La guerre civile sri-lankaise a pris fin en mai 2009. En 2010, Mahinda Rajapaksa a été réélu président et son parti, l’UPFA (United People’s Freedom Alliance), a remporté une victoire écrasante aux élections législatives face aux Tigres de libération de l’Îlam Tamoul (LTTE), l’organisation indépendantiste tamoule. Mais, même si les vainqueurs ont promis beaucoup de changements politiques, ils ne sont pas parvenus à établir véritablement la paix, la réconciliation et la coexistence entre les Tamouls et les Cingalais. En fait, les autorités ont plutôt manœuvré pour tenter de rester au pouvoir, en modifiant la Constitution à de nombreuses reprises. Et quand le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, Amnesty International et d’autres organisations ont voulu enquêter sur les crimes de guerre durant les dernières phases du conflit, le gouvernement et les forces armées ont répondu en niant tout crime de guerre.
Durant la période précédant la guerre et durant le conflit, les discours de paix étaient tabous pour les autorités et pour un bon nombre d’organisations civiles. Certains avançaient le concept de « guerre juste », en citant le rôle déterminant du LTTE dans le déclenchement de la guerre en 1983. Beaucoup de tentatives de paix ont échoué à cause de cette vision erronée des négociations de paix. Quelques années après la fin du conflit, en janvier 2015, Maithripala Sirisena remportait une victoire surprise sur Rajapaksa. Même après sa défaite, Rajapaksa a prétendu avoir été vaincu par des groupes de pression internationaux. De nombreuses organisations locales avaient souligné la corruption du gouvernement et accusaient Rajapaksa d’avoir modifié la Constitution de manière antidémocratique afin de rester au pouvoir. Cette fois-ci, en 2015, le vainqueur n’était lié à aucun parti. Pourtant, ce dernier a très vite oublié ses promesses.
« Les chrétiens doivent s’unir pour la paix »
Durant les élections législatives d’août 2015, le gouvernement national a été élu avec le soutien des minorités, dans une perspective de paix et de réconciliation pour le Sri Lanka. Mais les discussions n’ont pas été possibles. Le programme du gouvernement a été conçu par les seules autorités cingalaises, en ignorant les Tamouls. L’armée a occupé le territoire et la religion bouddhiste a été imposée de force dans les régions où le bouddhisme était presque inexistant. Les Tamouls qui avaient émigré durant la guerre n’ont pas voulu revenir dans leur pays natal, car ils n’y voyaient aucun avenir pour eux.
Durant la guerre, les pourparlers de paix étaient considérés comme s’attaquant aux positions du groupe ethnique majoritaire. Toute personne parlant de paix ou de réconciliation était associée aux groupes séparatistes comme le LTTE. Toute personne appartenant à une association, une ONG ou un groupe religieux et essayant d’apporter des solutions pour une meilleure entente entre les communautés cingalaises et tamoules était rejetée par les groupes bouddhistes et pro-cingalais majoritaires. Certains ont tenté de lancer des projets de paix en s’inspirant du modèle sud-africain, mais sans succès.
Les nouveaux dirigeants devaient construire une véritable réconciliation après trente ans de conflits. Mais ces trois dernières années, ils ne sont pas parvenus à enrayer la violence dans le pays. L’attitude séparatiste de la majorité demeure, entraînant une citoyenneté de seconde classe pour certaines minorités. Le nouveau gouvernement, qui avait tant promis au pays après l’ancien régime corrompu, a fini par perdre la confiance de beaucoup d’électeurs, comme on a pu le voir durant les élections législatives locales de février. Cette année, des émeutes bouddhistes ont éclaté contre des musulmans, et les attitudes antimusulmanes et antichrétiennes sont toujours vives dans la configuration politique actuelle. Durant la guerre civile, la communauté chrétienne comptait des membres dans les deux camps. Mais après la fin de la guerre, les chrétiens n’ont pas su s’unir pour construire la réconciliation. Les fidèles doivent comprendre que la paix fait partie de la mission de la communauté chrétienne. Je prie et je plaide pour que tous les chrétiens se rassemblent pour construire la paix, la réconciliation et l’harmonie.
Le père Reid Shelton Fernando est conférencier et ancien aumônier de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Young christian workers).
(Avec Ucanews, Colombo)