La Cour Suprême a déclaré, le 8 octobre, qu’elle différait son jugement concernant Asia Bibi, condamnée à mort en 2009 pour blasphème, dont c’était le dernier recours. Le juge en chef de la cour, Saqib Nisar, a entendu l’appel aux côtés des juges Asif Saeed Khosa et Mazhar Alam Khan. Après avoir entendu les arguments des deux parties, la Cour a décidé de différer son jugement en déclarant qu’elle l’annoncerait plus tard. Aucune date n’a été donnée. Le juge en chef Sakib Nisar a averti les médias de ne pas commenter l’affaire tant que le verdict n’a pas été rendu.
Si l’appel d’Asia Bibi est rejeté, son dernier recours sera de demander une grâce présidentielle auprès d’Arif Alvi, qui est arrivé au pouvoir en même temps que le nouveau premier ministre, Imran Khan. Asia Bibi vient d’un petit village du centre du Pakistan. Elle a passé neuf ans derrière les barreaux, après une dispute qui a éclaté le 14 juin 2009 dans un champ avec ses collèges musulmanes à propos d’un verre d’eau. Asia Bibi affirme qu’une des femmes l’a attaquée pour avoir « souillé » l’eau parce qu’elle n’était pas musulmane. Selon les accusations, elle aurait répondu « Qu’est-ce que votre prophète Mohammed a fait pour sauver l’humanité ? ». Suite à une autre dispute qui a éclaté quelques jours plus tard, elle a été battue et amenée devant un imam du village qui lui a donné un ultimatum : se convertir à l’islam ou mourir.
L’affaire a fait la une des journaux du monde entier. Avant le jugement de la Cour Suprême, son avocat, Saiful Mulook, a plaidé devant les juges en leur demandant d’annuler sa condamnation étant donné que la plainte contre Asia Bibi n’avait été déposée que cinq jours après l’altercation, et par un imam qui n’était même pas présent. « Il y a des contradictions concernant la façon dont l’incident a été rapporté. De plus, aucun permis n’a été demandé auprès des autorités du district ou de la police pour enregistrer la plainte officiellement », a ajouté Saiful Mulook. Le jour où le jugement différé a été annoncé, une pétition en ligne pour la libération immédiate d’Asia Bibi affichait 500 signatures. Peu après avoir été mise en ligne, elle affichait déjà trois fois son objectif. Une autre pétition lancée par une femme britannique en 2015 sur le site d’action sociale change.org a rassemblé près d’un demi-million de signatures.
« Le véritable blasphème, c’est la souffrance qui lui a été infligée »
Au 8 octobre, le nom de l’accusée faisait partie des mots les plus recherchés sur Twitter au Pakistan, alors que les soutiens continuaient de se manifester en faveur de la détenue catholique. « Plus de 71 ans après l’indépendance, il est tant que le Pakistan dépasse ses lois controversées sur le blasphème, qui ont été introduites par les Anglais lors du règne colonial britannique et dont le Pakistan a hérité après sa séparation de l’Inde », a tweeté Sayeeda Warsi, femme politique anglaise d’origine pakistanaise et ancienne vice-présidente du Parti conservateur. « Je prie pour que l’humanité et la compassion l’emportent à la Cour Suprême demain », espérait-elle la veille du jugement. Kashif Chaudhry, un médecin, écrivain et défenseur des Droits de l’Homme au Pakistan, a également participé aux débats sur Twitter. « Dans quelques heures, l’appel final d’Asia Bibi sera entendu par la Cour Suprême. Espérons que la raison l’emporte, et que cette pauvre mère chrétienne puisse être réunie avec sa famille. Le véritable blasphème ici, c’est la souffrance qui lui a été infligée. Nos prières vont avec elle », a-t-il écrit. « C’est la dernière chance qu’a le Pakistan pour réparer ses torts », a tweeté Naila Inayat, une journaliste pakistanaise militant pour les droits des femmes au Pakistan.
Dans un communiqué publié peu après le procès, Khadim Hussain Rizvi, chef du parti religieux islamiste radical Tehreek-e-Labbaik Pakistann, a déclaré qu’aucun blasphémateur ne pouvait échapper aux sanctions, quel que soit le verdict. Il a ajouté que toute personne tentant d’aider un blasphémateur devrait affronter la colère du public, insinuant que si l’appel est en faveur d’Asia Bibi, la justice populaire pourrait faire justice elle-même contre l’avis de la Cour. « Les pressions internationales encouragent le blasphème au Pakistan », a-t-il ajouté. Malgré la décision de la Cour de différer son verdict, le Dr Wilson Chowdhry, président de l’Association des chrétiens pakistanais britanniques (BPCA), ainsi que l’avocat d’Asia Bibi, se montrent confiants : « Après sa libération, les pays occidentaux devront l’accueillir immédiatement. Elle le mérite. » Wilson Chowdhry ajoute qu’« Asia a été forte et courageuse durant toutes ses années d’emprisonnement, et elle n’a jamais perdu la foi ».
(Avec Ucanews et Asianews)