Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – La pastorale des jeunes en Chine (1/2)

Publié le 02/10/2018




La quinzième Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques doit se tenir en octobre 2018 à Rome, sur le thème « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel », et les nouvelles restrictions du gouvernement sur les activités de la jeunesse forcent un nouveau regard sur la pastorale des jeunes en Chine. Les réflexions qui suivent sont basées sur des interviews de jeunes et de responsables d’aumôneries conduites en 2017 par le P. Bruno Lepeu, MEP, basé à Hong-Kong, et sur les réponses chinoises au questionnaire du document préparatoire au Synode 2018.

Cet article s’intéresse aux jeunes, entre 18 et 30 ans. Par pastorale des jeunes, je désigne un programme dédié à la jeunesse qui propose non seulement des activités ponctuelles ou du catéchisme, mais qui se consacre également aux besoins des jeunes sur le long terme, entre formation, accompagnement, travail d’équipe, croissance holistique des jeunes et discernement vocationnel.

Une pastorale dynamique qui commence à porter du fruit

Si certains groupes ont démarré en Chine dans les années 1990, les pastorales des jeunes proprement dites ont commencé en réalité dans les années 2000. Cette évolution est liée aux problèmes suivants : comment proposer aux jeunes des programmes post-catéchétiques adaptés ? Suite au nombre croissant d’étudiants migrant vers les villes pour entrer à l’université ou pour chercher un travail, comment éviter qu’ils ne perdent la foi dans leur nouvel environnement, loin du soutien communautaire de leur village traditionnel ? Avec l’aide de groupes externes à la Chine continentale, certains programmes pour les jeunes ont démarré dans quelques diocèses, avec un effort particulier consacré aux étudiants universitaires. En commençant par les villes de Shijiazhuang et Xi’an vers 2005, les communautés catholiques étudiantes ont commencé à croître rapidement dans beaucoup de villes à travers le pays, rassemblant des jeunes dans leurs campus et dans des salles paroissiales, pour des réunions de prière, des partages bibliques et autres activités communautaires ou fraternelles. Beaucoup de diocèses ruraux ont commencé à rassembler et former les étudiants durant leurs vacances d’été ou d’hiver. Rapidement, les jeunes se sont impliqués : en plus de leurs propres groupes universitaires, ils ont commencé à diriger des camps de jeunes au sein de leurs diocèses ou de leurs paroisses, d’ordinaire menés par des prêtres, des religieuses ou des séminaristes. Avec les jeunes qui s’occupent des jeunes, ces programmes sont devenus beaucoup mieux adaptés aux besoins des nouvelles générations. Les activités commençaient à rassembler des centaines de jeunes.
En s’inspirant de ces expériences, d’autres groupes se sont créés dans beaucoup d’autres lieux à travers la Chine. Ils se soutiennent mutuellement, en développant un réseau avec les jeunes animateurs et les aumôniers entre eux. Certains diocèses ont fondé un Centre pour les jeunes ou une commission des jeunes. L’expérience de rassemblements internationaux comme les Journées mondiales de la jeunesse, les Journées asiatiques de la jeunesse ou encore les rassemblements de Taizé aident les jeunes chinois à se sentir unis aux jeunes du monde entier, à s’ouvrir à la diversité de l’Église universelle et à se forger leur identité catholique. Beaucoup de jeunes nés dans les années 1980 sont désormais des piliers de l’Église locale : ils sont engagés dans l’accompagnement au mariage ou dans la pastorale des familles, dans des missions caritatives ou dans le catéchisme. Certains prennent des responsabilités au sein de leur communauté, prenant le relais des générations précédentes. Certains entrent dans la vie religieuse ou assument des charges pastorales à plein temps, spécialement dans la pastorale des jeunes. Mais au début des années 2010, avec la croissance rapide des technologies numériques et de l’accessibilité des smartphones, les activités catholiques pour les jeunes sont devenues moins séduisantes et le niveau de participation a commencé à baisser. C’est pourquoi les responsables d’aumôneries ont commencé à réfléchir à de nouvelles façons de rejoindre les besoins des jeunes. Pour leur croissance spirituelle, cinq éléments fondamentaux ont été identifiés dans le cadre de cette recherche.

