Eglises d'Asie

Les réfugiés catholiques karennis retournent peu à peu dans l’État de Kayah

Publié le 29/06/2018




Les anciens réfugiés catholiques karennis, qui ont fui la Birmanie il y a plus de dix ans lors des conflits entre l’Armée karenni (KA) et l’armée birmane, commencent à retourner chez eux au compte-goutte, dans l’État Kayah, dans l’est du pays. Deux camps, situés en Thaïlande de l’autre côté de la frontière, accueillent toujours plus de 24 000 réfugiés karennis. Leur région d’origine, au Kayah, ne connaît plus de troubles depuis la signature d’un cessez-le-feu en 2012. Pourtant, les opportunités d’embauche sont encore rares et les jeunes réfugiés sont nombreux à vouloir rester de l’autre côté de la frontière.

Ru Mo n’a pas eu d’autre choix que de retourner dans l’État de Kayah, dans l’est de la Birmanie, après avoir vécu pendant dix ans en Thaïlande dans un camp de réfugiés, de l’autre côté de la frontière. Le besoin urgent de prendre soin de ses parents âgés a obligé la jeune femme et sa famille à quitter le camp en 2016. « Nous avons fini par décider de retourner chez nous, au Kayah, en espérant trouver un emploi et une éducation pour nos enfants », confie cette catholique de 34 ans et mère de quatre enfants. Cette situation est très courante pour les Karennis – le groupe ethnique dominant dans l’État de Kayah, une région peu montagneuse et peu peuplée aux paysages saisissants – qui commencent à quitter les camps de réfugiés peu à peu pour le Kayah. L’État compte environ 300 000 habitants, les chrétiens et les bouddhistes représentant chacun 48 % de la population. C’est le seul État birman où le nombre de catholiques dépasse le nombre de protestants.
Une autre ancienne réfugiée catholique, Magdalena Htar Ru Mo, est retournée au Kayah en avril 2017 quand ses parents âgés lui ont demandé de quitter le camp pour prendre soin d’eux. « Nous n’avions pas le choix et nous avons décidé de retourner chez nous », explique-t-elle. Cette jeune femme de 28 ans, mère de trois enfants, est heureuse de retourner chez elle. « Je ferai de mon mieux pour notre avenir, malgré les difficultés pour la survie au quotidien », confie Magdalena, qui habite chez des proches à Demoso, une petite et charmante ville de montagne située près de Loikaw, la capitale de l’État Kayah. Un autre critère pousse les réfugiés à quitter les camps : les réformes politiques et économiques birmanes, qui ont démarré en 2011 et ont permis les premières élections démocratiques du pays en 2015, ont entraîné la chute des aides internationales. « Auparavant, nous recevions quinze kilogrammes de riz par personne et par mois, mais la portion a été réduite à seulement 9 kilogrammes », explique Magdalena.
Après être retourné vivre à Demoso avec sa famille, son mari a trouvé des petits boulots au quotidien, principalement dans l’agriculture, afin de joindre les deux bouts. « Nous sommes heureux de retourner ici, mais la vie quotidienne est difficile, parce qu’il n’y a pas d’opportunités d’emploi », ajoute-t-elle. Sa famille a fui en Thaïlande en 2006, de peur d’être arrêtés par l’armée birmane à cause de liens prétendus avec l’Armée karenni (KA). En effet, Magdalena devait préparer des repas qu’elle envoyait aux groupes armés, mais d’autres villageois ont mal interprété son aide. « Nous avions terriblement peur d’être arrêtés, donc nous avons fui », ajoute-t-elle, précisant que sa famille habitait au village de Predo, de la commune de Phruso. En approchant de la frontière, ils ont rencontré d’autres familles en fuite, mais personne ne savait quelle direction prendre. « Nous avons rencontré un groupe armé karenni, qui nous a montré comment traverser la frontière. »

306 réfugiés rapatriés

En Thaïlande, 20 000 réfugiés karennis vivent au camp de Ban Mai Nai Soi, à Mae Hong Son, et 4 000 autres sont à Ban Mae Surin, un petit camp éloigné. Ils ont fui l’État de Kayah en 1992, dévasté par des années de conflits ethniques entre l’armée birmane et l’Armée karenni, une branche armée du Parti national progressiste karenni (KNPP). Un total de 306 réfugiés sont retournés en Birmanie depuis, dans des villes comme Demoso, Hpasawng ou Loikaw, selon un rapport de l’UNHCR publié le 1er mai. Depuis 2012, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés a conduit un programme pour accompagner les retours dans le sud-est de la Birmanie. Le premier rapatriement volontaire de 68 réfugiés birmans a été organisé par l’UNHCR en octobre 2016. Un second rapatriement a eu lieu en mai 2018, assurant le retour de 93 réfugiés. Ces programmes se sont intensifiés depuis que la Birmanie a adopté un gouvernement plus démocratique avec l’arrivée au pouvoir, en 2016, du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), mettant fin à des décennies de gouvernement militaire. Le NLD a dû partager le pouvoir avec l’armée, qui contrôle toujours la Défense, les Affaires frontalières et l’Intérieur, dont la police. Mais les observateurs affirment que le pays n’est pas encore prêt à rapatriement à large échelle, à cause de la poursuite de quelques conflits et du manque d’infrastructures, notamment scolaires et médicales.
Au Kayak, une région reculée et sous-développée, il n’y a plus eu d’affrontements depuis que le KNPP a signé un cessez-le-feu en mars 2012. Pourtant, la région manque encore d’opportunités d’embauche. Rosemary, directrice de projet au Service jésuite des réfugiés (JRS) de Loikaw, confie que onze élèves sont retournés à Loikaw en juin 2016. « Les anciennes générations envisagent de revenir, tandis que les jeunes, en particulier ceux qui sont nés dans les camps, veulent rester là-bas pour pouvoir étudier et travailler en Thaïlande », explique-t-elle. Le JRS soutien l’éducation dans les camps thaïs et souhaite contribuer à construire la paix et la réconciliation entre les minorités ethniques, les populations tribales et les communautés religieuses. Le groupe veut également promouvoir la compréhension et la confiance mutuelle entre les habitants de l’État Kayah et les réfugiés retournant chez eux.

(Avec Ucanews, Demoso)