Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – La pastorale des jeunes en Chine (2/2)

Publié le 03/10/2018




Comment faire face à la crise des vocations sacerdotales et religieuses, comment s’adresser à tous les jeunes au-delà des milieux universitaires, comment comprendre et écouter les jeunes… Les défis que rencontre la pastorale des jeunes ne manquent pas, ainsi que le révèlent les réponses au questionnaire du document préparatoire au Synode 2018 et aux interviews menées par le père Bruno Lepeu, MEP. Ce dernier évoque aussi l’épreuve des nouvelles règles religieuses dans le cadre de la sinisation des religions en Chine, mais il ne manque pas de relever le dynamisme et la créativité des jeunes pour l’évangélisation et le service au sein de l’Église et de la société.

En Chine, les vocations sacerdotales et en particulier les vocations religieuses féminines ont considérablement diminué. En moins de vingt ans, le nombre de séminaristes a été réduit de près de 80 %. Les sources traditionnelles de vocations semblent se tarir. Cela veut-il dire que Dieu n’appelle plus ou que les jeunes ne sont pas assez généreux pour répondre à l’appel de Dieu ? Dans les interviews, j’ai entendu beaucoup de jeunes parler de vocation. Ils sentent l’appel à suivre Jésus, à vivre avec lui et à servir les autres. Des exemples de jeunes, nés dans les années 1980 et qui servent l’Église en tant que permanents laïcs, ouvrent de nouvelles voies aux jeunes. La vie consacrée et le sacerdoce ne sont pas la seule façon de répondre à l’appel de Dieu. Accueillir et former ces nouveaux profils vocationnels est très difficile. Comme adapter les méthodes traditionnelles de formation aux besoins de ces jeunes ?

Comment prendre soin de tous les jeunes ?

Beaucoup de groupes de jeunes se concentrent sur les étudiants universitaires, mais beaucoup de jeunes ne vont pas à l’université. Comment l’Église peut-elle prendre soin de tous les jeunes ? Dans certains grands diocèses ruraux, des programmes de formation spécifiques (appelées en chinois « formation de cent jours ») proposent aux jeunes de se préparer à l’entrée dans la vie adulte, mais ils forment, au plus, une centaine de jeunes par diocèse et par année. Dans des paroisses rurales, des jeunes ont commencé à s’organiser pour aller vers les autres jeunes. Dans les grandes villes, comme Tianjin ou Pékin, il est intéressant de voir des jeunes prêtres ou religieuses de diocèses ruraux venir vivre dans les banlieues de ces villes afin de prendre soin des jeunes migrants de leurs propres diocèses.
Si certaines initiatives existent déjà, il reste un nombre considérable de jeunes qui quittent la communauté catholique de leur village pour vivre en région urbaine sans aucun soutien spirituel. Ils ne seront plus en contact avec l’Église avant leur mariage ou pour un baptême (souvent célébrés au village, durant les vacances du Nouvel an chinois). Un jeune homme du Gansu a partagé ceci avec un sentiment d’urgence : « C’est une période vraiment cruciale. Si ceux qui sont engagés dans la pastorale des jeunes relâchent un peu leurs efforts, la foi des jeunes chinois disparaîtra. »

L’importance du soutien de l’Église

Les jeunes chinois espèrent être écoutés par l’Église, qui doit chercher à comprendre la jeunesse d’aujourd’hui. En répondant au questionnaire du document préparatoire au Synode 2018, les jeunes chinois ont exprimé le souhait suivant : « Les jeunes de Chine continentale espèrent que l’Église se soucie des jeunes et qu’elle les écoute, qu’elle soit tolérante envers eux et qu’elle cherche à les accompagner, à comprendre concrètement les conditions dans lesquelles leur foi évolue. Ils espèrent pouvoir communiquer en face-à-face avec les prêtres. Ils espèrent que l’Église pourra créer des communautés et organiser des activités pour la jeunesse, adaptées à leur âge, leurs buts et leurs attentes. » La jeunesse est une étape de la vie qui comporte ses propres épreuves et ses besoins, et les responsables d’aumôneries doivent être plus spécialisés, avec une formation spécifique et des plans pastoraux sur le long terme. Les évêques, les prêtres et les supérieurs religieux pensent peut-être que la pastorale des jeunes est très importante pour l’Église, mais en pratique, quand il s’agit de soutien financier, d’effectifs et de locaux, beaucoup d’autres choses semblent souvent plus importantes.

Mise en place des nouvelles règles religieuses

Le renforcement de l’éducation marxiste (« La foi du peuple », selon le président Xi), la promulgation des nouvelles règles religieuses (depuis le 1er février 2018) et l’application de l’interdiction des activités religieuses pour les moins de 18 ans… sont autant de facteurs politiques qui créent de nouveaux obstacles pour la pastorale des jeunes. Durant l’été 2018, plusieurs camps de jeunes et programmes catéchétiques ont été interdits dans plusieurs provinces. Si une telle interdiction se généralisait, la pastorale des jeunes telle qu’elle existe aujourd’hui serait gravement entravée. L’Église devra se concentrer davantage sur la transmission de la foi au sein des familles, en préparant les parents à aider les plus jeunes générations à grandir dans la foi, à développer une rencontre personnelle avec Dieu.

« Huo-li » (dynamisme) !

Quand on leur confie des responsabilités au sein de la pastorale des jeunes et une fois qu’ils ont rencontré Jésus, les jeunes montrent beaucoup de dynamisme et de créativité au service du Seigneur et des autres. Ils ont besoin d’être encouragés et qu’on leur fasse confiance, et d’avoir les mains libres pour pouvoir développer leurs propres talents. Les jeunes, avec leur enthousiasme, sont les personnes les plus à même de s’occuper des autres jeunes. Ils partagent avec eux la même culture et le même langage, et ils peuvent devenir des modèles pour les autres jeunes, qui peuvent se retrouver facilement en eux. En général, il est plus facile pour un jeune de se confier à un autre jeune plus âgé plutôt qu’à un prêtre. Quand les jeunes construisent une relation heureuse avec le Christ, cela devient très attractif pour les autres jeunes. On rencontre beaucoup de beaux exemples de cette façon d’évangéliser.
Quand on demande aux jeunes ce qu’ils peuvent apporter à l’Église et à toute la communauté, leur première réponse est toujours : « Huo-li » (dynamisme) ! Un jeune homme l’a expliqué ainsi : « Si les jeunes se lèvent, ils deviennent une force majeure dans la communauté. Ce qu’ils font, les autres groupes ne peuvent pas le faire. Les plus âgés veulent faire beaucoup de choses, mais ils n’en ont pas l’énergie, et les enfants n’en ont pas la capacité. Beaucoup de choses reposent sur les jeunes. » La participation des jeunes au sein de l’Église commence avec le service de la liturgie et avec l’organisation d’activités, mais elle peut aussi apporter de nouvelles méthodes pour la pastorale des familles et pour l’évangélisation. Les jeunes se préoccupent des plus pauvres, et certains s’engagent dans des services à temps plein. Dans plusieurs diocèses ruraux, beaucoup de responsables de communautés sont d’anciens jeunes animateurs. L’un d’entre eux insiste sur l’influence qu’a eue sur eux le groupe des jeunes, qui leur a apporté trois éléments importants : une expérience de responsabilité, un sentiment d’appartenance, et une formation qui les a préparés à servir au sein de l’Église et de la société. Avec cette nouvelle génération de catholiques, l’Église en Chine chemine également vers le modèle d’une Église servante.

(EDA / P. Bruno Lepeu)