Eglises d'Asie – Thaïlande
Après les élections générales, les négociations entre partis battent leur plein
Publié le 02/04/2019

Le parti pro-junte Palang Pracharat, qui a obtenu 118 sièges lors du scrutin (mais qui a gagné le vote populaire avec 8 400 000 bulletins en sa faveur), est aussi en train de négocier pour former sa propre coalition, même s’il se montre beaucoup plus discret que le Pheu Thai sur ses partenaires potentiels. Les petits partis, qui sont les alliés les plus naturels du Palang Pracharat, devraient lui permettre de former une coalition regroupant environ 200 sièges. Un parti fait figure de parti pivot : le parti Bhumjaithai, un parti « opportuniste », sans idéologie et qui a mené campagne notamment sur le thème de la légalisation du cannabis. Le parti Bhumjaithai a obtenu 52 sièges. S’il rejoignait la coalition du Palang Pracharat, les coalitions pro-junte et anti-junte compteraient environ le même nombre de sièges.
Déséquilibre démocratique et dérapages électoraux
Ce n’est que vers fin mai – début juin, après la cérémonie de couronnement du nouveau roi Vajiralongkorn, qu’un vote à la majorité absolue des deux assemblées interviendra sur le choix du Premier ministre, parmi les candidats nommés par les différents partis. Le Sénat de 250 membres étant entièrement nommé par les militaires, il paraît d’ores et déjà presque acquis que le candidat du Palang Pracharat au poste de Premier ministre – le chef de la junte et Premier ministre actuel Prayut – sera élu grâce au soutien du Sénat : il ne lui faudra en effet qu’un minimum de 126 voix au sein de l’Assemblée nationale pour compléter les voix de la Chambre haute. Un résultat facile à acquérir pour le parti Palang Pracharat et ses alliés. En revanche, on ne voit pas comment la coalition formée autour du parti anti-junte Pheu Thai pourrait obtenir les 376 voix nécessaires pour que sa candidate, Sukarat Keyuraphan, soit élue au poste de Premier ministre.
C’est dans ce cadre que le nombre de sièges contrôlés par chaque coalition et que la « légitimité démocratique » qui en découle interviennent. Un gouvernement dirigé par le Premier ministre Prayut Chan-ocha, appuyé par une coalition minoritaire à l’Assemblée nationale, serait conforme aux règles de la Constitution, mais manquerait de légitimité démocratique. Si le parti pivot Bhumjaithai rejoignait la coalition formée autour du Pheu Thai, cette situation serait encore plus nette : avec une opposition contrôlant environ 300 sièges à l’Assemblée nationale, le gouvernement dirigé par Prayut serait très fragile et aurait bien du mal à faire voter ses lois. Pour l’instant toutefois, le Bhumjaithai n’a donné aucune indication sur sa future stratégie.
Parallèlement, la pression monte à l’encontre de la commission électorale – en charge de l’organisation et de la supervision du scrutin – en raison des nombreux dérapages qui sont intervenus. Il lui est notamment reproché d’avoir déclaré, le soir du scrutin, que le taux de participation était de 66 % avant de rectifier quelques jours plus tard pour annoncer un taux de 74,7 % (soit une différence de 4,5 millions d’électeurs). Dans certaines circonscriptions, des divergences entre le nombre d’électeurs qui ont voté et le nombre – très supérieur – de votes exprimés ont aussi été signalées. Une pétition en ligne a été lancée pour demander la destitution de la commission électorale ; au 30 mars, elle avait été signée par près de 900 000 personnes.
(EDA / A. D.)
Crédit : ITU Pictures / CC BY 2.0
