Eglises d'Asie

Un camp interreligieux réunit des étudiants tamouls et cingalais

Publié le 25/08/2018




Du 7 au 9 août, quatre-vingt-dix enfants tamouls et cingalais ont participé à un camp d’été à Allagollewa, un village reculé du district de Kekirawa situé à environ 46 kilomètres d’Anuradhapura, dans la province du Centre-Nord. Une initiative de l’université Saint-Anthony d’Allagollewa qui cherche, en regroupant des membres des communautés bouddhistes, musulmanes et chrétiennes, à défendre l’harmonie religieuse et l’unité du Sri Lanka, un pays multiculturel où la langue et l’origine ethnique ou religieuse peuvent dresser des barrières entre les jeunes.

Shan Chandu, un étudiant bouddhiste, témoigne de l’expérience positive qu’il a vécu durant quelques jours en travaillant aux côtés d’enfants de différentes origines ethniques ou religieuses, lors d’un camp organisé à Allagollewa afin de soutenir la tolérance religieuse au Sri Lanka. Du 7 au 9 août, quatre-vingt-dix enfants se sont rassemblés dans ce village reculé du district de Kekirawa, à environ 46 kilomètres d’Anuradhapura, dans la province du Centre-Nord, afin d’apprendre à vivre ensemble malgré leurs différences. « Les enfants ont pu échanger et partager leurs propres expériences, et apprendre davantage sur leurs différences religieuses, culturelles et ethniques », se réjouit Shan, qui étudie à l’université Saint-Anthony d’Allagollewa.
Le Sri Lanka est un pays multiculturel, où les enfants apprennent tous l’une des trois langues officielles du pays, le cingalais, le tamoul et l’anglais. Une situation qui peut dresser entre eux des barrières qui rendent la communication plus difficile : les musulmans parlent tamoul tandis que la plupart des bouddhistes et des chrétiens parlent cingalais. « Mais tout le monde au camp était capable de parler cingalais. Cela a permis de créer de nouvelles amitiés et une meilleure compréhension mutuelle », confie Shan. Le camp, qui a eu lieu à l’université Saint-Anthony, a été imaginé comme un exercice de trois jours destiné à développer un climat de confiance mutuelle. Vingt-cinq enseignants thaïlandais ont également participé au camp en tant qu’observateurs, afin de voir ce qu’ils pouvaient apprendre de l’expérience et ramener chez eux.
Shan Chandu assure qu’il a rencontré des chrétiens à l’université, mais qu’il n’avait jamais eu d’amis proches parmi les communautés musulmanes afin de participer aux ateliers mis en place durant le camp. Il ajoute que depuis, son cercle social est devenu plus hétérogène. « Je n’avais jamais réalisé à quel point notre façon de pensée pouvait être similaire avant de rencontrer mes nouveaux amis musulmans », explique-t-il. Shan décrit cette expérience comme bénéfique, car elle lui a permis de mieux comprendre les enjeux de l’harmonie multiculturelle dans le pays. Il a également pu expérimenter et constater le caractère unique et la valeur des cultures musulmanes, bouddhistes et chrétiennes à travers plusieurs ateliers et activités proposés durant le camp.

Acteurs du changement

Le Sri Lanka, majoritairement bouddhiste, est toujours menacé par l’intolérance religieuse. Ainsi en février puis en mars, une série d’émeutes antimusulmanes ont éclaté à Ampara et dans le district de Kandy. Les attaques de Kandy sont survenues suite à l’agression brutale d’un camionneur cingalais par quatre jeunes musulmans. Les émeutes qui ont suivi ont provoqué la mort d’au moins deux personnes ainsi que dix blessés, et quatre-vingts personnes ont été arrêtées. La foule s’en est prise à des maisons, des commerces ou des lieux de culte musulmans, forçant le gouvernement à déclarer l’état d’urgence. La mémoire des émeutes étant toujours présente dans les esprits, le camp d’Allagollewa a été vu comme un pas en avant certes discret mais positif, dans le but d’essayer de changer la société sri-lankaise divisée.
« Nous voulons aider des milliers de jeunes à mieux se connaître les uns les autres, pour qu’ils puissent devenir des acteurs du changement dans leurs communautés », soutient Indika Sandamali Jayasinghe, qui enseigne dans une école publique et qui a participé à l’organisation du camp. « Les enfants apprennent à respecter les différences qui font d’eux des Sri-Lankais. Notre programme veut les aider à adopter un état d’esprit plus positif », confie la jeune femme de 38 ans. « L’école est un lieu où ils peuvent déjà devenir bons ou mauvais, destructifs ou paisibles, aimants ou odieux », ajoute-t-elle. Les Bouddhistes représentent 70 % de la population sri-lankaise de 21 millions d’habitants. Les chrétiens représentent 7 %, les hindous 13 % et les musulmans 9 %.
Fathima Inosha, une musulmane de 17 ans, confie que beaucoup des jeunes participants ont promis de rester en contact et de ramener chez eux, dans leurs quartiers et leurs villages, les messages positifs qu’ils ont appris durant le camp. Nirmal, une bouddhiste qui a participé au camp a ainsi expliqué qu’elle serait heureuse d’entretenir les amitiés qui se sont nouées durant ces quelques jours. « Le problème est qu’avant, il est probable qu’aucun d’entre nous ne faisait confiance aux autres », explique-t-elle. « Mais nous avons eu la chance d’apprendre davantage sur nos cultures réciproques. Nous sommes mêmes allés ensemble à la mosquée. Désormais, les jeunes continueront à communiquer entre eux et espérons-le, à vivre ensemble de façon plus harmonieuse. »

Réconciliation nationale

Pourtant, développer une véritable harmonie interreligieuse demeure un défi aux multiples facettes pour le Sri Lanka. Les communautés tamoules et cingalaises sont toujours divisées après des décennies de d’injustices, de violences politiques et d’échecs répétés du gouvernement. Le diocèse d’Anuradhapura compte environ 12 000 catholiques sur une population d’1,3 million d’habitants. Près de 90 % d’entre eux sont bouddhistes. Le père Damian Perera, prêtre catholique et directeur de Saint-Anthony, confie que beaucoup de membres de sa communauté ont eu du mal à s’entendre avec les villageois musulmans qui vivent dans le quartier. « Mais ce programme a créé l’opportunité de construire une confiance mutuelle et de développer la fraternité quelles que soient l’origine ou la religion », ajoute le père Perera. « Même moi, je n’avais jamais visité de mosquée durant mes sept années de présence ici, avant ma participation à ce camp. »
Lin Yu Ju, un jeune enseignant stagiaire de 18 ans venu assister au camp depuis la Thaïlande, confie qu’il a pu apprendre beaucoup en observant les problèmes interreligieux sri-lankais. « Nous avons pu voir les jeunes échanger sur leurs expériences, leurs opinions et leurs difficultés », explique-t-il. La Thaïlande, majoritairement bouddhiste, se bat depuis des années contre un soulèvement des indépendantistes musulmans dans le sud du pays. Mais ces divisions ne sont pas aussi répandues en Thaïlande qu’elles ne le sont au Sri Lanka. Shan Chandu confie qu’il a élaboré un plan qui devrait permettre à plusieurs écoles de travailler ensemble pour créer une meilleure entente entre les communautés. « Le but ultime est de travailler à la réconciliation nationale », explique-t-il, « et d’assurer que nous ne répéterons jamais les erreurs du passé. »

(Avec Ucanews, Kekirawa)