Eglises d'Asie

L’engagement de sœur Zita au service des minorités catholiques indigènes

Publié le 04/07/2018




Après avoir été témoin de la mort d’une mère et de sa fille, sœur Zita Rema (photo) a dédié sa vie aux personnes dans le besoin. Depuis 2007, la religieuse de 59 ans est au service des besoins spirituels, pastoraux et sociaux des travailleurs migrants chrétiens de Dhaka, la capitale, et de Chittagong, dans le sud-est du pays. Au détour d’une visite dans la zone industrielle de Shitalpur, près de Chittagong, la religieuse évoque la vie difficile des minorités catholiques qui, dans ce pays majoritairement musulman, font souvent partie des groupes tribaux indigènes.

Il lui a fallu rouler plus d’une heure en bus et marcher sur une route boueuse avant de pouvoir rejoindre la zone industrielle de Shitalpur, dans le sud-est du pays – près de Chittagong. Sœur Zita Rema, des sœurs salésiennes de Marie Immaculée, 59 ans, est venue rendre visite aux travailleurs migrants catholiques qui vivent là, souvent dans des conditions misérables. Une fois sur place, elle a visité une famille après l’autre, toutes faisant partie des communautés indigènes garo ou tripura. Elle les connaît tous. Parmi ceux qu’elle est venue visiter, se trouve Niten Mankin, 40 ans, un catholique garo. Niten est venu à Chittagong il y a dix-huit ans à la recherche d’un emploi, et il s’est marié en 2 002. Il a trois fils, âgés de sept, quatre et deux ans. Avant qu’un accident bouleverse tout l’année dernière, il travaillait pour une usine de bonbonnes d’oxygène. « Mon métier était de charger et décharger les camions. Mais des bonbonnes me sont tombées dessus et je me suis cassé la jambe droite », explique-t-il.
Les médecins ont placé un plâtre sur sa jambe fracturée et lui ont expliqué qu’il fallait opérer pour qu’il puisse se rétablir complètement. Mais il ne pouvait pas payer les 100 000 takas nécessaires (1 018 euros) et son employeur a refusé de couvrir les frais. Après huit jours, il a quitté l’hôpital. Le séjour lui a coûté 23 000 takas (234 euros) de sa poche. Sœur Rema confie qu’après son retour de l’hôpital, l’Église locale lui a offert une aide financière pour son traitement, mais qu’il a refusé. « Il voulait absolument recourir à la médecine naturelle, qu’il pensait meilleure pour lui, donc nous n’avons pas insisté », ajoute la religieuse. Une fois de retour dans son village, il a été soigné par un médecin local qui lui a prescrit une pommade à base de plantes pour sa jambe. Il ne peut toujours pas marcher correctement, et il n’a repris des petits travaux occasionnels que récemment. Dans sa hutte de deux pièces au toit de chaume, sœur Rema a massé sa jambe et lui a conseillé de faire de l’exercice physique pour permettre à sa jambe de guérir plus vite. Sœur Rema aurait aimé faire davantage pour Niten et sa famille.
Cette situation est venue renforcer encore plus les convictions de la religieuse, certaine que les religieux peuvent faire davantage encore pour les travailleurs migrants. « Ils doivent comprendre qu’ils peuvent faire quelque chose pour eux. Si nous travaillons ensemble, l’Église peut améliorer son aide », assure-t-elle. « Il faut aller vers eux, écouter leurs problèmes et les aider. On ne peut rien faire en se contentant d’organiser des séminaires et des réunions. » Durant la décennie précédente, beaucoup de chrétiens sont venus habiter dans les principaux centres urbains du pays comme Chittagong, à la recherche de travail. Selon la commission épiscopale Justice et Paix de la Conférence des évêques du Bangladesh, près de 60 000 à 70 000 migrants chrétiens sont employés dans les seules zones industrielles de Dhaka.
Le temps que sœur Rema a consacré à Niten Mankin n’était qu’une visite parmi beaucoup d’autres, dont une visite auprès d’une école primaire ainsi qu’une autre auprès d’un centre de couture qui vient assiste les femmes hindoues et chrétiennes. Sœur Rema a également visité la famille de Sajib Tripura, un indigène tripura catholique. Sajib travaillait pour une entreprise de bonbonnes d’oxygène avant d’être emprisonné en 2 011, suite à des accusations de vente illégale d’alcool. Avec le soutien de l’Église locale, sœur Rema a assuré une assistance juridique à la famille. « Il a été arrêté et envoyé au tribunal. Des audiences ont lieu tous les deux mois, mais l’affaire n’a toujours pas été résolue », explique-t-elle.

« Donner ma vie au service des pauvres »

Sœur Rema est la seconde de trois enfants, d’une famille paysanne garo et catholique, de la paroisse Sainte-Thérèse de Bjalukapara, dans le nord-est du diocèse de Mymensingh. Son père a toujours voulu qu’elle devienne religieuse. « Il a essayé de me transmettre la foi dès le plus jeune âge. Il m’envoyait à des programmes d’Église et à la messe régulièrement. » En 1977, après avoir fini l’école, un prêtre local l’a embauchée comme enseignante et catéchiste. Deux ans plus tard, elle assistait des religieuses à la tête d’un centre médical quand un accident a bouleversé sa vie. « Une femme enceinte souffrait de complications et malgré nos efforts, elle n’a pas pu accoucher », raconte la religieuse. « La mère et l’enfant sont morts à la fin de la nuit. J’étais tellement triste, cela m’a convaincu de donner ma vie au service des pauvres. »
En 1986, elle a rejoint les sœurs salésiennes. De 1990 à 2006, sœur Rema a connu différents apostolats, notamment comme institutrice, comme catéchiste et comme agent pastoral, dans tout le pays. C’est ainsi qu’elle est entrée au service des catholiques indigènes du diocèse de Mymensingh, en leur enseignant le catéchisme, en servant la liturgie et en organisant des formations. De 2006 à 2009, sœur Rema était basée à Dhaka, la capitale, où elle était secrétaire de la commission épiscopale pour la jeunesse. Durant cette période, elle a visité des usines de textile et des salons de beauté où beaucoup de chrétiens étaient employés. En plus de son accompagnement spirituel et pastoral, elle les a également aidés face à leurs problèmes.
C’est ainsi que sœur Rema s’est occupée d’affaires d’abus impliquant des travailleuses chrétiennes. Elle a également aidé à résoudre des affaires concernant la mort mystérieuse de plusieurs filles chrétiennes, vraisemblablement des cas de suicide sur leur lieu de travail. « J’ai développé des relations avec quelques bons policiers et avocats, qui ont apporté leur aide pour plusieurs affaires. Plusieurs fois, je leur ai apporté mon aide discrètement et ils ont pu résoudre leurs enquêtes. » De 2009 à 2014, sœur Rema a travaillé pour sa congrégation et un an plus tard, elle est venue dans l’archidiocèse de Chittagong où elle a été nommée coordinatrice du Bureau pour les migrants et pour les personnes en déplacement.
L’Église catholique au Bangladesh compte environ 350 000 fidèles, répartis dans huit diocèses. Il y a environ 500 000 chrétiens dans le pays, majoritairement musulman, qui compte près de 160 millions d’habitants.

(Avec Ucanews, Chittagong)