Eglises d'Asie

La région montagneuse de Chittagong, instable mais terre de mission

Publié le 06/07/2018




Les trois cents habitants du village de Hatibhanga, dans les montagnes de la région de Chittagong (Chittagong Hill Tracts), sont presque tous catholiques et membres de la communauté indigène tripura. Les deux tiers des 30 000 catholiques de la région appartiennent aux minorités ethniques indigènes. L’archidiocèse de Chittagong, qui ne peut envoyer de missionnaires étrangers dans cette région instable, secouée par les conflits fonciers et religieux, fait face aux problèmes des vocations religieuses, mais aussi au départ des jeunes qui quittent leur village et leur communauté. Pourtant, c’est une terre de mission, qui compte aujourd’hui sept paroisses et trois centres missionnaires.

Hatibhanga est un village typique des montagnes du sud bangladais, dans le district de Bandarban. Koiati Tripura y tisse des robes traditionnelles dans sa maison de bambou au toit de zinc. Koiati, âgée de 42 ans, est mère de cinq enfants et fait partie des 300 membres de la communauté indigène tripura qui habitent le village. La plupart d’entre eux sont pauvres et sans terre. Ils sont presque tous catholiques et viennent à la messe chaque dimanche à l’église Reine de Fatima de Bandarban. Afin d’alléger les difficultés financières de sa famille, Koiati s’est mariée à 17 ans, mais son mari est décédé il y a douze ans d’une maladie inconnue. La famille s’est donc retrouvée dans une situation désespérée. Mais Koiati était déterminée à s’en sortir. « Je travaille dur, tous les jours, pour que ma famille puisse survivre et quand j’ai du temps, je tisse des habits que je vends au marché », explique-t-elle.
La mort de son mari a mis fin à l’éducation de ses enfants, mais elle a tout fait pour qu’ils puissent retourner à l’école. « J’ai travaillé très dur pour cela. Aujourd’hui, j’ai un fils en 3e et deux filles à l’école primaire. J’espère pouvoir soutenir leur éducation aussi longtemps que je le pourrai. » Deux de ses fils ont terminé le lycée et cherchent du travail. Sa fille aînée est mariée. Koiati gagne environ 7 000 takas (82 dollars) par mois, ce qui est insuffisant pour sa famille, ajoute-t-elle. Catholique fervente, quand elle ne peut pas se rendre en ville pour la messe du dimanche, elle va prier avec ses enfants dans la chapelle du village. Un catéchiste local veille sur le village, et des prêtres viennent au village deux fois par an, à Noël et à Pâques.
L’année dernière, une pluie violente a détruit le toit de sa maison, et l’Église locale lui a proposé de l’aide afin de le reconstruire. Il y a quelques années, Caritas a également installé un puits pour améliorer l’accès du village à l’eau potable. Bandarban, ainsi que les villages de Rangamati et de Khagrachhari, forment la région CHT (Chittagong Hill Tracts), la seule région montagneuse du pays qui borde à la fois la Birmanie et l’Inde. La région héberge environ 25 groupes ethniques minoritaires, dont une majorité de bouddhistes et quelques chrétiens. Ils ont leur propre langue, leur culture et leurs coutumes, qui se démarquent fortement de la majorité bengalie (le principal groupe ethnique du pays). Dans les années 1950, des missionnaires catholiques ont commencé à évangéliser les populations indigènes et ont établi une première église à Rangamati en 1955, puis une seconde à Bandarban deux ans plus tard. La région compte aujourd’hui sept paroisses catholiques et trois centres missionnaires qui appartiennent tous à l’archidiocèse de Chittagong.

Une région instable et une terre de mission

Près des deux tiers des 30 000 catholiques de Chittagong appartiennent à des groupes indigènes habitant dans la région montagneuse de Chittagong (CHT), en grande partie des Tripuras. Francis Tripura, qui coordonne le comité pastoral régional de la région CHT, affirme que le christianisme a considérablement amélioré la vie de ces gens. « Les communautés indigènes étaient autrefois superstitieuses et adoraient la nature, mais plus maintenant. Ils étaient semblables à des oiseaux migrateurs, allant d’un lieu à l’autre, mais aujourd’hui ils se sont installés », confie Francis. « Ils sont éduqués, ils parviennent à économiser et essaient d’améliorer leurs conditions socio-économiques. Ils ont une vie conjugale et familiale stable et heureuse, qui peut supporter les difficultés. » Francis accorde le mérite de ce développement aux premiers missionnaires, qui ont vécu avec les populations indigènes, qui ont appris leur langue et aimé leur culture.
Pour lui, la baisse des dons étrangers, la crise des vocations religieuses et le départ des jeunes qui quittent leur village et leur communauté sont des problèmes majeurs. Mgr Moses M. Costa, archevêque de Chittagong, explique que la mission de l’Église dans cette région reculée est particulièrement compliquée. En plus des problèmes liés à l’extrême pauvreté, il y a également les barrières linguistiques et culturelles. Outre la contribution de Caritas, l’Église propose à ces communautés des conseils financiers et soutient la création de sociétés coopératives. « Les gens ont besoin d’économiser de l’argent et d’investir, afin de mieux faire face à la pauvreté », explique Mgr Costa. « Nous n’avons pas suffisamment de prêtres et nous ne pouvons pas inviter de missionnaires étrangers dans cette région à cause des restrictions. Cette année, nous y avons lancé un séminaire, donc nous espérons former de futurs prêtres originaires de la région d’ici quelques années. »
L’évêque ajoute qu’il y a également des différends fonciers et des conflits religieux. Depuis la fin des années 1970, la migration des musulmans bengalis, parrainée par l’État, a entraîné des expropriations de terres et des conflits sectaires. En représailles, une milice tribale s’est formée et s’est attaquée aux musulmans et aux forces de l’ordre. L’armée a occupé la région et les combats ont continué jusqu’à un accord de paix en 1997. Mais l’accord a été appliqué de façon inadéquate, l’occupation militaire se poursuit, les migrations musulmanes se multiplient dans la région et beaucoup de conflits fonciers sont restés non résolus. La région demeure donc instable et les conflits communautaires sont courants. Le gouvernement a maintenu la région CHT comme la seule zone du pays interdite aux étrangers. Pour Mgr Costa, afin de maintenir la paix dans la région, il faut soutenir davantage le dialogue. « Le fait de déployer l’armée pour contrôler la situation et maintenir la paix n’est pas une bonne solution. Il devrait y avoir davantage de dialogue entre les populations tribales et le gouvernement, pour que leurs droits soient respectés. »

(Avec Ucanews, Bandarban)