Eglises d'Asie

Les camps catholiques, une manne pour les familles déplacées

Publié le 30/08/2018




En juin 2011, la reprise des combats entre l’Armée pour l’indépendance kachin (KIA) et l’armée birmane a entraîné la fuite de nombreuses familles dans les États Kachin et Shan, dans le nord du pays. Depuis, la région compte plus de 100 000 déplacés internes, la moitié d’entre eux étant des enfants. Les familles catholiques déplacées témoignent de l’aide qu’ils reçoivent dans les camps dirigés par l’Église, notamment concernant l’éducation scolaire et religieuse des enfants. Un soutien dont ils se réjouissent, malgré le manque de perspectives lié à la poursuite des tensions dans la région.

Marie Ja Taung, une réfugiée de l’ethnie Kachin, vit depuis 2011 au camp Saint Paul Ja Mai Kaung installé pour les déplacés internes. Elle explique que la vie au camp est un combat de tous les jours, mais que les activités religieuses sont un pilier du camp et l’aident malgré la peur de l’avenir. Le camp Saint-Paul est dirigé par Karuna, une branche locale de Caritas, et situé près de Myitkyina, la capitale de l’État Kachin. Les enfants de Marie Ja Taung reçoivent une éducation durant la semaine et des cours de catéchisme chaque dimanche, entre autres activités d’Église. Des catéchistes de Myitkyina viennent faire des visites régulières au camp pour y proposer des lectures de la Bible, enseigner des chants de gospel et encourager les enfants à s’exprimer à travers l’art, ajoute Marie, veuve et mère de sept enfants.
En octobre, certains des enfants seront emmenés à la capitale de l’État pour y participer à un concours biblique. « Le camp nous a donné une nouvelle chance de pouvoir participer aux activités de l’Église et à la messe, et de permettre à nos enfants de poursuivre leur éducation religieuse », se réjouit Marie. Elle se dit trop occupée à subvenir aux besoins de la famille pour pouvoir porter seule cette charge, alors que du matin jusqu’au soir, elle travaille aux champs, élève des porcs et prépare les repas pour toute sa famille. Elle reçoit chaque mois une aide de 11 000 kyats (6 euros) du Programme alimentaire mondial (PAM) pour couvrir leurs principaux besoins alimentaires, qu’elle complète en élevant des porcs avec l’aide de Caritas. « Je vous laisse imaginer combien il est difficile de nourrir sept enfants dans un endroit pareil », souffle-t-elle.
Marie Ja Taung s’est enfuie du village de Gadayan, près du district de Laiza où se trouve le siège de l’Armée pour l’indépendance kachin (KIA), quand les conflits avec l’armée se sont aggravés en juin 2011. Six ans plus tard, en juin 2017, la reprise des combats avait déjà entraîné la fuite forcée de plus de 100 000 personnes, qui ont trouvé refuge dans les camps pour les déplacés internes situés au Kachin ainsi que dans l’État Shan voisin. La KIA est la branche armée de l’Organisation pour l’indépendance du Kachin (KIO), une coalition politique de six tribus kachin du nord du pays. La plupart des membres de la KIA sont chrétiens. La situation demeurant tendue, il y a peu de chance que Marie et sa famille puissent retourner chez eux dans un futur proche, alors que l’armée birmane a accusé des civils kachin de fournir des provisions aux indépendantistes de la KIA. L’éducation scolaire et religieuse que ses enfants reçoivent au camp est donc d’autant plus importante pour elle.

La moitié des « déplacés internes » sont des enfants

Roi Ja, une autre déplacée qui a fui son village en 2012, confie qu’elle récite le chapelet tous les soirs avec ses trois enfants et que les résidents du camp font ce qu’ils peuvent pour soutenir l’éducation religieuse des enfants. « J’essaie d’apprendre à mes enfants à prier et à rendre grâce à Dieu », ajoute-t-elle, avant de préciser que les choses commençaient à s’améliorer. « Maintenant, nous pouvons nous rendre à la messe et je peux les aider dans leur étude de la Bible, une fois qu’ils ont assimilé les bases », poursuit Roi Ja, qui explique que les prêtres de la région ne peuvent leur rendre visite que deux fois par an, et qu’ils passent la plus grande partie de leurs temps dans les champs. « J’ai au moins la chance de pouvoir garder notre foi et nourrir nos enfants », assure Roi Ja, qui participe à la direction du camp. Cela dit, elle reconnaît qu’en restant ici à long terme, elle risquerait de compromettre l’avenir de ses enfants en étouffant leurs perspectives financières et en les marquant à vie. « Les gens risquent de devenir trop dépendants des dons et de souffrir de problèmes psychologiques, s’ils restent plusieurs années dans les camps », affirme-t-elle. Près de 200 enfants, dont 72 nouveau-nés, font partie des 400 « déplacés internes » qui vivent dans le camp de fortune. La moitié des déplacés des États Kachin et Shan sont des enfants.
Peter Nawng Lat et sa famille ont trouvé refuge depuis décembre 2012 dans un autre camp dirigé par l’Église à Kutbai, dans le nord de l’État Shan. Les 130 réfugiés du camp sont presque tous catholiques, à l’exception d’une famille de baptistes. Peter dirige les opérations du camp et sa femme enseigne dans une école publique. Cela leur laisse peu de temps pour se consacrer à l’éducation religieuse de leurs enfants, ils voient donc les activités proposées par l’Église dans le camp comme une bénédiction. Le camp étant situé sur un terrain paroissial, les enfants peuvent suivre tous les matins des cours de catéchisme auprès des prêtres et des religieuses et recevoir une éducation scolaire. « Mes enfants savent prier en birman et en kachin. Ils ont l’habitude de prier avant de manger et de dormir », précise ce père de famille kachin de 40 ans. Sa famille ainsi que d’autres résidents du camp projettent de déménager sur un terrain d’ici l’année prochaine, à mi-chemin entre leur village et la ville de Kutkai. « Il n’y a pas eu beaucoup de combats dans notre village pour l’instant, mais la présence de plusieurs groupes armés – Kachin, Palaung et Shan – est toujours menaçante, la sécurité demeure donc toujours une barrière qui nous empêche de retourner chez nous », regrette-t-il.
Ce nouveau déménagement les forcera à recommencer à zéro dans de nombreux domaines, puisqu’il n’y a ni prêtres, ni religieuses ni église là-bas. « Nous serons le premier groupe de catholique à y vivre, au milieu de baptistes et de bouddhistes », explique-t-il. « Nous avons du mal à subvenir à nos besoins, sans parler de l’éducation de nos enfants, mais nous continuons à espérer une amélioration. » Malgré ses journées chargées, il trouve toujours le temps de montrer à ses enfants des images et des vidéos du pape François. « L’une de mes filles veut être médecin et l’autre veut devenir religieuse, mais mon garçon de deux ans veut devenir pape », ajoute-t-il en riant.

(Avec Ucanews, Mandalay)


CRÉDITS

Ucanews