Tenter de défendre les valeurs catholiques dans une théocratie musulmane telle que le Pakistan peut être décourageant. Pourtant, la foi persévère. Les chrétiens représentent 3 % des 210 millions d’habitants du pays, dont une moitié de catholiques qui, aux côtés d’autres communautés marginalisées, subissent la persécution quotidiennement. Il y a dix ans, Faisal Mushtaq, catholique, a décidé de quitter sa ville natale de Sialkot, dans la province du Pendjab, pour aller chercher de meilleures opportunités professionnelles vers le sud, à Karachi. C’est là que ce père de famille de 32 ans travaille aujourd’hui, comme plombier et gardien. Il gagne 115 dollars par mois, soit moins que le salaire minimum officiel. Malgré tout, Faisal gagne 80 dollars supplémentaires par mois en lavant des voitures. Être catholique dans un pays comme le Pakistan n’a jamais été facile, mais il a appris à survivre et se faire accepter par les musulmans.
« Bien que la plupart des gens soient accueillants, certains de mes collègues musulmans ne voulaient pas manger ou boire avec moi », regrette-t-il. Au début, il était choqué, mais il a fini par comprendre que bien souvent, il n’était pas possible de changer la façon de penser des gens. Faisal Mushtaq commence ses journées en priant pour rendre grâce à Jésus. « Mes parents, qui vivent à Karachi aujourd’hui, viennent à la messe du dimanche dans notre paroisse, mais je ne peux pas y aller à cause de mon emploi du temps », explique-t-il. « À l’école, nos enfants sont souvent moqués et harcelés, mais ils ont fini par s’y habituer, et les choses s’améliorent dans les classes supérieures. »
L’État du Pakistan a d’abord été créé afin de devenir un refuge pour les minorités ethniques et religieuses du sous-continent indien, majoritairement hindou, mais les principes fondateurs de pluralisme et de tolérance religieuse sont attaqués. Malgré tout, beaucoup de catholiques et d’autres minorités religieuses au Pakistan demeurent fidèles à leur pays. Mais bien souvent, les musulmans ignorent les problèmes des minorités. Certains catholiques pakistanais ont pris la parole pour dénoncer les injustices du passé. Ils assurent pourtant qu’aujourd’hui, la situation s’est améliorée. D’autres affirment cependant que les abus continuent et que leurs difficultés sont toujours négligées.
« Le Pakistan que j’ai appris à aimer »
« En grandissant à Karachi, je subissais la discrimination de mes professeurs, simplement parce que j’étais catholique », raconte Jennifer Michael, une étudiante de 22 ans. Les professeurs d’études islamiques et d’ourdou lui disaient d’aller étudier dans une école chrétienne. La situation a persistée au point qu’elle commençait à mettre en doute sa propre identité et à voir le fait d’être chrétien comme quelque chose de mauvais. « Je voulais abandonner, mais ma famille m’a encouragé à aller de l’avant, à pratiquer ma foi sans avoir peur », explique-t-elle. « En grandissant, j’ai rencontré moins de difficultés. Les gens sont devenus plus tolérants. Les amis et les professeurs que je rencontre à l’université me traitent comme l’une des leurs. »
Steve Watson, qui travaille dans une célèbre pâtisserie de Karachi, remarque que la plupart des accusations de blasphème ont eu lieu au Pendjab. Il y a aussi eu des attaques terroristes contre des églises catholiques à Lahore, la capitale du Pendjab, ajoute-t-il. « La vie n’a jamais été facile, mais cela ne m’a pas empêché de vivre en tant que catholique », assure Steve, qui dénonce les discriminations dans l’emploi public et dans l’attribution des logements sociaux. Sunny Sameer, un développeur web de 30 ans vivant à Karachi, salue la liberté religieuse qui lui permet de pratiquer sa foi, mais il dénonce les menaces posées par les lois sur le blasphème. Ces lois ont été utilisées de manière abusive afin de servir des intérêts personnels. Il s’inquiète ainsi que quelqu’un qui lui en voudrait, et qui voudrait s’approprier ses biens comme sa maison, pourrait essayer de le faire tuer en faisant de fausses accusations de blasphème. Sunny précise que les jeunes chrétiens ne sont pas forcément catégoriquement opposés aux lois sur le blasphème, mais ils veulent que leur manipulation injuste soit contrôlée. Il y a toujours des musulmans qui refuseront de partager leur repas avec des non musulmans. Mais Sunny ajoute qu’il y a aussi des musulmans qui traitent correctement les pratiquants d’autres religions comme lui.
Quelques tweets de Norbert J. Almeida, chroniqueur et militant, ont attiré l’attention du public sur les aspects plus positifs des relations entre musulmans et non musulmans. Il a ainsi affirmé que l’immense majorité de ceux qui ont assisté à la messe d’enterrement de son père étaient des amis ou des collègues musulmans, alors qu’il s’agissait du premier jour de la fête de l’Aïd. « C’est le Pakistan que j’ai appris à aimer », témoigne-t-il, ajoutant qu’il espère que cet état d’esprit s’enracinera avec le temps.
(Avec Ucanews, Karachi)