Eglises d'Asie – Bangladesh
Église et défenseurs des droits contre la peine de mort pour les narcotrafiquants
Publié le 26/06/2018
Les autorités bangladaises prévoient d’introduire la peine capitale pour les trafiquants et parrains du trafic de drogue bangladais. Une décision qui a provoqué les réactions des défenseurs des Droits de l’Homme et de l’Église bangladaise. Le premier ministre bangladais, Mme Sheikh Hasina, a déclaré le 20 juin au Parlement bangladais, aux côtés de la Ligue Awami au pouvoir, que le gouvernement songeait à une loi plus sévère afin de contrer la menace grandissante des narcotrafiquants. La loi « Narcotic Bills 2 018 » est destinée à s’attaquer non seulement aux narcotrafiquants mais aussi aux « parrains » du trafic de stupéfiants au Bangladesh ainsi qu’aux réseaux de trafiquants, a déclaré Mme Hasina auprès de United News of Bangladesh le 21 juin.
Pour cette dernière, « les ‘cerveaux’ du trafic de drogue échappent facilement » aux actions tentées par le gouvernement, c’est pourquoi Sheikh Hasina s’est prononcée en faveur de la peine de mort. L’annonce survient alors que le pays vient tout juste de connaître une situation similaire à ce qu’ont vécu les Philippines lors de la guerre contre la drogue. Du 15 mai au 21 juin, au Bangladesh, près de 160 personnes accusées de trafic de drogue ont été tuées par la police lors de « tirs croisés » – un euphémisme utilisé pour parler des fusillades arbitraires perpétrées par la police, selon les médias locaux. La police a également arrêté 20 767 personnes, dont seulement 15 333 d’entre elles ont été jugés pour trafic de drogue. Selon la police, en 2017, sur 132 883 trafiquants, seulement 106 436 ont été poursuivis.
Poudre aux yeux
Le père Albert Thomas Rozario, responsable de la commission Justice et Paix de l’archidiocèse de Dhaka, se dit favorable à une loi plus stricte, mais s’oppose à la peine de mort. « L’emprisonnement à vie serait acceptable. Nous avons suffisamment de lois, qui ne sont d’ailleurs pas correctement appliquées, c’est pourquoi les dirigeants des réseaux de trafiquants trouvent toujours des failles juridiques afin d’échapper aux poursuites judiciaires. Les homicides liés à la drogue et la peine capitale ne serviraient à rien contre la menace de la drogue. Ce qu’il faut, c’est faire appliquer rigoureusement la loi », demande le père Rozario, un avocat de la Cour suprême. Selon le prêtre, des politiciens corrompus sont impliqués dans les meurtres liés à la drogue et dans le vote de la peine capitale, car aucun parrain n’a encore été mis en cause.
Pour le père Rozario, la nouvelle répression donne l’impression d’être lancée afin de gagner en popularité avant les élections nationales, et afin de faire taire les voix dissidentes et l’opposition. Nasiruddin Elan, un activiste et ancien secrétaire d’Odhikar, une ONG basée à Dakha, partage cet avis. « Il ne fait aucun doute que la menace de la drogue est un problème majeur, et le gouvernement a le droit de prendre des mesures pour s’y attaquer. Mais nous ne pouvons accepter les violations des droits, les homicides arbitraires ou la peine capitale au nom de cette répression », dénonce-t-il. « Nous n’avons vu aucune ‘prise’ importante dans ce filet antidrogue, seulement de petites prises. Certains accusent les législateurs d’être impliqués. Les meurtres de dealers et le durcissement de la loi, c’est de la poudre aux yeux, et à long terme, cela n’apportera aucun répit à la menace. »
(Avec Ucanews, Dhaka)