Eglises d'Asie

L’armée Wa s’en prend aux chrétiens sous la pression chinoise

Publié le 09/10/2018




Depuis début septembre, l’Armée Unifiée de l’État Wa (UWSA) mène une répression contre les minorités chrétiennes vivant sur le territoire Wa, près de la frontière chinoise, dans les montagnes du nord de l’État Shan. Cette opération serait menée sous la pression du gouvernement chinois, qui semble craindre les liens éventuels des communautés chrétiennes de la région Wa – auto-administrée – avec les Églises souterraines chinoises. Depuis mi-septembre, 92 pasteurs ont été détenus, trois églises détruites et 52 églises fermées. Toutes les écoles de l’État Shan en bordure de la frontière chinoise ont été fermées. L’UWSA enquête également sur les activités des missionnaires dans la région.

Sous la pression du gouvernement chinois, l’Armée Unifiée de l’État Wa (UWSA) a lancé une répression contre le christianisme près de la frontière chinoise, dans les montagnes du nord-est du pays, en détenant plusieurs pasteurs et enseignants et en fermant toutes les écoles de l’État Shan en bordure avec la Chine. Depuis le début de la répression, mi-septembre, les chefs de l’UWSA ont demandé à leurs troupes d’enquêter sur les activités des missionnaires dans la région. La décision fait suite à l’arrestation du pasteur chinois John Cao en mars 2017, qui a été détenu pour avoir traversé la frontière illégalement. Il a été condamné à sept ans de prison en juin 2018. Selon China Aid, une ONG qui défend la liberté religieuse en Chine, John Cao a contribué à construire seize écoles pour la minorité Wa démunie. C’est une figure importante du mouvement des « Églises domestiques » chinoises, un réseau de petites congrégations non enregistrées qui agissent de façon indépendante. Il a commencé sa mission dans la région Wa en 2013. Les observateurs suspectent la Chine d’être derrière la répression de l’UWSA. Pékin voit les missionnaires comme des agents de l’influence occidentale envoyés au milieu des minorités ethniques birmanes dont plusieurs, dont la minorité Wa, comptent des communautés chrétiennes. Les autorités chinoises voient également les ONG occidentales, en particulier les organisations confessionnelles, comme des rivaux qui cherchent à influencer le processus de paix en Birmanie voire même comme des agents étrangers.

Le plus grand groupe ethnique armé du pays

Bertil Lintner, journaliste suédois et expert sur la Birmanie depuis de longues années, pense que la Chine craint davantage les mouvements confessionnels que les oppositions politiques parce que ces mouvements défient l’autorité morale du Parti communiste chinois. « L’émergence de nouvelles communautés chrétiennes dans les collines Wa est inquiétante pour le gouvernement chinois parce que celles-ci pourraient avoir des liens avec les Églises souterraines en Chine », explique Bertil Lintner. Il ajoute qu’historiquement, les baptistes se sont toujours montrés plus rebelles, plus anticonformistes que les catholiques : « Les Chinois sont également conscients que les baptistes et les autres Églises indépendantes ont des liens avec les États-Unis, d’où leur inquiétude. »
Selon Asia Times, il est clair que la Chine ne veut pas que des missionnaires américains entrent sur le territoire Wa. Les expulsions récentes de prêtres et d’enseignants catholiques font partie d’une campagne qui a débuté le 13 septembre, au cours de laquelle l’UWSA – constituée en 1989 après l’interdiction du Parti communiste birman – a détruit des églises non autorisées dans la région. Suite à cette campagne, quatre enseignants catholiques ont été détenus durant deux jours pendant que les autorités enquêtaient dans plusieurs internats et auprès d’un couvent de religieuses. Un prêtre catholique, qui surveille la situation de près, assure qu’il s’agit de la première répression que mène l’UWSA depuis les débuts de la mission catholique dans la région, il y a environ trente ans. Il ajoute que les officiers qui ont contrôlé les écoles viennent du siège de l’UWSA, car la population locale ne les avait jamais vus auparavant. « Nous ne savons pas combien de temps nous devrons attendre avant de recommencer la mission », ajoute le prêtre. Le 26 septembre, la Convention baptiste Lahu, dans l’est de l’État Shan, a déclaré que 92 pasteurs ont été détenus, 3 églises détruites et 52 autres fermées. Elle a ajouté que l’UWSA a recruté de force 41 étudiants de ses écoles bibliques.

Répression contre les « extrémistes » religieux

Une vidéo non datée, devenue virale le 19 septembre, montre des membres de l’UWSA en train de détruire des croix et une nouvelle église avant de faire fermer une autre église. Les médias locaux citent Nyi Rang, un porte-parole de l’UWSA de Lashio (État Shan), qui affirme qu’ils s’en prennent aux « extrémistes » religieux du territoire Wa car les missionnaires n’ont pas de permis officiel et que le clergé opère illégalement. L’UWSA a également annoncé que toutes les églises construites après 1992 l’ont été illégalement et qu’elles seraient détruites. Seules les églises construites entre 1989 et 1992 ont été jugées légales. L’UWSA a interdit la construction de nouvelles églises et exige que les prêtres et les volontaires engagés dans les communautés chrétiennes soient locaux et non étrangers. L’armée Wa a également interdit l’enseignement religieux dans les écoles de la région Wa, et les membres de l’UWSA n’ont le droit de faire partie d’aucune organisation religieuse. Les dirigeants de l’UWSA se sont également engagés à punir tous les responsables locaux qui soutiennent les activités missionnaires.
Le gouvernement birman, qui n’a aucun contrôle sur la région Wa auto-administrée, est resté silencieux devant la répression pro-chinoise. Les journaux d’État n’en ont pas parlé, contrairement aux médias locaux privés. La Chine, alliée précieuse de l’État birman, joue un rôle clé dans le processus de paix en Birmanie, notamment en tant que membre du conseil de sécurité des Nations unies et détentrice du droit de véto. Dans le nord de l’État Shan, les minorités ethniques Wa, Kachin, Ta-ang, Lahu, Lisu, Kokang et Shan représentent environ 30 % des 450 000 habitants du territoire Wa. Quant à eux, les quelque 30 000 membres de l’UWSA – qui constituent le plus grand groupe ethnique armé du pays – font également partie d’un des plus importants trafics de drogue du sud-est asiatique.

(Avec Ucanews, Mandalay)