Eglises d'Asie

Henan : face à la répression, les églises domestiques se multiplient

Publié le 12/09/2018




Alors que la Chine poursuit sa campagne de répression contre la liberté religieuse, les parents catholiques de la province centrale du Henan assument la formation de leurs enfants. Alors que les églises domestiques, face à cette situation, prennent de l’ampleur dans la région, les membres du Parti communiste chinois de la province multiplient les tentatives d’intimidation comme cette pancarte, destinée aux parents et affichée sur le mur d’une église en août : « Les mineurs de moins de 18 ans sont interdits d’entrer. »

Alors que le Parti communiste chinois continue de réprimer la liberté religieuse en empêchant les mineurs d’entrer dans les lieux de culte, les catholiques de la province centrale du Henan font face à la situation en transformant leurs maisons en églises temporaires. Ainsi, Maria, une catholique de la ville de Nanyang, confie que ses parents catholiques, face à la pression de l’État, resserrent les liens communautaires et organisent des rassemblements chez les uns ou les autres pour pouvoir prier avec toute la famille, y compris les enfants. « Chaque famille continue de célébrer sa foi à la maison et reste proche de Dieu », assure-t-elle. « Peu importe le niveau de persécution, cela ne pourra jamais l’emporter sur notre foi dans le Seigneur. » Les prêtres participent également à ces rassemblements domestiques pour transmettre les enseignements de l’Église aux plus jeunes membres de la famille et pour renforcer leur foi, ajoute Maria.
Certains craignent que les jeunes générations ne soient éloignées de la foi chrétienne de leurs familles si le PCC parvient à ses fins et si tous ses décrets sont appliqués, alors que Pékin voit les religions comme une menace. Le gouvernement local du Henan a renforcé sa répression contre les religions en interdisant aux mineurs de participer aux cours d’études religieuses et en rassemblant des informations sur les chrétiens pour pouvoir contrôler leurs activités. Des villageois plus âgés se sont vus menacer du retrait de leur sécurité sociale s’ils refusaient de renoncer à leur foi. De plus, des fonctionnaires et des enseignants affirment que leurs familles ont reçu des menaces de peines diverses s’ils refusaient de cesser de participer aux activités de leur paroisse.
Selon les dernières nouvelles, les croix de plusieurs églises protestantes ont été détruites, et la cathédrale du diocèse d’Anyang a dû retirer sa croix et hisser le drapeau national en signe de patriotisme. Par ailleurs, les autorités auraient demandé à l’évêque et aux prêtres de leur révéler le lieu de l’impression des divers textes religieux des paroisses locales. Les églises ont dû retirer leurs affiches et autres promotions religieuses, selon le clergé local. Face à des incidents similaires qui se sont répétés depuis plusieurs mois, Maria confie qu’elle a récemment acheté des livres sur le christianisme pour ses enfants, dans le but d’instaurer l’équivalent d’une école à domicile.

Un rappel de la Révolution culturelle ?

Teresa Zhao, une catholique du diocèse de Shangqu au Henan, confie que la communauté chrétienne doit assumer la responsabilité de la transmission de la foi à ses enfants, et qu’elle n’a pas d’autres choix que de le faire de façon clandestine. « Cela devient une tendance générale en Chine désormais », regrette-t-elle. « Il n’y a aucun moyen de l’empêcher. » Elle lit des passages de la Bible à ses enfants tous les jours afin de renforcer leur foi. « Si nous continuons de les encourager dans ce sens, personne ne pourra rien contre cela », assure Teresa. « Notre foi est le plus beau cadeau que nous pouvons leur donner. » Elle confie que les décisions du Parti ne pourront pas forcer les chrétiens à renoncer complètement. « L’Église est universelle. Notre Seigneur et ceux qui suivent le Christ ont vécu ici bien avant que nous n’ayons des églises ou un clergé local », poursuit-elle.
Un catholique « souterrain » dénommé John confie que l’intensification de la répression religieuse lui rappelle la Révolution culturelle de 1966-1976, qu’il a vécue quand il était enfant. « Maintenant, nous avons l’impression de retourner à cette période, et nos enfants risquent de voir à quel point les choses peuvent mal tourner… » Il ajoute que l’Église est persécutée depuis l’Empire romain, mais il pense que les manœuvres du gouvernement chinois finiront par se retourner contre lui. « Chaque persécution ne fait que rendre l’Église plus forte et les fidèles plus déterminés », affirme-t-il. « Ces coups extérieurs ne peuvent pas détruire la foi. » L’Église a subi une persécution continue en Chine continentale depuis que le PCC est arrivé au pouvoir en 1949. « Même si les choses étaient bien pires durant la Révolution culturelle, ils n’ont pas pu se débarrasser de l’Église », ajoute Martha, une autre catholique. « Le gouvernement se trompe lourdement en essayant de répéter cela à l’ère numérique. »
Le père Paul, un prêtre d’un diocèse de l’ouest de la province du Henan, confie qu’il a récemment refusé d’accrocher une affiche rappelant l’interdiction de l’entrée dans l’église aux mineurs. Les autorités sont donc arrivées avec de la peinture rouge et l’ont fait à sa place. Depuis, des agents du gouvernement gardent l’entrée de l’église, explique le prêtre. « Aujourd’hui, les parents doivent assumer cette charge temporairement en guidant la foi de leurs enfants. »

(Avec Ucanews, Pékin)