Eglises d'Asie – Bangladesh
Esclavage moderne : 592 000 ouvriers concernés au Bangladesh
Publié le 26/07/2018
Un nouveau rapport mondial vient d’annoncer que 592 000 personnes vivaient, au Bangladesh, dans des conditions semblables à de l’esclavage moderne, provoquant des réactions mitigées de la part du gouvernement, des syndicats et de l’Église. Le Bangladesh, selon le rapport mondial 2 018 sur l’esclavage (Global Slavery Index) publié le 19 juillet par la fondation australienne Walk-Free, est classé 92e sur 167 pays, et 19e sur 28 pays de la région Asie-Pacifique. Le rapport souligne la vie dure à laquelle sont confrontés beaucoup d’ouvriers du secteur industriel bangladais, a déclaré Babul Akhter, président de la fédération bangladaise Garment and Industrial Workers (ouvriers du textile et du secteur industriel), basée à Dhaka, la capitale.
« Après mes années d’expérience du secteur du travail au Bangladesh, je peux confirmer que ce chiffre [de 592 000 personnes] devrait être encore bien plus élevé. Il y a environ 50 millions de personnes qui travaillent dans le secteur industriel, dont 4 millions pour le textile, et ils subissent des conditions semblables à de l’esclavage, avec notamment de mauvaises pratiques professionnelles, des bas salaires et des conditions de travail dangereuses », dénonce Babul Akhter. Selon lui, cette situation de quasi-esclavage vient de la négligence, la corruption, le manque de transparence et du nombre insuffisant de fonctionnaires pouvant assurer la surveillance.
12 à 14 heures de travail par jour
Ataul Gazi et sa femme travaillent tous les deux dans le secteur textile à Dhaka. Ataul, 34 ans, explique que son faible salaire et ses conditions de travail peuvent être considérés comme de l’esclavage. « Je suis dans cette industrie depuis douze ans et je gagne environ 14 000 takas (165 dollars) par mois, et ma femme gagne 8 000 takas par mois. Nous travaillons durant de longues heures, jour et nuit, mais à la fin du mois, nous ne pouvons rien épargner après les dépenses de la famille et les frais de scolarité de nos deux enfants », regrette Ataul. Les retenues sur salaire, les longues périodes de travail pouvant aller jusqu’à douze ou quatorze heures par jour et les mauvais traitements de la direction sont très courants dans l’usine, ajoute-t-il.
Le père Liton Hubert Gomes, de la congrégation de Sainte-Croix, responsable de la commission Justice et Paix de l’archidiocèse de Dhaka, confirme que ces conditions déplorables sont une réalité au Bangladesh. « Beaucoup, dans le pays, ne peuvent pas subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux. Des gens sont forcés d’accepter des emplois épuisants pour de faibles salaires, parce qu’ils doivent trouver de l’argent pour se nourrir. Et il y a un sérieux manque de contrôle de la part du gouvernement. Le drame est que souvent, les propriétaires sont influents sur les plans financiers et politiques, et cela force le gouvernement à les favoriser et à rester silencieux », explique le père Gomes.
Shibnath Roy, directeur général du département du Travail du gouvernement, s’est montré réticent face au rapport. « Nous avons des institutions publiques comme la commission des salaires (Wage Board) et des équipes de contrôle afin d’assurer des conditions de travail décentes. Nous pouvons reconnaître nos limites, et nous admettons que beaucoup d’ouvriers n’ont pas un salaire équitable, mais apparenter ces conditions à de l’esclavage est incorrect. Nous travaillons dur et nous espérons régler les problèmes un jour », a déclaré Shibnath Roy. Le rapport indique que 40 millions de personnes vivent dans des conditions d’esclavage dans le monde, dont 8 millions d’Indiens. À eux cinq, l’Inde, la Chine, le Pakistan, la Corée du Nord et le Nigeria représentent 60 % des victimes de l’esclavage moderne dans le monde, selon le rapport.
(Avec Ucanews, Dhaka)