Eglises d'Asie

Accord Vatican-Chine : quelle évolution pour les relations entre Rome et Pékin ?

Publié le 18/09/2018




Selon le Wall Street Journal, un « accord historique » serait sur le point d’être signé d’ici fin septembre. Mais les annonces de ce genre se répètent depuis des années. Le pape et le Vatican sont prêts, mais la Chine est divisée. D’un côté, le ministère chinois des Affaires étrangères serait en faveur de l’accord. Et de l’autre, le Front uni, le ministère des Affaires religieuses et l’Association patriotique continuent de persécuter l’Église et les religions. De leur côté, Pékin et Xi Jinping restent muets sur le sujet.

Le Wall Street Journal (WSJ) a annoncé, le 14 septembre, que la Chine et le Vatican « étaient prêts à signer un accord historique » d’ici la fin du mois de septembre. L’accord en question concernerait les procédures de nomination pour les évêques, au cours desquelles la Chine pourrait nommer les évêques et le pape aurait un droit temporaire de véto ou de confirmation. D’un autre côté, selon le WSJ, le pape serait reconnu en tant que « chef de l’Église catholique en Chine » et « en échange », le Vatican devrait « reconnaître sept évêques excommuniés », qui ont été élus et ordonnés sans l’accord du pape. Mais en réalité, la levée des excommunications des sept évêques est l’aboutissement d’un cheminement entrepris par les évêques eux-mêmes aux côtés du pape, et non le fruit de la « pression » des négociations entre le Saint-Siège et le gouvernement chinois.
Au-delà de ces précisions, il faut souligner ce qu’ajoute le WSJ dans son article : « L’accord peut encore échouer ou être repoussé, en raison d’événements imprévus ». Depuis au moins trois ans aujourd’hui, les journalistes italiens ou du Vatican ont annoncé à tour de rôle et à plusieurs reprises que la Chine et le Vatican étaient sur le point de signer un accord. Cela a été évoqué (toujours en citant des personnes anonymes, mais « disposant de renseignements privilégiés sur le dossier sino-vatican ») en novembre 2016 lors de la fin du Jubilé de la miséricorde, puis fin 2016, en juin 2017 et en mars dernier, avant cette nouvelle annonce d’une échéance pour fin septembre. À ce jour, à chaque fois, il ne s’est rien passé. Pour plaisanter, certains affirment que ces prédictions ressemblent à celles des Témoins de Jéhovah annonçant la fin du monde… ! Mais en citant l’Évangile, il faut reconnaître que personne « ne connaît ni le jour ni l’heure » (Mt 25,16). Le fait que « personne ne sache » quand cet accord pourra être atteint ne dépend pas du pape ou du Vatican. Ces dernières années, le pape François a montré beaucoup d’amour et un grand respect envers le peuple chinois et son histoire, et il éprouve le désir de se rendre en Chine. La délégation vaticane semble prête à faire des concessions afin de pouvoir convenir d’un accord même minimal, même temporaire, avec le géant chinois.

Le silence des médias chinois

La question fondamentale – que peu de journalistes et d’observateurs se posent – demeure celle-ci : la Chine est-elle réellement intéressée par cet accord ? Dans le passé, des experts reconnus ont attribué les raisons du report de l’accord à des divisions au sein de l’Église et entre les catholiques chinois. D’un côté, il y a le ministère chinois des Affaires étrangères, ouvert à la politique internationale et qui serait favorable à la signature d’un accord. En effet, la Chine y gagnerait considérablement en termes de réputation internationale, qui souffre aujourd’hui en raison des tensions entre Pékin et les États-Unis. L’accord risquerait aussi de faire reculer Taïwan, qui n’est plus reconnu que par le Vatican en Europe. D’un autre côté, il y a le Front Uni, le ministère des Affaires religieuses et l’Association patriotique, qui régissent la vie quotidienne des communautés chrétiennes, en prenant le contrôle ou en expropriant les propriétés de l’Église. Pour eux, tout espace ouvert aux relations avec le Vatican menace le pouvoir qu’ils ont sur l’Église en Chine. Pour cette raison, ils continuent à résister en affirmant leur autorité.
Ainsi, des églises et des croix sont détruites, des terrains sont saisis, les jeunes sont interdits d’entrer dans les églises… et ils mettent en œuvre le processus de sinisation des religions en Chine, qui représente l’assimilation et la soumission de toute activité et de toute pensée théologique ou liturgique à l’idéologie nationale. Après le Congrès national du Parti communiste en octobre 2017, le Front uni a été placé lui aussi directement sous l’autorité du Parti. Cela attribue l’autorité maximale à Xi Jinping, président et secrétaire général du Parti. Pour cette raison, Xi Jinping pourrait mettre fin aux années d’attente par une simple décision de sa part, s’il venait à approuver la signature d’un accord avec le Vatican. Mais pour l’instant, l’autorité de Xi Jinping est affaiblie : une confrontation frontale avec les États-Unis pourrait avoir des conséquences économiques désastreuses pour la Chine, et Le président est critiqué en interne par des membres du Parti. De plus, sa campagne anticorruption contre les « mouches » (petits fonctionnaires) et les « tigres » (hauts responsables) au sein du Parti lui a causé beaucoup d’ennemis. En décidant de signer un accord avec le Vatican, il s’opposerait au Front uni et multiplierait le nombre de ceux qui voudraient le voir chuter. Ceci explique, en partie, le silence des médias officiels chinois suite à l’annonce publiée par le WSJ, ainsi que la réaffirmation par le ministère des Affaires étrangères de sa « sincérité » concernant la volonté d’un dialogue avec le Vatican, mais sans évoquer l’accord. L’Académie chinoise des sciences sociales, à Pékin, affirme ne connaître « aucun détail de l’accord, ou quand il serait signé ». Et du côté de l’Église chinoise, beaucoup sont ouverts à un accord mais personne ne sait quand il aura lieu.

(Avec AsiaNews)