Vie communautaire

La vie communautaire est primordiale afin d’aider les jeunes chinois à vivre leur foi et à prendre part à la vie de l’Église. Ceci est lié à l’importance de la camaraderie pour les jeunes, et au besoin de garder des liens de type familial quand ils quittent la maison, mais c’est aussi une façon de vivre la vie chrétienne dans une société où toutes les relations ont un but : les jeunes chérissent ces relations d’amour désintéressé, où tous sont égaux, comme des frères et sœurs, sans aucune arrière-pensée. Ce genre de relations chrétiennes apporte aux jeunes une joie profonde. Cette communauté deviendra pour eux comme leur propre famille. Des activités comme des camps, des services communautaires, des formations d’animateurs, des partages bibliques, des réunions de prières ou des pèlerinages ou simplement la préparation commune de repas de fête sont autant d’éléments importants de la vie communautaire.

Formation

Il y a un fossé entre les nouvelles générations et celles de leurs parents. Ces derniers ont grandi dans des villages catholiques où la foi était naturelle, mais cela n’attire plus les jeunes générations. À l’école, les jeunes sont exposés à une forte propagande athéiste et à diverses questions scientifiques. En quittant leur village et en grandissant dans une société de plus en plus compliquée, avec l’explosion des technologies de l’information, les jeunes ont de plus en plus besoin de se former chrétiennement afin d’être capables de faire face à ces enjeux. Les enseignements magistraux de prêtres sont en général très éloignés de ce que cherchent les jeunes. Les programmes proposés par des jeunes adultes trouvent en général les bons moyens et le vocabulaire adapté pour répondre aux questions des jeunes d’aujourd’hui. Les formations bibliques, les programmes en ligne, les forums de discussions, les témoignages… mais aussi les services aux personnes dans le besoin, sont des façons plus adaptées d’aider les jeunes à grandir dans la foi. Les quelques années d’études à l’université sont la période idéale pour proposer aux jeunes une formation chrétienne holistique. Les formations à l’animation et l’accompagnement personnel sont des parties importantes des programmes proposés aux jeunes. Certains programmes approfondis (trois mois en général) aident les jeunes responsables à réfléchir sur leur vie, sur leurs relations avec leurs parents et leurs amis, sur leur relation avec Dieu et sur leur mission dans la société en tant que disciples de Jésus. Ces programmes les aident à intégrer tous ces différents aspects de leur vie.

Expériences spirituelles

Des expériences spirituelles intenses, comme des retraites, des réunions de prière, des louanges charismatiques ou des veillées d’adoration, des pèlerinages, des messes de jeunes, des camps vocationnels sont des occasions importantes d’aider les jeunes à construire une relation personnelle avec Dieu. Une bonne retraite peut marquer fortement la vie d’un jeune. Ainsi, une jeune femme témoigne : « Avant, c’était la foi de mes parents, mais maintenant c’est ma foi, mon Jésus. » La musique liturgique et les chants adaptés à la jeunesse aident fortement les jeunes à « sentir » Dieu et à exprimer leur joie.

Service

Dans leurs réponses aux interviews, les jeunes ont souligné à quel point ils grandissent dans le service aux autres. Mais la plupart des services sont tournés vers la vie de la paroisse : servants d’autel, lecteurs, chorales, placeurs, catéchistes… Les activités particulières comme les spectacles de Noël sont en général assumées par les jeunes. Cela permet d’apporter leur dynamisme et leur enthousiasme à la communauté locale, qui était surtout composée de personnes âgées auparavant. Les missions caritatives ont beaucoup d’impact sur les jeunes, mais il s’agit en général de services ponctuels. Les services aux orphelins ou aux personnes âgées sont les activités caritatives les plus courantes pour les jeunes.

Accompagnement

La question la plus importante que les jeunes ont soulevée dans leurs réponses au questionnaire pour le Synode, concerne le besoin d’être accompagnés, à la fois sur le plan personnel et communautaire. Beaucoup de jeunes animateurs ont confié à quel point ils ont besoin d’être accompagnés face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés lors de leurs services et dans leur vie spirituelle. Mais dans beaucoup de cas, ils n’ont pas trouvé de soutien. L’accompagnement demande beaucoup d’effectifs, et exige d’être ouvert à la culture et aux besoins des nouvelles générations. Il repose sur les prêtres, les religieuses, sur les laïcs qui travaillent à plein temps pour la pastorale des jeunes, mais aussi sur toute la communauté des jeunes en tant que groupe de soutien.

(EDA / P. Bruno Lepeu)

Publié en anglais le 30 septembre dans le Sunday Examiner, hebdomadaire du diocèse de Hong-Kong


CRÉDITS

Ucanews