué par la guerre civile depuis plus de soixante ans. Les rebelles de l’Union nationale Karen combattent l’armée birmane depuis l’indépendance du pays en 1948. Les Tamouls sont originaires de l’État indien du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, ainsi que de la nation insulaire du Sri Lanka, au large des côtes du Tamil Nadu. Les Tamouls, qui ont été amenés en Birmanie par les colons britanniques, représentent environ 2 % de la population birmane, qui compte 51 millions d’habitants. Les catholiques tamouls sont estimés à environ 50 000 personnes. Beaucoup de Tamouls ont été forcés de fuir la dictature militaire après le coup d’État du général Ne Win, en 1962.

(Avec Ucanews, Hpa-an)